jeudi 20 octobre 2005

956 - le conformisme des églises

... il est toujours très difficile de ramer à contre-courant de son époque, a fortiori lorsque rien, dans votre culture, votre éducation, votre expérience, votre famille ou votre entourage, ne vous y incite.

Les plus éminents juristes allemands avaient exclu les Juifs de leurs rangs bien avant que l'État ne les y oblige, et avaient ensuite appliqué avec un zèle digne d'éloges les lois et règlements restreignant chaque jour un peu plus les droits et libertés de la communauté juive d'Allemagne. Les journalistes, les enseignants, les fonctionnaires avaient fait de même, là encore en devançant bien souvent les désirs du parti nazi.

Les médecins ne s'étaient pas davantage fait prier pour adhérer à "l'action d'euthanasie" : bon nombre d'entre eux livrant même spontanément leur propre liste des malades et handicapés mentaux à "traiter".

Les Juifs allemands n'avaient donc rien à attendre des églises catholiques et protestantes. Historiquement antisémites, celles-ci ne firent d'ailleurs aucune difficulté pour livrer aux autorités du Reich les registres de baptêmes et de conversion,... ce qui permit de repérer sans difficulté les Juifs, demi-Juifs ou simples convertis jusque dans les plus petites villes et villages allemands.

En avril 1933, l'évêque Dibelius, un des principaux chefs-de-file d'une église protestante réunissant 63% de la population allemande, soulignait ingénument "qu'il avait toujours été antisémite", et qu'il était impossible "de ne pas voir que dans presque toutes les manifestations corrosives de la civilisation moderne, les Juifs avaient joué un rôle de premier plan".

Bien que davantage réfractaire au nazisme, et plus jalouse de ses propres prérogatives, l'église catholique entretenait sur la "question juive" les mêmes opinions que sa consoeur protestante. Comme le souligne l'historien Guenther Lewy, "la question même de savoir si l'Église catholique devait prêter son concours à l'État nazi en désignant d'elle-même les personnes d'ascendance juive n'a jamais été l'objet d'un débat (...) La coopération de l'Église en cette matière fut constante pendant toute la guerre, quand le fait d'être Juif n'entraînait plus seulement l'expulsion de la fonction ou la perte de son gagne-pain, mais la déportation et la destruction physique pure et simple"

Aucun commentaire: