mardi 28 octobre 2008

2060 - ne pas rater le coche

... En août 1943, à la Conférence de Québec, Churchill, qui s'y refusait jusque-là, avait fini par accepter l'exigence américaine d'un débarquement sur les côtes de France, que l'on fixa au 1er mai 1944, soit avec un an de retard sur le calendrier initialement proposé par les Américains, et deux ans sur celui promis aux Soviétiques.

Pour autant, le vieux lion britannique ne s'avouait pas vaincu, et espérait bien que la réussite des opérations militaires en Italie rende le débarquement en France sinon inutile, du moins pas franchement indispensable, ce qui éviterait de devoir porter un assaut aussi frontal que massif contre une Wehrmacht bien entraînée et protégée par les épais bunkers que l'Organisation Todt était occupée à faire pousser comme champignons, de la Scandinavie à l'Espagne.

Hélas, la Campagne d'Italie, entamée dès juillet 1943 par l'invasion de la Sicile, ne se déroula pas comme prévu, et certainement pas comme espéré.

En novembre, confronté à l'augmentation constante des coûts de cette campagne, tant en vies humaines qu'en matériel, et en regard du peu de résultats obtenus sur le terrain, Roosevelt décida enfin de se mettre à l'écoute de ses militaires qui, depuis des mois, le suppliaient en vain de renoncer aux "stratégies périphériques" si chères aux Britanniques, pour en revenir au fondement-même de la philosophie militaire américaine : un engagement sans subtilité et en seul endroit, mais avec un maximum d'hommes et de puissance de feu.

A cela s'ajoutait, dans l'esprit de Roosevelt, le désagréable sentiment d'avoir trahi la promesse de "second Front" faite à Staline dès 1942, et aussi la crainte de voir les soldats russes, à présent revigorés par leurs victoires de Stalingrad puis de Koursk (février puis juillet 1943) défiler dans Berlin quand les GI's, eux, seraient encore occupés à hanter les pubs anglais dans l'espoir de convaincre leurs hôtes britanniques de la nécessité de débarquer en France.

Une crainte que l'ambassadeur soviétique à Londres résumait avec perfidie dès février 1943 : "D'un côté, le gouvernement britannique voudrait remettre l'ouverture du second Front à une date plus éloignée, pour attendre le moment où l'Armée rouge aura fait le travail essentiel et aura cassé le dos de la machine armée allemande... Mais d'un autre côté, si les Anglais (et les Américains), en attendant des "conditions confortables", retardent trop l'ouverture du second Front à l'Ouest, ils risquent de manquer le bon moment et de laisser l'Armée rouge entrer à Berlin avant les Alliés. Les Anglais et les Américains en ont grand peur" (1)

(1) cité par Olivier Wieviorka, Histoire du Débarquement en Normandie, page 47

Aucun commentaire: