mercredi 31 mai 2017

5209 - de Monschau à Antwerpen

... 11 octobre 1944

Le rôle de Dietrich à présent clairement défini, Hitler a exigé, le 25 septembre que Jodl lui soumette sans tarder un plan d’attaque, lequel lui parvient finalement le 11 octobre.

Schématiquement, l’affaire se présente ainsi : au Nord, la VIème Armée de Dietrich partira de Monschau, actuelle limite des lignes alliées, puis se frayera un passage jusqu’à Antwerpen, but principal de toute cette opération puisque seul port en eaux profondes dont disposent les Alliés.

Son flanc gauche sera protégé par la Vème Armée du général Hasso von Manteuffel, forte de sept divisions, qui frappera au centre du front ardennais et devra s’emparer des nœuds routiers vitaux de Saint-Vith et Bastogne avant de se rabattre elle aussi vers Bruxelles et Antwerpen.

Enfin, au sud, la VIIème Armée d’Erich Brandenberger, trois divisions de volksgrenadiers et une division parachutiste, assurera la couverture des deux autres face à une éventuelle contre-attaque de la IIIème Armée américaine de Patton, qui a pris ses quartiers au Luxembourg.

Au total, et sans même compter les effectifs de la XVème Armée qui n’aura d’autre but que de "fixer" les Américains au nord d’Aachen, l’affaire va donc mobiliser une vingtaine de divisions, mais aussi plus de 800 avions de tout type…

mardi 30 mai 2017

5208 - ne plus croire qu'en la SS

Hitler, juste après l'attentat du 20 juillet : il n'avait plus confiance en personne
… si l’on considère que le "grand coup" qu’Hitler se prépare à lancer à l’Ouest représente sans nul doute l’ultime espoir pour le Reich d’encore influer sur le cours des événements, et peut-être ainsi d’échapper à sa propre annihilation, le choix d’un homme comme Dietrich apparaît donc comme insensé, ou à tout le moins excessivement risqué.

Mais depuis la défaite de Stalingrad, et depuis, surtout l’Attentat du 20 juillet 1944, fomenté par des cadres de la Wehrmacht et auquel il n’a échappé que par miracle, le Führer ne croit plus en l’armée régulière, et encore moins en ses chefs.

Seuls les SS d’Himmler, ces soldats d’élite pour qui "l’Honneur s’appelle Fidélité" trouvent encore grâce à ses yeux : Dietrich est certes à des années-lumières des qualités manœuvrières d’un von Manstein ou d’un Guderian, mais en cet automne de 1944, alors que le Troisième Reich tout entier est occupé à se déliter autour de lui, le Führer en est venu à considérer que la "Volonté" vaut tous les diplômes, et que seul un homme comme Dietrich sera en mesure de l’emporter contre un adversaire qui - et de cela au moins Hitler est bien conscient - est largement supérieur en nombre.

Au total, et en tant que fer de lance de cette offensive, Dietrich va donc disposer de neuf divisions, soit d’environ cent-vingt-mille hommes, dont un tiers appartiennent à la SS, et de plus d’un millier de tanks et de canons.

C’est à la fois beaucoup, et... dramatiquement peu en regard de la tâche à accomplir.

lundi 29 mai 2017

5207 - une fidélité indéfectible

Dietrich, passant les hommes de la Leibstandarte en revue
... l'appétit d'Himmler pour le Pouvoir et les prérogatives s'avérant sans limite (1), la Leibstandarte de Dietrich a vite été appelée à former, avec la Totenkopf et la Verfügungstruppe, l'ossature de la "SS en armes" ou Waffen-SS (2), appelée à jouer les fers de lance dans les futures guerres d'Hitler.

Pour Dietrich, et la Leibstandarte, les choses sérieuses ont d’ailleurs commencé dès l’automne de 1939, avec la Campagne de Pologne, puis se sont poursuivies en France, dans les Balkans, en URSS et finalement en Normandie.

Mais si le courage personnel de Dietrich, nommé Oberst-Gruppenführer-SS (général d’armée) en avril 1942, n’a jamais été mis en doute, pas plus du reste que sa fidélité indéfectible à Hitler, il en va tout autrement de ses qualités militaires !

Il ne saurait d’ailleurs en être autrement puisque l’intéressé, à l’instar de tous les hauts responsables SS, mais aussi du Reichsführer Himmler lui-même, n’a jamais fait la moindre école de guerre, ni hanté durant de longues années les bureaux d’un quelconque État-major.

Alors, pour pallier son inexpérience, Dietrich a toujours eu tendance à "surcompenser" par l'engagement physique, le fanatisme et, bien sûr, la brutalité la plus extrême, ne s’embarrassant guère de prisonniers, et ne se souciant pas davantage des pertes dans ses propres rangs : en 1943, il s’est d’ailleurs publiquement vanté du fait que sur les quelque 23 000 hommes qui composaient à l’origine son corps d’armée, seule une trentaine avaient réussi à échapper à la captivité ou à la mort…

(1) Saviez-vous que... Au cœur des Ténèbres
(2) Saviez-vous que... Deux lettres blanches sur fond noir

dimanche 28 mai 2017

5206 - les prétoriens

Sepp Dietrich : un des favoris et plus anciens partisans d'Hitler...
… à 52 ans "Sepp" Dietrich est un authentique vétéran du nazisme et, pour Hitler, un de ses plus anciens partisans du "temps de la lutte".

Simple adjudant lors de la 1ère G.M., il a rejoint, comme tant d’autres, les rangs des Freikorps anti-communistes au lendemain de l’Armistice de 1918, puis participé aux côtés d’Hitler au "putsch de la Brasserie" de novembre 1923, lequel s’est certes soldé par un lamentable fiasco, mais un fiasco qui, dans les années ultérieures, est devenu ciment et pierre angulaire du nazisme, et a valu à ceux qui y ont participé d’accéder aux plus hautes fonctions au sein du Troisième Reich.

