samedi 26 avril 2003

54 - la théorie de Douhet

... si le concept du bombardement opéré sur des villes, afin de miner le moral des populations, a été étudié par les Britanniques dès 1918 (lorsque, progrès technologiques aidant, on a commencé à entrevoir la possibilité de disposer d'avions suffisamment performants pour porter le fer loin du front), l'Histoire a surtout retenu le nom de l'Italien Giulio Douhet comme le "père" du bombardement stratégique.

Comme beaucoup d'autres, Douhet avait été frappé par la longueur et l'effroyable coût humain de la Première guerre mondiale, où la seule bataille de Verdun (1916) fit un million de morts sans que l'un ou l'autre des belligérants parvienne à en tirer avantage.

Pour Douhet, ce carnage inutile s'expliquait d'abord et avant tout par le fait que la guerre, aussi meurtrière qu'elle ait été, n'avait jamais empêché les citadins (qu'on appellerait un jour "civils innocents") de mener une vie normale, de s'amuser dans leurs villes, de fréquenter cinémas, restaurants et théatres, ni, surtout, de travailler jour et nuit à la production de nouvelles armes qui, utilisées quelques dizaines de kilomètres plus loin, faisaient mourir des millions de soldats supplémentaires.

En bombardant les villes, on pouvait dès lors espérer faire coup double.

Comme les usines d'armements, et de manière générale les usines tout court, étaient à cette époque généralement situées au coeur même des villes, bombarder les villes reviendrait donc, de facto, à réduire ou même à supprimer complètement la production d'armements nouveaux. Privée d'obus, de cartouches, de canons, de véhicules, l'armée ennemie serait bientôt rendue incapable de combattre, ce qui l'obligerait à demander la paix, épargnant ainsi de nombreuses vies humaines.

De plus, le bombardement des villes attenterait gravement au moral des citadins qui, considérant que la Mort ne faisait pas partie de leur contrat de travail - à la différence de celui des militaires - et constatant de visu la destruction de leurs propres maisons et foyers - contrairement aux militaires - exerceraient davantage d'influence que ces derniers sur les "décideurs politiques". En d'autres termes, on pouvait s'attendre, selon Douhet, à ce que le bombardement de civils encourage ceux-ci à réclamer, et à obtenir, une paix rapide.

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