samedi 5 septembre 2009

2372 - l'indispensable recherche de la précision

... si Linebacker s’est une fois de plus caractérisée par un usage immodéré des bombes conventionnelles ou au napalm - c.-à-d. par la force brute - elle a aussi marqué l'avènement d’une véritable révolution : celle de la bombe "intelligente".

Depuis 1914, les aviateurs du monde entier étaient confrontés au même problème : compte tenu de l’aérodynamisme très relatif des bombes non guidées, compte tenu des limitations des viseurs optiques, compte tenu enfin du facteur humain - c.-à-d. de la volonté des équipages de s’exposer plus ou moins longtemps aux tirs ennemis afin d'affiner la visée – compte tenu de tout cela, donc, détruire un objectif réellement militaire, donc toujours de petite dimension, relevait le plus souvent du simple hasard, ce qui impliquait soit de larguer une bombe de très forte puissance (Tallboy, Grand Slam, atomique tactique,…) soit une multitude de bombes classiques, dont l’une au moins réussissait, au bout du compte, par frapper la cible.

Au-delà de l’effrayant gaspillage d’explosifs et de moyens de les mettre en œuvre, cette manière de faire la guerre finissait souvent par traumatiser une opinion publique qui, au fil des décennies, se mit à supporter de moins en moins les images de femmes et d’enfants victimes de bombardements alors qu’ils étaient supposément innocents et pas du tout concernés par les guerres.

A la fin des années '60, l'invention du laser, la miniaturisation électronique,... et les plantureux budgets libérés par la guerre du Vietnam, permirent enfin de reconsidérer en profondeur la doctrine-même du bombardement.

Au Vietnam, la toute-puissante US Air Force se trouvait régulièrement confrontée au problème de la destruction de ponts qui, non contents d'être bâtis au milieu de zones densément peuplées, étaient souvent construits en treillis, ce qui leur conférait une étonnante résistance aux bombes ordinaires.

Le pont de Thanh Hoa avait ainsi fait l'objet de 871 sorties aériennes, et causé la perte de 11 avions américains, sans subir de dégâts majeurs (!)

Plus symbolique encore était le Pont Doumer à Hanoï, ouvrage en treillis de trois kilomètres de long, reposant sur 18 piliers de maçonnerie, et défendu par 300 batteries anti-aériennes, 81 sites de missiles et quantités de chasseurs nord-vietnamiens : 113 missions avaient déjà été lancées contre ce pont sans autre résultat que la perte de deux avions américains. En août 1967, une attaque menée par une vingtaine de F-105 supersoniques, emportant chacun une bombe d'une tonne et demie, avait certes détruit trois arches, mais le pont avait été réparé moins de deux mois plus tard.

Un autre défi était constitué par les digues protégeant les plaines vietnamiennes de l’inondation. Des digues que l’administration américaine se refusait à détruire et sur lesquelles, par voie de conséquence, les Nord-Vietnamiens avaient naturellement concentré une bonne partie de leur artillerie antiaérienne, qui en devenait ainsi invulnérable…

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