Après avoir intégré la nouvelle SS de cet autre ancien putschiste qu’est Heinrich Himmler, l’ascension de Dietrich est vite devenue météorique : Standartenführer-SS (colonel) en 1929, il a été promu Oberführer l’année suivante, puis Brigadeführer (général de brigade en 1931)

En 1932, il a aussi, et surtout, pris le commandement de la garde personnelle d'Hitler, ce qui lui a valu d’accéder au rang de Gruppenführer (général de division)

Après l’accession d’Hitler au Pouvoir, en 1933, cette garde personnelle est devenue la Leibstandarte SS Adolf Hitler, autrement dit la garde prétorienne du dictateur qui, pour remercier Dietrich de son rôle de premier plan dans la "Nuit des Longs Couteaux" - l’assassinat d’Ernst Röhm et des principaux chefs SA en juin 1934 - a de nouveau promu Dietrich au rang d’Obergruppenführer

samedi 27 mai 2017

5205 - reprendre l'initiative

Avec les nouveaux Tiger II, Hitler entendait reprendre l'initiative à l'Ouest...
... Hitler, du reste, n’a pas attendu le "miracle de l’automne" pour échafauder un plan visant à reprendre l’initiative à l’Ouest : dès le 19 aout, soit une semaine à peine avant la libération de Paris, il a en effet informé Wilhelm Keitel, chef de l’OKW, et Alfred Jodl, chef de l’état-major de la Wehrmacht, de son intention de frapper les alliés dans le courant du mois de novembre, c-à-d lorsque les mauvaises conditions météo cloueront inévitablement l’Aviation alliée au sol.

Le 16 septembre, à Rastenburg, il a réitéré son ordre devant les principaux responsables de l’armée, mais en ajoutant cette fois que l’attaque se déroulerait "dans les Ardennes belges et luxembourgeoises",... un choix qui, à n'en point douter, comporte au moins autant de risques que d'avantages !

Parce qu'ils ne s'attendent pas à une offensive allemande en cet endroit du Front, les Alliés n'y entretiennent certes qu'un minimum de troupes, mais la forêt ardennaise, et le peu de routes et sentiers carrossables qui la traversent, se prête fort mal à une attaque massive de blindés, a fortiori lorsque les dits blindés - comme nous allons le voir - sont de patauds behemoths de 60 à 70 tonnes !

Pour corser encore un peu plus les choses, le fer de lance de cette offensive sera constitué des 1, 2, 9 et 12ème division de Panzer SS, réunies en une VIème Armée Panzer SS, placée sous le commandement opérationnel d’un personnage aussi controversé que haut en couleurs, un ancien garçon-boucher devenu général bien moins en raison de ses talents militaires que de sa fidélité inconditionnelle au Führer…

Josef "Sepp' Dietrich

vendredi 26 mai 2017

5204 - le miracle d'automne

Market Garden : l'échec qui empêcha la guerre de se terminer avant Noël...
et avec les Soviétiques qui reprennent leur souffle aux portes de Varsovie, les Britanniques étrillés en Hollande, et les Américains en panne d'essence au Luxembourg, le Reich, en cette fin d'automne de 1944, se retrouve finalement en bien meilleure posture que prévu !

Il a certes perdu l'essentiel de ses conquêtes des années précédentes, mais cette perte lui a au moins permis de raccourcir ses lignes de communication et d'approvisionnement alors que celles de ses adversaires se sont au contraire étirées démesurément.

Ce véritable "miracle d'automne", qui ne doit pourtant rien aux armes du même nom, lui offre donc quelques semaines, et peut-être même quelques mois, de répit assurément bien utiles pour réfléchir, panser ses plaies,... et voir ce qui peut encore être fait ou non.

Pas question évidement d'envisager une quelconque "victoire finale" sur un des deux Fronts, ni a fortiori sur les deux à la fois !

... mais en jetant ses ultimes réserves dans un dernier "grand coup" à l'Ouest, il y a - peut-être - encore moyen sinon de forcer les Anglo-Américains à une paix séparée, du moins de les contraindre à demeurer dans une attitude strictement défensive durant plusieurs mois supplémentaires, ce qui permettrait - peut-être - alors d'endiguer l'attaque que l'Armée rouge se prépare quant à elle à lancer contre le Reich dès les premiers jours de 1945...

jeudi 25 mai 2017

5203 - le pont trop loin

Market Garden, mal conçu, bâclé, piètrement exécuté...
… le plan britannique est ambitieux, mais il est surtout incroyablement bâclé : des premières études à la décision finale d’aller de l’avant (10 septembre 1944), il ne se sera guère écoulé plus d’une dizaine de jours, et il ne s’en écoulera que sept de plus avant que ne soit lancée une offensive dont tout le monde reconnaît pourtant l'extrême complexité mais aussi la formidable importance puisqu’elle doit, selon ses promoteurs, permettre de terminer la guerre pour la Noël de 1944 !

Contre toute attente, et à la consternation de Patton, Eisenhower se prononce néanmoins en faveur de ce plan, qui va donc mobiliser l’essentiel des moyens et, surtout, du carburant disponibles.

Exagérément optimiste, puisque conçu comme un véritable rallye de blindés circulant à toute vitesse sur une unique route à deux voies qui serpente au milieu de polders inondés (!), Market Garden se solde hélas, le 26 septembre, par un sanglant mais fort prévisible échec (1) : les paras d'Arhem, que personne n’a été en mesure de secourir à temps, n’ayant d’autre choix que de capituler et de se rendre aux soldats du Reich.

Le bilan est lourd : rien que du côté allié, on compte en effet plus de 17 000 tués, blessés ou prisonniers, soit environ 20 % des effectifs engagés dans cette opération, ou encore deux fois plus que le débarquement du 06 juin 1944, en Normandie !

