mercredi 29 octobre 2008

2061 - le changement d'axe

... A l'ouverture de la Conférence de Téhéran, le 28 novembre 1943, le fossé qui sépare la conception britannique de la conception américaine de faire la guerre a atteint son maximum, et les liens patiemment tissés entre Churchill et Roosevelt ne suffisent plus à le franchir.

D'emblée, le Président américain se range d'ailleurs du côté de Staline qui, fort insolemment, commence par balayer du revers de la main la stratégie méditerranéenne défendue par Churchill, puis exige de connaître la date du débarquement allié en France, ainsi que le nom du général appelé à le commander.

Staline tient en effet Overlord - nom officiel du futur débarquement - comme la principale opération à mener durant l'année 1944. Il ne se soucie guère de la future prise de Rome, vantée par Churchill, et considère tout éventuel engagement allié en Mer Égée ou dans les Balkans comme de vulgaires "pertes de temps". Autant de déclarations qui ne peuvent que heurter Churchill de plein fouet, mais que Roosevelt approuve néanmoins sans se faire prier.

Lors d'un toast, le 29 novembre, Staline poursuit son offensive anti-britannique, en annonçant son intention d'empêcher toute résurgence du militarisme allemand "dans les 10 ou 15 ans après la guerre (...) en "liquidant physiquement de 50 000 à 100 000 officiers allemands". Churchill s'empourpre aussitôt. "Je préférerais, s'exclame-t-il, qu'on m'emmène immédiatement dans le jardin et qu'on me fusille plutôt que de me soumettre moi-même et mon pays à une telle infamie !". Mais à, sa grande consternation, Roosevelt, loin de lui emboiter le pas, se rallie aussitôt au camp russe et, d'un ton badin, propose plutôt de ramener le nombre d'officiers allemands à exécuter à "seulement 49 000" (1). Ulcéré, Churchill quitte alors la pièce, poursuivi par un Staline qui, goguenard, lui assure qu'il ne faisait que plaisanter.

Inébranlable depuis décembre 1941, voire même depuis 1939, l'axe Londres-Washington vient de voler en éclats au profit d'un nouvel axe Moscou-Washington, laissant Londres sur le bord de la route, et préfigurant la politique internationale des années à venir.

Lâché par son allié américain, et mesurant pleinement l'impuissance britannique, Churchill n'a maintenant plus d'autre choix que de s'incliner et de subir les événements plutôt que de les dicter.

"On le vit soudain, au beau milieu de la Conférence, vieillir d'heure en heure, jusqu'à devenir cet homme vieux, verbeux, incapable de se contenir et instable (...) ses décisions étaient à présent quelque peu soudaines et ses actions plutôt improvisées. Elles n'étaient plus sous-tendues par une vision globale, celle-ci avait été réduite à néant" (1)

(1) David Irving, "Nuremberg, the last battle", page 33. Elliott Roosevelt, qui accompagnait son père, cite le chiffre de "49 500"
(2) Wievioka, Histoire du Débarquement en Normandie, page 45

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