... plus que de bravoure ou de stratégie, la guerre est d'abord et avant tout affaire de logistique. Les Américains n'ayant pas d'empire, mais beaucoup de sens pratique, comprirent très vite la nécessité de posséder une importante flotte d'avions de transport s'ils voulaient acheminer et ravitailler leurs troupes aux quatre coins du globe. Les Japonais, en revanche, avaient conquis un immense empire, mais ne s'étaient jamais beaucoup préoccupés de logistique, arme par trop défensive pour une nation de samouraïs. Lorsqu'ils réalisèrent leur erreur, et le risque d'une rupture totale des routes maritimes par les sous-marins américains, il était déjà trop tard, et la chute devenue inévitable.
Deux chiffres suffisent à illustrer le propos : de 1930 à 1945, le Japon fabriqua moins de 2 500 appareils de transport de tout type; dans le même temps, l'Amérique construisit plus de 10 000 exemplaires du seul Douglas DC3/C47 (!) Encore les avions de transport japonais comme le Ki-56 étaient-ils souvent plus petits et bien moins performants que leurs rivaux américains.
Impossible, dans ces conditions, d'espérer ravitailler les garnisons assiégées. En octobre 1943, l'armée impériale japonaise en fut même réduite aux solutions purement administratives pour résoudre ses problèmes de transport : "S'il n'y a pas de place d'avion disponible, les officiers contraints de se déplacer impérativement vers les théâtres d'opération seront autorisés à voyager debout si le commandant d'aéronef est d'accord" (*).
Les avions de chasse et de bombardement conservant la priorité, la fabrication d'avions de transport plus performants dépassa rarement le stade du prototype, à l'image du Kokusaï Ki-111, un "avion-pétrolier" tout en bois, conçu pour transporter sur près de 10 000 kms une citerne de carburant d'environ 3 000 litres, c-à-d pour acheminer au Japon, par la voie des airs, de l'essence raffinée aux Indes néerlandaises (!)
Une idée absurde, qui mobilisa pourtant les ingénieurs pendant six mois, jusqu'à l'annulation totale du programme, au début 1945. Une idée qui en disait long sur le désarroi d'un empire aux abois. Un empire inutile, qui disposait encore des immenses richesses des pays conquis, mais ne pouvait plus rien en faire...
(*) Le Fana de l'Aviation no 425, page 38
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