Mais au-delà des pertes humaines, l’échec du "grand coup" de Market Garden signifie surtout que la guerre va se prolonger bien au-delà de la Noël, et que la Wehrmacht disposera d’un sursis de plusieurs mois  pour se préparer à l'assaut final des Alliés contre le Reich

(1) pour les détails sur cette opération, Saviez-vous que… Des ponts trop loin

mercredi 24 mai 2017

5202 - sur le papier, tout était simple...

Market Garden : sur le papier, tout était simple...
… quelles que soient leurs divergences d'opinions, Américains et Britanniques sont au moins d'accord sur une chose : dans quelques jours, quelques semaines au maximum, il sera trop tard car l'ennemi aura eu le temps de rassembler ses troupes actuellement en pleine retraite, de les rééquiper, et de constituer de nouvelles lignes de défense.

Il faut donc profiter au maximum de l'instant présent, c-à-d continuer à marteler le Reich sans lui laisser le moindre loisir de se reprendre, ce qui implique de pénétrer en Allemagne-même le plus rapidement possible

Mais le problème, outre le manque d’essence déjà évoqué c’est que personne ne s'entend sur la meilleure manière d'y arriver : au schéma classique d'attaque frontale, à l'Est, que préconisent Bradley et Patton répond en effet le plan "périphérique" de Montgomery au Nord, lequel peut se résumer de la manière suivante :

Dans une première phase - Market - des troupes aéroportées seront larguées en territoire hollandais, entre la frontière belge et la ville d'Arnhem, avec pour seule et unique mission de s'emparer, et de tenir, tous les ponts et ponceaux qui mènent jusqu'à cette ville, ce qui inclut bien entendu le Pont d'Arnhem lui-même, qui, parce qu'il enjambe le Rhin et donne ainsi accès au territoire allemand, constitue le but ultime, et essentiel, de toute l'opération.

Parallèlement à cette action, une vaste offensive de fantassins et de blindés - Garden - sera lancée afin de rejoindre Arnhem le plus rapidement possible, c-à-d en deux jours, quatre au grand maximum,... puisque personne n'imagine les paras en mesure de tenir leur position plus longtemps...

mardi 23 mai 2017

5201 - le "grand coup" allié

Montgomery était convaincu de pouvoir l'emporter avant Noël : il se trompait
… à sa manière, et confronté lui aussi à un manque criant de ressources qui l’empêche d’attaquer sur deux Fronts différents en même temps, l’État-major allié veut à son tour monter un "grand coup" qui lui permettra - peut-être - de terminer la guerre avant Noël. 

Ce "grand coup", c'est l’Opération Market Garden, c-à-d une idée conçue dans l'urgence par le gouvernement britannique et l'État-major du général Montgomery, l'un et l'autre de plus en plus ulcérés par la tournure de cette guerre où il n’y en a plus que pour les Américains et le général Patton.

Tant que les Américains, ces cousins toujours "overpaid, oversexed and over here”, trop payés, trop présents et trop portés sur le sexe, se contentaient de fournir la quasi-totalité des armes et de la logistique alliée, mais aussi le plus gros des effectifs engagés à l’Ouest, tout en continuant à piétiner eux-mêmes dans le Cotentin,  les soldats britanniques et leurs chefs pouvaient au moins se consoler de leur situation de parent pauvre en entretenant la conviction qu’ils étaient de bien meilleurs soldats et de bien meilleurs chefs.

Mais après la réussite de l’Opération Cobra (25 juillet 1944), le lièvre américain s’est soudainement mis à caracoler à toute vitesse dans la campagne française alors que la tortue britannique, elle, restait désespérément scotchée autour de Caen, et ce malgré les nombreux limogeages opérés par Montgomery et ses appels à "jeter toute prudence par dessus-bord, de prendre tous les risques (…) et d'accepter n'importe quelle perte"…

lundi 22 mai 2017

5200 - ... jusqu'à la panne sèche

le Red Ball Express : tout se résumait à un problème d'essence...
… à bon droit, les citoyens de ce qui reste de l’Europe occupée sont à présent convaincus que le Troisième Reich s’effondrera avant la Noël,... et les Allemands, du reste, ne sont pas loin de penser la même chose !

Mais la réalité n'est hélas pas si simple : à l’Est, les troupes soviétiques victorieuses ont à présent besoin de se reposer et de se réapprovisionner avant leur assaut final sur Berlin, tandis qu’à l’Ouest, les troupes alliées sont également confrontées au manque de carburant.

[Début août] "Les forces américaines disposaient de 9 jours d'avance pour les munitions, de 16 jours pour l'essence. (...) A J+98 (12 septembre 1944), les armées atteignaient en effet une ligne qu'elles auraient dû atteindre à J+350. 260 jours de campagne avaient ainsi été concentrés en 19. Cette avance frénétique accrut la consommation des unités. La 1ère Armée américaine brûla à elle seule, le 24 août, 3 552 626 litres de carburant et, à la fin août, les réserves étaient à sec. La 1ère Armée ne disposait que de 0.31 jour pour l'essence, la 3ème de 0.007 jour" (1)

Impossible, dans ces conditions, de soutenir à fois l’effort de guerre des Américains et celui des Britanniques : si l’on veut percer en Allemagne à brève échéance, il va falloir offrir tout le carburant disponible aux uns,... et contraindre les autres à s’arrêter et à s’enterrer sur place.

Reste à savoir qui seront les uns et les autres…

(1) Wievioka, Histoire du Débarquement de Normandie, page 345

dimanche 21 mai 2017

5199 - quand tout va trop vite

Sherman à Aachen, première ville allemande à tomber aux mains des Alliés
… septembre 1944

Le "grand coup" de Koursk s’est donc soldé par un fiasco, et celui de Normandie... par un fiasco plus grave encore puisqu’il a - quoi qu’indirectement - permis aux Soviétiques de lancer deux semaines plus tard une gigantesque et victorieuse offensive sur le Front de l’Est,... rendant encore plus improbable la perspective d’arracher une paix séparée à l’un ou l’autre des adversaires de l’Allemagne.

