lundi 27 juillet 2009

2332 - les limites du genre

... A lui seul, le bombardement de Bingen illustre les limites réelles de la conception américaine du bombardement stratégique : pour démolir, de jour, quelques malheureuses citernes et une modeste gare de triage – seuls objectifs d’intérêt militaire dans cette petite bourgade de 20 000 habitants, il faut larguer 2 500 bombes afin que quelques unes, au bout du compte, finissent par frapper les dits objectifs.

Bien sûr, tous les raids américains ne sont pas aussi inefficaces que celui de Bingen. Mais au bout du compte, si l’on rapporte les résultats véritablement militaires au tonnage de bombes largués par la 8ème Air Force sur l’Allemagne, il est difficile, pout ne pas dire impossible, de parler de "rendement", ou même de " précision".

Mieux vaudrait – c’est d’ailleurs ce que Curtiss Le May fera au Japon – renoncer à la langue de bois et procéder comme les Britanniques qui, même s’ils affirment vouloir surtout détruire les industries et la capacité de résistance de l’ennemi, ne se privent pas de rayer des villes entières de la carte

Rappelons-le encore une fois : ce n’est pas par racisme ou par sadisme que l’on largue des milliers de bombes sur les villes, mais par conviction que c’est utile à l’effort de guerre, et parce qu’à haute altitude, loin derrière la ligne de Front, et a fortiori de nuit, il n’existe aucun moyen de garantir une quelconque précision du bombardement.

Comme en 1917, et à de rares exceptions-près, comme la raffinerie d'Otake (Japon) le 10 mai 1945, la plupart des bombes continuent de tomber fort loin - plusieurs kilomètres - du centre de la cible visée, en sorte que pour parvenir à un résultat, et donc justifier les pertes humaines encourues et le prix des avions abattus, il n’existe d’autre choix que de s’en prendre à des cibles de très grandes dimensions – des villes - et de les gratifier de milliers et de milliers de bombes.

Petit à petit, pourtant, et que ce soit pour des raisons morales ou dans une simple logique d’efficience guerrière, des voix s’élèvent pour condamner pareille débauche d’explosifs, et pour réclamer sinon l’arrêt des bombardements, du moins des bombardements moins massifs et mieux ciblés, utilisant davantage d’intelligence et moins de force brute.

A la fin de 1942, scientifiques et ingénieurs britanniques, menés par le génial Barnes Wallis – également créateur des monstrueuses Tallboy et Grand Slam – vont ainsi s'affairer à concevoir une bombe qui, après son largage au dessus d’un plan d’eau, pourrait ricocher sur la surface et couler juste contre la paroi d’un barrage avant d'exploser à une profondeur soigneusement calculée pour y ouvrir une brèche.

L’idée de ce projet est de détruire, dans un seul bombardement précis et ciblé, les barrages de la vallée de la Möhne et de la Sorpe, lesquels constituent "un ensemble hydraulique extrêmement important (...) fournissaient 70% des besoins en eau de l'industrie de la Rühr et assuraient de l'eau potable à 4.5 millions d'habitants. Le barrage de la vallée de l'Eder (...) était encore plus grand et contenait 202 millions de mètres cubes d'eau. Les économistes (...) avaient calculé que supprimer les réserves de la Möhne et de la Sorpe (...) paralyserait toute l'industrie de la Rühr durant l'été et placerait les civils dans une immense détresse en les privant d'eau potable".

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