lundi 2 janvier 2006

1030 - extravagante Julia

... dès le début des années 1940, il était devenu évident que les grosses pièces de l'artillerie antiaérienne conventionnelle étaient entrées dans l'ère des rendements décroissants, et seraient donc de moins en moins capables de faire face à l'arrivée de nouveaux bombardiers volant de plus en plus vite et de plus en plus haut. Heureusement, le potentiel de développement des missiles et avions sans pilote semblait infiniment plus prometteur.

Puisque les V1 et V2 étaient appelés à remplacer les bombardiers que le Reich n'avait plus les moyens de construire, pourquoi, se dirent les ingénieurs, ne pas tenter d'en extrapoler des versions plus petites, capables quant à elles de remplacer tout à la fois les chasseurs et les canons antiaériens de la Luftwaffe (1), et ce en interceptant à haute altitude, et de manière imparable, les bombardiers ennemis ? Naquirent ainsi une poignée d'engins certes exotiques - comme le Schmetterling, l'Enzian, le Wasserfall, ou encore le Rheintochter - mais qui ne furent efficaces que bien après la guerre,... et uniquement aux mains des vainqueurs de l'Allemagne...

Aux traditionnelles difficultés techniques déjà rencontrées sur les V1 et V2 s'y ajoutait en effet une autre, bien plus rédhibitoire : l'impossibilité d'assurer un guidage précis vers la cible. En effet, si la notoire imprécision des V1 et V2 (qui tombaient n'importe où dans un rayon de plusieurs kilomètres) ne constituait pas un handicap majeur - ces engins ne visant que des grandes villes - il en allait tout autrement des missiles antiaériens, lesquels devaient impérativement exploser sur (ou à proximité immédiate) de bombardiers de taille réduite, se déplaçant à plusieurs centaines de kms/h, et toujours capables de manoeuvres évasives.

En attendant la réalisation de systèmes d'autoguidage perfectionnés basés sur le radar ou l'infrarouge - qui n'avaient aucune chance d'entrer en service avant la fin de la guerre - ne restait donc que la solution du missile... piloté. A l'été 1944, un appel d'offres fut donc lancé pour la réalisation d'un petit appareil que l'on lancerait à la verticale, le long d'une rampe installée à proximité immédiate des sites industriels visés par les bombardiers alliés.

Bien évidemment construit de la manière la plus rudimentaire possible, et en bois, le Heinkel P-1077 "Julia" tenait donc tout à la fois de la fusée (pour le décollage), de l'avion (pour l'attaque) et du planeur (pour le retour au sol)... un concept qui multipliait pour ainsi dire les risques par trois, et qui se serait sans aucun doute avéré plus mortel pour ses utilisateurs que pour l'ennemi si la SS - à qui le programme avait étrangement été confié - ne lui avait finalement préféré la formule, encore plus radicale, du Bachem Natter (Saviez-vous que... - 533), lequel n'eut jamais l'occasion d'entrer en service, pour le plus grand bien de ses éventuels pilotes...

(1) l'artillerie antiaérienne allemande - la célèbre Flak - était administrativement rattachée à la Luftwaffe, et servie par du personnel de celle-ci

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