Tout va maintenant bien trop vite pour Hitler qui, le 20 juillet, en son propre quartier-général de Rastenburg (Prusse orientale) a d’ailleurs miraculeusement échappé à un attentat : le 25 juillet, les troupes américaines du général Patton parviennent enfin à s'extraire du bocage normand en fonçant vers la Bretagne; le 1er août, la Résistance polonaise passe à l'action à Varsovie; le 15, ce sont les Alliés occidentaux qui débarquent en Provence; le 18, les Soviétiques se retrouvent quant à eux aux portes de la Prusse orientale; le 23, la Roumanie change d'alliance et se range aux côtés de l'URSS et contre le Reich; le 25, Paris est libéré; le 28, c'est le tour de Marseille, et le 03 septembre, celui de Bruxelles.

Et le lendemain, après des mois de tractations secrètes, c'est l'allié finlandais qui se retire définitivement du jeu et qui, sans qu’Hitler soit encore en mesure de s'y opposer, signe une paix séparée - et pour lui fort coûteuse - avec l'URSS.

Le 08 septembre, l'Armée rouge pénètre en Bulgarie, le 10, l'US Army en fait de même au Luxembourg avant d'investir Aachen, qui se voit ainsi décerner le titre de première ville allemande à tomber aux mains des Alliés...

samedi 20 mai 2017

5198 - d'un Front à l'autre

Lancé dans la foulée du Débarquement, Bagration acheva de terrasser la Wehrmacht
… Front de l’Est, 22 juin 1944

Et de fait, le 22 juin, soit deux semaines à peine après le Débarquement de Normandie, les Soviétiques lancent une gigantesque offensive, l'Opération Bagration - nous y  reviendrons dans une prochaine chronique - qui va vite se traduire pour la Wehrmacht par sa pire défaite de la guerre.

Car depuis qu’elle doit se battre sur deux Fronts, l’Allemagne tout entière se trouve en effet dans la triste position du dormeur nanti d'une couverture bien trop petite pour lui, qui peut tenter de s'en couvrir les pieds, ou les épaules, mais pas les deux à la fois, et qui finit ainsi par mourir de froid.

Les chiffres sont à cet égard aussi saisissants que sans appel : pour défendre un Front de près 1 000 kms, le Reich dispose de 800 000 hommes, 10 000 canons, 800 tanks et 1 000 avions soit respectivement… quatre fois, deux fois, trois fois et cinq fois moins que son adversaire !

Le résultat est dès lors inéluctable : lorsque Bagration s'achève, à la mi-août, l'Armée rouge a progressé de plus de 600 kms, reconquis toute la Biélorussie, et ramené la Wehrmacht - qui dans l'aventure a perdu plus d'un demi-million d'hommes et la quasi-totalité de son Groupe d'Armées Centre - aux positions qu'elle occupait avant l'invasion de l'URSS trois ans auparavant…

vendredi 19 mai 2017

5197 - D-Day

Contrairement aux espoirs d'Hitler, le Débarquement fut un succès...
… Normandie, 06 juin 1944

Le "grand coup" mais aussi le destin du Reich, et celui de toute l’Europe de l’Ouest, va donc se jouer sur les plages françaises.

Que Britanniques et Américains viennent à y subir un sanglant échec, et se voient contraints de rembarquer, et l’on pourra - peut-être - les inciter à accepter une paix de compromis ou, à défaut, gagner les quelques précieux mois qui permettront - peut-être - aux "armes miracles" - enfin sur le point d’entrer en action (1) - de tenir leurs promesses et de rétablir l’équilibre des forces en faveur du Reich.

Hélas pour Hitler, le Débarquement, que les Alliés ont décidé de lancer contre les côtes de Normandie plutôt que contre celles, bien mieux défendues, du Pas-de-Calais, s'avère un succès, et un succès (2) que les Panzers de la Wehrmacht et de la Waffen-SS, constamment traqués et pilonnés par l’Aviation, ne peuvent au mieux que ralentir

Encore ce ralentissement n’est-il lui-même possible que moyennant l’arrivée de constants renforts en provenance du Front de l’Est,... qui se retrouve donc dégarni d’autant, et donc encore plus vulnérable à une éventuelle offensive de l’Armée rouge…

(1) le premier tir réussi d’un missile V1 sur Londres fut réalisé le 13 juin 1944
(2) Saviez-vous que… Un si long jour

jeudi 18 mai 2017

5196 - le Mur

travaux sur le Mur de l'Atlantique, à l'été 1943
… Salerne, 8 septembre 1943

En imposant un débarquement dans l’extrême-sud de l’Italie, Churchill, fidèle en cela à la vieille tradition britannique "d’actions périphériques" espère bien convaincre son allié américain qu’il est tout à fait possible, et surtout bien moins coûteux, d’accéder au coeur de l’Allemagne en  remontant toute la Péninsule plutôt qu’en se heurtant de plein fouet au Mur de l’Atlantique que les Allemands sont occupés à bâtir tout au long des côtes de France occupée.

Malheureusement pour lui, l’expérience ne tarde pas à virer au fiasco et à se transformer en un interminable chemin de croix qui, jusqu’à la Capitulation du Reich, dix-huit mois plus tard (!), verra les Alliés ne progresser qu’à pas de tortue vers la frontière autrichienne...

Du point de vue d’Hitler et de ses généraux, l'affaire peut passer pour une victoire, mais une victoire qui n'est ni assez décisive ni assez sanglante pour véritablement inciter Britanniques et Américains à se présenter devant une table de négociations.

Le Mur de l’Atlantique, que ces derniers n’ont à présent plus d’autre choix que d’affronter, offre en revanche de biens meilleures perspectives : si les troupes allemandes, protégées par de multiples épaisseurs de béton armé et épaulées par des divisions blindées prudemment maintenues en retrait du littoral, parviennent à y repousser un débarquement que la Presse du monde entier présente, depuis des mois, comme "la plus grande expédition militaire de tous les Temps", alors Hitler pourra - peut-être - convaincre Roosevelt de revenir sur sa promesse de n’accepter rien d’autre qu’une "Capitulation sans condition"…

mercredi 17 mai 2017

5195 - à l'Ouest, peut-être...

