... en Normandie, la stabilité dans le haut-commandement allié contrasta singulièrement avec la situation que vécut la Wehrmacht qui, de juin à septembre, connut quatre, voire cinq (1) commandants suprêmes, par ailleurs tous soumis aux incessantes interférences de Hitler... lequel faillit lui-même devenir la victime d'un attentat fomenté par ses propres généraux
Mais si les Alliés affichaient un Front uni, celui-ci n'était en vérité que de façade. Au niveau politique déjà, Roosevelt avait, dès le début de 1944, largement hypothéqué sa complicité avec Churchill pour se rapprocher de Staline, ce qui l'avait conduit à imposer à la Grande-Bretagne de débarquer massivement en France alors que celle-ci entendait poursuivre son petit bonhomme de chemin en Italie, en attendant d'en faire de même dans les Balkans,... au détriment des intérêts russes.
Si Roosevelt voulait débarquer en France, il n'entendait cependant pas le faire en compagnie du chef autoproclamé des Français, ce de Gaulle dont il se méfiait énormément et qui, pour sa part, le méprisait tout aussi souverainement,... même si le Français, pour combattre les Panzers allemands avait désespérément besoin d'un matériel de guerre que seul l'Américain pouvait lui fournir.
Au plan militaire, l'obligation de ménager la susceptibilité des Britanniques qui, après tout, étaient en guerre depuis bien plus longtemps qu'eux, avait poussé les Américains à confier à Eisenhower un rôle essentiellement politique, et à laisser aux Anglais, et particulièrement à Montgomery, la conduite des opérations sur le terrain.
Mais avec la montée en puissance de l'US Army et, il faut bien le dire, les résultats fort décevants des Anglo-Canadiens, ce compromis était intenable à terme. On finit d'ailleurs, à partir d'août 1944, par voir les Américains prendre toute la place, suscitant l'amertume de leurs alliés anglais.
Si chaque faction alliée cherchait à tirer la couverture, et le maximum de pouvoirs et de moyens, dans son propre camp, chacune s'entendait également pour tenter de minimiser les pertes chez elle, et donc pour les reporter sur les épaules des autres.
Américains, Britanniques, Canadiens, Français, Polonais,.. tout le monde était convaincu d'en faire plus que sa part, accusait l'autre de ne pas en faire assez, et aurait assurément souhaité que les Russes fassent tout à leur place,... si cela n'avait signifié pour chacun la perspective de voir le drapeau rouge flotter ensuite sur toute l'Europe libérée, à commencer par la Pologne, cette Pologne pour laquelle tout le monde était entré en guerre en 1939, cette Pologne que l'Armée rouge avait envahie en compagnie des Allemands, et qu'elle s'apprêtait maintenant à libérer de ces mêmes Allemands, pour mieux l'occuper à elle seule pendant les quarante et quelques années qui suivraient.
Loin d'être le coup d'envoi d'une ardente et unanime "Croisade pour la Liberté", synonyme de lendemains idylliques, le Débarquement de Normandie, opération multinationale par excellence puisque comptant dans ses rangs des soldats polonais chassés de chez eux en 1939, le Débarquement de Normandie, donc, fut donc, d'abord et avant tout, une simple juxtaposition ponctuelle d'intérêts particuliers, provisoirement convergents et réunis sous une bannière commune ce qui, pour les peuples libérés, était finalement l'essentiel.
L'Histoire, on le sait, n'a pas de morale...
(1) si l'on tient compte de la position de Rommel à la tête du Groupe d'Armées B, théoriquement assujetti à l'Ob-West de von Runstedt mais bénéficiant en pratique d'une large liberté de manoeuvre et d'un accès direct à Hitler
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