vendredi 28 mars 2003

25 - qu'est-ce que l'innocence ?

... en 1944, la majorité des canons antiaériens qui défendaient le Reich étaient servis par des groupes disparates de vieillards et d'enfants : simples ouvriers d'usine affectés aux canons en cas d'alerte (Wehrmänner), écoliers de 15 ans (Luftwaffenhelfern), ou adolescents encore plus jeunes, appartenant au Service du Travail (Reichs Arbeits Dienst) lorsqu'ils n'étaient pas en classe.

Ainsi, le 6 mars 1944, le Flak Abteilung 437 - dont les canons de 105mm étaient installé au coeur de la ville, dans le quartier de Spandau (Berlin) - était servi par 36 soldats de l'armée régulière, 90 écoliers et... 29 prisonniers russes.

"Nous étions dans une situation bizarre, traités tantôt comme des soldats, tantôt comme des enfants (...) On espérait que nous abattrions des avions ennemis avec nos canons de 105mm, mais nous n'étions pas considérés comme assez vieux pour porter les fusils lorsque nous devions essayer de capturer les équipages qui descendaient en parachute"

Dans le district de Siemensstadt, le Leicht Flak Abteilung 722 alignait lui aussi ses trois canons de 37mm... à moins de 100 mètres de l'école où étudiait Godfried Gottschalk, "Lufwaffenhelfer" de 16 ans

"Un garçon est entré dans la classe et a crié 'Voralarm!' Nous nous sommes tous levés pour nous ruer dehors vers les canons, en attrapant casque d'acier et masque à gaz"

Il ne restait plus à ces "enfants" qu'à débâcher les canons, comprimer les ressorts d'armements, puis glisser un chargeur de 6 obus dans chaque culasse...

Si les bombes tombaient sur l'école avant qu'ils arrivent à leurs canons, ils mouraient en civils innocents, injustement pris pour cible. Si elles tombaient deux minutes plus tard, et cent mètres plus loin, ils devenaient soldats morts au combat.

S'ils abattaient un B17 américain, tuant les dix hommes d'équipage, ils étaient décorés comme héros de la Nouvelle Allemagne. S'ils le rataient, ou si aucun bombardier ne se présentait à portée de tir, ils rebâchaient les canons et retournaient en classe dès la fin de l'alerte

L'innocence, c'est parfois deux minutes trop tôt et cent mètres trop
près...

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