Le "Mur de l'Atlantique" : Hitler espérait voir les Alliés y mourir en grand nombre
... au final, le "grand coup" tenté à Koursk se solde donc par un formidable fiasco, qui a coûté à la Wehrmacht et à la Luftwaffe leurs meilleurs éléments ainsi que les maigres réserves dont elles disposaient encore.

Plus question dès lors de tenter à nouveau l'aventure à l'Est ni, a fortiori, d'encore espérer convaincre les Soviétiques qu'il serait finalement dans leur intérêt de conclure une paix séparée avec le Reich : c'est avec les Anglo-Américains, et avec eux seuls, qu'il faut désormais rechercher une telle issue, et c'est à l'Ouest, et seulement à l'Ouest, qu'un nouveau "grand coup" demeure envisageable.

Reste qu'il faudra de nombreux mois avant d'être en mesure de se relancer dans une pareille aventure qui, au demeurant, et par la force des choses, devra se contenter de moyens bien plus réduits,... et offrira donc bien moins de chances de succès ! 

Hitler et son État-major disposent néanmoins de quelques atouts, à commencer par l'allergie bien connue des Britanniques et, surtout, des Américains envers leurs propres pertes.

Or, pour marcher sur Berlin, ces derniers seront nécessairement obligés de débarquer en Italie ou, plus vraisemblablement encore, sur les côtes de France… où le Reich a déjà entrepris la construction d'impressionnants ouvrages défensifs sur lesquels il espère bien voir les Tommies et les G.I.'s mourir en grand nombre...

mardi 16 mai 2017

5194 - défense sicilienne

Soldats britanniques débarquant en Sicile, dans le cadre de l'Opération Husky
… Sicile, 10 juillet 1943

Car le 10 juillet, alors que les combats continuaient de faire rage à Koursk, Britanniques et Américains ont en effet débarqué en Sicile dans le cadre de l’Opération Husky. 


Et la Sicile, c’est une porte ouverte sur les Balkans, et surtout sur l’Italie elle-même, cette Italie dont Hitler sait, depuis le début du conflit, qu’elle est le maillon faible de l’Axe, et dont il se doute – avec raison – qu’elle cherche à le quitter.

Il faut donc, et de toute urgence, y envoyer des renforts, et notamment la Division SS Leibstandarte, que l’on va retirer de Koursk pour l’expédier en Italie (1) 

Mais il est déjà trop tard : le 17 août, en dépit de tactiques souvent fort brouillonnes sur le terrai - particulièrement du côté britannique - les Alliés sont maîtres de l’île toute entière et peuvent d’autant plus envisager de débarquer dans la Péninsule que les Italiens, qui dans cette affaire n’ont guère opposé de résistance, sont effectivement sur le point de jeter l’éponge…

(1) Épuisée et ayant perdu une bonne partie de son matériel à Koursk, la Leibstandarte devra néanmoins être rééquipée en Autriche et n’entrera en Italie qu’au début du mois d’août. 

lundi 15 mai 2017

5193 - ... mais insuffisante

Koursk : une immense bataille terrestre et aérienne, et un terrible échec allemand
… Koursk, 04 juillet 1943

Le 4 juillet, après plusieurs mois de retard et d'atermoiements, les forces allemandes attaquent enfin à Koursk.


Mais très vite, les Soviétiques, beaucoup mieux organisés et commandés qu’en 1941 et 1942, opposent une résistance aussi farouche qu’efficace : si l’offensive progresse bien plus lentement – et avec de bien plus lourdes pertes – que prévu au sud du saillant, elle se retrouve carrément bloquée au nord... après seulement cinq jours de combats !

Et pour la première fois depuis le début de cette guerre, c’est maintenant Hitler qui se prend à douter du succès d'une offensive pour laquelle l’État-major, et en premier lieu le maréchal von Manstein, réclame de plus en plus renforts, au point de saigner à blanc une Wehrmacht qui a déjà perdu plus de 1 200 chars et plus de 1 800 avions (1) 

Le 13 juillet, le Führer en personne débarque donc au Q.G. de Manstein pour une rencontre aussi tendue que dramatique, qui débouche finalement sur une décision stupéfiante puisque Hitler, sans égard pour les arguments et les suppliques de Manstein, décide lui-même d’arrêter les frais et de battre en retraite ! 

Outre les pertes déjà évoquées, le Führer, il est vrai, doit également faire face à une autre crise qui, trois jours auparavant, a éclaté à quelques milliers de kilomètres de là… 

(1) Pour les détails de cette bataille historique : Saviez-vous que… Citadelle 

dimanche 14 mai 2017

5192 - une mobilisation kolossale...

Épave d'un Panther à Koursk : prometteur, mais pas du tout au point
… pour le "grand coup" prévu sur Koursk, et au prix d’un effort colossal, le Reich va ainsi rassembler quelque 900 000 hommes, mais aussi 3 000 tanks, 10 000 canons et mortiers, et près de 1 900 appareils de tout type.

Un effort en tout point kolossal… mais néanmoins très inférieur à ce que les Soviétiques vont mobiliser de leur côté : qu'il s'agisse d'avions, de fantassins, de tanks ou encore de canons, l'Armée rouge disposera en effet pour cette bataille d'un avantage numérique qui variera entre 30 et 50 %, et atteindra même 100 % en matière d'Artillerie !

Si on y ajoute l'absence totale de surprise - les Soviétiques sont au courant des plans allemands et s'y préparent depuis des semaines ! - l'affaire apparaît donc, dès le départ, fort mal engagée,... surtout si l'on considère que le soldat ou l'officier soviétique "moyen" de l'été 1943 est nettement supérieur, individuellement et collectivement, à celui de l'automne 1941.
  
