... dans les dictatures, les vies humaines pallient l'absence de moyens mécaniques pour creuser, défricher, bâtir, mettre en oeuvre tous les projets cyclopéens dont celles-ci sont friandes.
Le Japon de Hirohito ne possédait pas les bulldozers, les grues, les excavatrices, les bataillons de génie spécialisés, la formidable logistique dont s'enorgueillissait l'Amérique de Roosevelt. Elle disposait en revanche d'une main d'oeuvre quasi inépuisable et surtout gratuite, puisque composée des dizaines de milliers de prisonniers de guerre occidentaux corvéables à merci, et de centaines de milliers de coolies que l'on pouvait rafler dans tous les pays conquis, et faire travailler jusqu'à la mort.
Déjà fort mal disposés à l'égard des uns et des autres, les quelque dix-huit mille soldats et ingénieurs nippons qui accompagnaient leur armée d'esclaves se raidirent encore davantage à mesure que les difficultés de l'entreprise provoquèrent une véritable explosion des coûts et des retards dont chacun se sentait redevable devant l'Empereur.
"Notre tâche consistait à finir le travail dans les délais imposés", souligna l'ingénieur Juji Tarumoto. "Le manque de moyens techniques ne pouvait être compensé que par l'énergie humaine et la force. L'individu en tant que tel ne comptait plus et ne pouvait pas être pris en considération. La construction avait débuté des deux côtés de la ligne. Pour pouvoir réaliser la jonction à Konkuita, l'individu devait être oublié au profit du terrible pouvoir de la force de travail grâce à laquelle nous avons réussi"
La logique était implacable. Son prix en serait terrible...
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