vendredi 28 octobre 2005

964 - le Pornocrate

... "quelles que soient ses opinions politiques, on finit toujours par trouver plus extrême que soi", c'est sans doute ce qu'Adolf Hitler aurait pu dire de Julius Streicher, antisémite véritablement pathologique, fondateur et éditeur de l'utra-antisémite "Stürmer".

De fait, les opinions de Streicher à l'égard des Juifs, de leur circoncision, ou de leurs liens avec Satan, étaient si extrêmes, et souvent si ridicules, qu'elles embarrassaient fréquemment les leaders nazis eux-mêmes, surtout à l'époque où le régime se devait malgré tout de composer tant soi peu avec l'opinion et de se donner une image respectable.

Tombé en disgrâce dès 1940, et déchu de toutes ses fonctions officielles, Streicher ne dut en vérité son salut, et la poursuite de ses activités éditoriales, qu'à l'indéfectible fidélité de Hitler envers ses partisans de la première heure : Streicher avait en effet adhéré au NSDAP dès 1922, et pris part au "putsch de la Brasserie" de 1923.

A son procès, à Nuremberg, en 1946, Streicher tenta de profiter des incontestables faiblesses des quatre grands axes d'accusation qui, à force de vouloir se rejoindre, finissaient par ne mener nulle part (*). Il fit notamment observer, non sans logique, qu'ayant cessé toute activité officielle dès 1940, il pouvait difficilement être tenu pour responsable d'un quelconque "complot" visant à la domination du monde et à l'extermination du peuple juif.

S'il reconnut l'antisémitisme virulent, avant et pendant la guerre, du journal qu'il avait lui-même fondé, Streicher en nia pour autant l'influence sur le peuple allemande, donc sur le sort final des Juifs eux-mêmes. Mieux encore : il n'hésita pas à se présenter comme antisémite... sioniste.

"Je ne dis pas que Hitler avait raison [d'exterminer les Juifs], déclara-t-il. " Je crois que c'était une mauvaise politique. J'étais partisan d'instaurer un État juif séparé à Madagascar, en Palestine ou ailleurs, mais pas de les exterminer. En outre, en exterminant quatre millions de Juifs (...) ils ont fait de ces Juifs des martyrs. Par exemple, à cause de l'extermination de ces Juifs, l'antisémitisme a beaucoup régressé dans certains pays étrangers où il avait bien progressé"

(...) Je suis réellement sioniste. Je connais des hommes comme Chaim Weizmann et d'autres sionistes et je partage leurs opinions. Les Juifs devraient être dans leur pays, ne pas être autorisés partout".(**)

Pareilles subtilités de langage n'émurent guère les juges, qui le condamnèrent à la mort par pendaison, sentence exécutée le 16 octobre 1946.

(*) le procès de Nuremberg sera analysé dans les "Saviez-vous que..." de février 2006
(**) Goldensohn/Gellately, Les Entretiens de Nuremberg, pp 318 et 323

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