Hitler, du reste, se montre si peu rassuré qu'il ne cesse, depuis des semaines, de repousser la date prévue pour l’attaque, histoire de se donner le temps de la réflexion bien sûr, mais aussi, et surtout, celui d'acheminer des moyens supplémentaires, et en particulier les nouveaux chars Panther et Ferdinand dont on n’attend rien de moins que des "miracles"…

samedi 13 mai 2017

5191 - ... à sa réalisation

Tiger I, près de Koursk, à l'été 1943
… au fil des semaines, l’idée du "grosse schlag", du "grand coup", s’impose donc comme le meilleur - sinon le seul - moyen de sauver le Reich de l’étau qui est occupé à le broyer.

Reste néanmoins à passer à l’acte,… ce qui n’est pas une mince affaire !

Car pour qu’un éventuel "grand coup" puisse avoir la moindre chance de succès, il va falloir réunir, sur un des deux Fronts, des centaines de milliers d’hommes, des milliers de canons, de tanks et d’avions,... mais aussi des millions d’obus, de balles ou de litres d’essence, soit autant de statistiques qui donnent le vertige mais qui ne pourront surtout être obtenues qu’au détriment de l’autre Front,… dont on peut seulement espérer qu’il demeurera tranquille pendant plusieurs semaines, et en ne réclamant pour sa part qu’un minimum de moyens et d’attention !

Grosse commande donc… surtout si l’on considère que le dit "grand coup" est pour ainsi dire une arme à usage unique : s’il fallait rééditer l’opération en cas d’échec, celle-ci - à supposer-même qu’on puisse la remettre sur pied ! - aurait à l’évidence encore moins de chances de succès que la précédente.

Début mars, l’occasion de passer à l’action semble en tout cas se matérialiser sur le Front de l’Est, et plus précisément entre Orel et Kharkov, sur un saillant de quelque 200 kilomètres de longueur sur 150 de profondeur, articulé autour de la ville de Koursk, et où se trouvent concentrés plusieurs centaines de milliers de soldats soviétiques, dont la présence menace directement le Dniepr

vendredi 12 mai 2017

5190 - de l'idée du "grosse schlag"...

Roosevelt et Churchill, à Casablanca : l'exigence d'une "Capitulation sans condition"
… car le rapport de forces est désormais largement en faveur des Alliés : rien que sur le Front de l'Est, l'Armée rouge aligne en effet près de 6 000 000 de combattants, 20 000 canons et 6 000 tanks, alors que la Wehrmacht doit pour sa part se contenter de 2 700 000 hommes, 6 400 canons et 1 300 tanks seulement !


Pour sortir de l'impasse où il s'est lui-même précipité en s'engageant dans une guerre sur deux Fronts, Hitler se doit donc de signer une paix séparée avec les Anglo-Américains ou les Soviétiques, ce qui lui permettrait alors - comme le Kaiser Guillaume II l’a fait en 1918 (1) - de reporter tous ses efforts à l'Est ou à l'Ouest avec - peut-être - une chance enfin raisonnable de l'emporter.

Mais pour que les Anglo-Américains ou les Soviétiques renoncent à leur exigence de "Capitulation sans condition" formulée à Casablanca, et acceptent de signer quelque chose avec le Reich, encore faudrait-il réussir à se présenter en position de force à la table de négociations, ce qui implique - et c’est bien là tout le problème ! - de remporter au préalable une victoire tactique suffisamment importante et meurtrière contre l’un ou l’autre de ces deux adversaires.

A l'Est ou à l'Ouest, il faut donc réussir un "grosse schlag", un "grand coup", qui le forcera à de meilleurs sentiments…

(1) signé le 3 mars 1918, le Traité de Brest-Litovsk avait mis fin aux combats à l'Est, permettant ainsi à l’Allemagne de rapatrier massivement des troupes à l’Ouest

jeudi 11 mai 2017

5189 - se lever pour donner l'assaut

"Peuple lève-toi et donne l'assaut", Goebbels, 18/02/43
… Sportpalast, Berlin, 18 février 1943

Le 18 février 1943, dans un grand discours radiophonique prononcé devant des milliers de fidèles rassemblés au Sportpalast de Berlin, le Ministre de la Propagande Joseph Goebbels déclare donc… la "guerre totale" aux ennemis du Reich !

"Votre confiance dans le Führer est-elle plus grande, plus forte, plus inébranlable que jamais ? Votre disposition à le suivre en tout point et à faire tout le nécessaire pour donner à la guerre une conclusion triomphale est-elle absolue et sans réserve ?", demande-t-il à la foule hystérique.

Et devant les Sieg Heil et autres hurlements d’allégeance frénétiquement réitérés par celle-ci, Goebbels appelle alors le peuple allemand tout entier à "se lever" et à "donner l’assaut" au nom du  "Grand chef allemand Adolf Hitler"...

... mais en attendant que le dit peuple allemand passe des intentions à la pratique et que, dans leurs bureaux et laboratoires, les techniciens et savants allemands inventent et mettent au point des "armes miracle" suffisamment puissantes pour renverser l’actuel rapport de forces, il faut faire avec ce que l’on a,... c-à-d avec des moyens désormais quantitativement, et souvent qualitativement, très inférieurs à ceux de l’adversaire !

Et comment vaincre dans ces conditions, et surtout sur deux Fronts en même temps…

mercredi 10 mai 2017

5188 - le rêve fracassé

le maréchal Paulus se rend aux Soviétiques, 31/01/43
... Stalingrad, 02 février 1943

Mais pour bien comprendre cette Offensive des Ardennes, il faut évidemment remonter plusieurs mois en arrière, et plus précisément à la chute définitive de Stalingrad, le 02 février 1943.

Si la défaite d'El Alamein, la retraite de l'Afrika Korps jusqu'en Tunisie, puis le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, en novembre de l'année précédente, ont représenté autant de sérieux revers, ceux-ci se sont néanmoins produits sur un théâtre d'opérations fort secondaire qui, à moyen terme du moins, ne menace en rien le Reich dans son existence-même.

Stalingrad, en revanche, est un désastre de dimension biblique qui, non content de coûter à la Wehrmacht quelque 300 000 hommes (tués, blessés ou faits prisonniers), fracasse le rêve de chaque Allemand de voir bientôt la paix rétablie, et le Reich victorieux.

Dans toute l'Allemagne, un deuil national de trois jours est donc décrété, tandis qu’une musique de circonstance – c-à-d lugubre – est diffusée sur toutes les stations de radio du pays… 

Mais pas question pour autant de céder au défaitisme, ni a fortiori au diktat du Président américain Franklin Delano Roosevelt qui, fin janvier, à la Conférence de Casablanca, a affirmé que lui-même et ses alliés n’accepteraient rien de moins qu’une "Capitulation sans condition" des trois puissances de l’Axe…

mardi 9 mai 2017

5187 - l'ultime pari d'Hitler

La Bataille des Ardennes... version roman-cinéma
... lancée à la mi-décembre 1944, l'Offensive des Ardennes fut l'ultime de poker d'Hitler, mais aussi l'ultime offensive de la Wehrmacht à l'Ouest.

Un coup de poker plus risqué, et une offensive encore plus déraisonnable, que tout ce que le Führer et le grand État-major de la Wehrmacht avaient tenté jusque-là.

Rétrospectivement, on peine d'ailleurs à comprendre ce qui a pu pousser l'un et l'autre à se lancer dans une aventure si visiblement vouée à l'échec.

En ces derniers jours de 1944, et tant à l'Est qu'à l'Ouest, le déséquilibre des forces était en effet devenu tel que toute idée d'offensive - fut-elle de courte durée - sur un des deux Fronts ne relevait plus que de l'utopie et imposait de toute manière de dégarnir si dramatiquement l'autre Front que celui-ci était pour ainsi dire condamné - et c'est d'ailleurs ce qui arriva ! - à s'effondrer tel un immense château de cartes à la première poussée de l'adversaire.

Mais à partir du moment où la Capitulation était exclue par principe, Hitler et ses généraux n'avaient en définitive pas d'autre choix que de jouer crânement leur va-tout,... et ce quelle que soit la nature du terrain, les aléas de la météo, ou les faiblesse des moyens humains et matériels dont ils disposaient encore.

Les dés, donc, furent lancés, et la partie, sans surprise, lamentablement perdue...

lundi 8 mai 2017

5186 - "Les humains sont beaucoup plus féroces"

Éléphants de zoo, utilisés pour dégager les décombres, Hambourg, 1945
... lorsqu'il déambulera dans les ruines de Berlin quelques jours après la bataille, le grand écrivain et journaliste Vassili Grossman remarquera "ce jour froid, couvert et pluvieux, est bien celui de l'effondrement de l'Allemagne, de son engloutissement dans la fumée, au milieu des ruines en feu, au milieu des centaines de cadavres jonchant les rues (...) certains ont été écrasés par des chars, vidés comme des tubes de dentifrice".


A la Chancellerie du Reich, il apercevra, fracassé au sol, l'immense globe terrestre d'Hitler, rendu célèbre par le film de Chaplin "Le Grand Dictateur".


Tout n'était que vanité...

Et au Zoo de Berlin, ravagé par les combats autour de la Tour à Flak, il observera les "cages brisées, des cadavres de singes, d'oiseaux tropicaux et d'ours. (...) Sur l'île des babouins, des bébés s'accrochaient encore de leurs petites mains aux ventres de leurs mères"

Avisant une femelle gorille morte, dans sa cage fracassée, il demandera alors au vieux gardien, qui avait passé 37 ans de sa vie à s'occuper des singes à présents morts comme tout le reste alentours, il lui demandera si cette femelle gorille avait été féroce.

"Non", répondra le gardien. "Elle se contentait de rugir très fort. Les humains sont beaucoup plus féroces"...

dimanche 7 mai 2017

5185 - l'incroyable banalité du Mal

Himmler jouant au tennis : l'incroyable banalité du Mal
… mais contrairement à ce que l’on aimerait croire, Himmler n’avait rien d’un Hannibal Lecter ou d’un quelconque psycho-killer : ce myope rondouillard intellectuellement insignifiant n'était au fond que l'incarnation de l'incroyable banalité du Mal.

Les rodomontades martiales que multipliait ce “Criminel du siècle” servaient surtout à masquer un manque d’assurance, en particulier vis-à-vis de la gent féminine, raison pour laquelle il ne connut sa première expérience sexuelle qu’à l’âge de 27 ans à l’occasion de son mariage avec Margarete Boden, de sept  ans son aînée

Avec ses propres enfants, et en particulier avec sa fille aînée, il fut toujours un père attentif et débordant d’affection et, en autant qu’on le sache, un homme prévenant et poli avec ses collègues et subalternes

Contrairement à Heydrich, qui appréciait les soirées arrosées, multipliait les conquêtes et recherchait continuellement le risque et les sensations fortes (ce qui l’avait d’ailleurs poussé à passer son brevet de pilote de chasse), Himmler buvait peu (son estomac ne supportait pas l’alcool), menait une vie tranquille et quasiment asexuée (on ne lui connaît qu’une seule aventure extra-conjugale, par ailleurs fort épisodique) et se souciait au plus haut point de son confort et de sa sécurité personnelle (il était toujours accompagné de gardes du corps et ne voyageait pour ainsi dire qu’à bord de son luxueux train privé)

On ne saura jamais ce qui se serait passé si les rôles avaient été inversés : la guerre, à l'évidence, se serait conclue de la même manière, et Heydrich aurait assurément tué autant si pas plus de Juifs qu'Himmler.

Mais Heydrich, lui, n'aurait pas cherché par tous les moyens à sauver sa propre vie; il n'aurait pas tenté de conclure des accords secrets avec les ennemis du Reich; il ne serait pas empressé, le 20 avril 1945, de fuir Berlin avant l'arrivée de l'Armée rouge...

... et il ne serait pas suicidé en caleçon quelques jours plus tard, près de Luneburg...

samedi 6 mai 2017

5184 - les massacres de masse

les Einsatzgruppen : une solution insupportable... pour les tueurs
… mais l’extermination des Juifs n’aurait pas été rendue possible sans celle, préalable, des malades et handicapés mentaux, ou des alcooliques chroniques.

Présentée comme une mesure prophylactique, c-à-d comme le seul moyen de préserver le “sang”, la “race”,... mais aussi les finances du Reich et donc le bien-être des Allemands eux-mêmes (!), cette extermination de tous ceux “dont la vie ne méritait pas d’être vécue” ouvrit une voie royale à toutes les autres.

Mais si tuer un homme “à chaud” et au combat était chose relativement aisée, il en allait tout autrement du massacre systématique, “à froid”, de milliers et de milliers de femmes, d’enfants et de vieillards désarmés.

Même les plus endurcis des SS finissaient par craquer devant pareils spectacles. Himmler, qui avait personnellement assisté à plusieurs massacres commis par les Einsatzgruppem, en était bien conscient, et avait très vite réclamé une solution davantage supportable… pour ses tueurs, solution qui finit par prendre la forme des chambres à gaz, c-à-d de la mort mécanique, industrielle et conçue sinon pour rapporter de l’argent, du moins pour en coûter le moins possible.

Mais les camps de concentration pouvaient aussi être utilisés comme réservoirs de main d’œuvre gratuite, ce dont Himmler su très vite tirer parti, pour remplacer les ouvriers mobilisés sur le Front, ou pour creuser des galeries destinées à accueillir les usines bombardées.

Comme il le reconnut lui-même publiquement, peu lui importait que des milliers de travailleurs-esclaves meurent d’épuisement dans l’aventure pour autant que la tâche qui leur avait été assignée soit accomplie.

Et comme il l’avoua également, et sans davantage d’émotion, à partir du moment où la décision avait été prise de tuer systématiquement les adultes, il n’y avait pas d’autre choix que de tuer également les enfants,... du moins si l’on voulait éviter que ceux-ci, une fois rendus à l’âge adulte, ne cherchent à se venger...

vendredi 5 mai 2017

5183 - la grande affaire d'Himmler

survivant d'Auschwitz, devant une des entrées du camp, en 2015
… face à de véritables combattants dotés de vraies armes, Himmler s'avéra vite totalement dépassé par les événements, et même incapable de prendre quelque décision que ce soit.

En revanche, pour exterminer méthodiquement et sans remords des millions de civils Juifs désarmés, le Reichsfuhrer n’avait probablement pas d’egal !

Car si la SS et son chef s’aventurèrent dans quantités de domaines, en ce compris l’Astronautique et l'embouteillage de l’eau minérale (!), l’identification, la traque et, pour finir, l’extermination des Juifs furent de loin ses principales activités.

L’extermination des Juifs, pourtant, ne fut pas décidée par Himmler, ni même par aucun dirigeant nazi en particulier : elle s’imposa plutôt à chacun, à la longue, et par défaut, c-à-d lorsque les possibilités “classiques” - émigration volontaire, émigration forcée, ghettos, déportation vers un territoire lointain - furent toutes rendues impossibles… par les décisions politiques et militaires des dirigeants nazis eux-mêmes !

Entre 1933 et 1938, et en recourant uniquement à l’émigration, le Reich était ainsi parvenu à se débarrasser de la moitié de ses quelque 600 000 Juifs. Mais en annexant l’Autriche, puis la partie occidentale de la Pologne, il se retrouva avec une guerre mondiale, mais aussi avec 200 000, puis 2 000 000 de Juifs supplémentaires sur les bras !

L’émigration d’une telle masse de Juifs étant devenue impossible, il fallut les parquer dans les ghettos en attendant que l’on s’empare, “quelque part à l’Est”, d’un territoire où les expédier.

Et quand la conquête du dit territoire fut elle-même rendue impossible à court ou moyen terme, c-à-d au début de 1942, après l’échec de l’offensive sur Moscou, l’extermination s’imposa d’elle-même…

jeudi 4 mai 2017

5182 - les rêves de gloire

Himmler (le "Fidèle Heinrich") et Hitler
Hitler - il l’avait proclamé dans Mein Kampf dès le milieu des années 1920 - voulait réunir dans un seul et même Grand Reich les innombrables minorités germanophones alors dispersées dans toute l’Europe de l’Est, mais aussi offrir à ce Grand Reich un lebensraum, un “espace vital” à conquérir également à l’Est.

Tout cela impliquait évidemment une guerre à plus ou moins brève échéance, une guerre que Himmler appelait lui-même de tous ses vœux, ne serait-ce que pour prendre sa revanche sur la double “injustice” dont il estimait avoir été victime en 1918, lorsque l’Armistice, en plus de l’empêcher de terminer son cursus d’élève-officier, l’avait privé de cette “expérience du Front” dont son aîné était, lui, revenu décoré et couvert de louanges.

Et c’est probablement cette frustration de jeunesse qui l’avait très vite incité à transformer une partie de sa SS en une SS “en armes”, ce qui n’allait pourtant pas de soi, attendu que l’armée régulière, après s’être débarrassée de la SA grâce à la SS, n’avait évidemment aucune envie de voir la SS se mettre maintenant à imiter la SA !

Mais une fois encore, le temps et les circonstances (et notamment l’attentat du 20 juillet 1944) jouèrent en faveur d’Himmler, en lui permettant de développer une Waffen-SS qui, bien que restée numériquement inférieure à la Wehrmacht, avait fini, en 1945, par enrôler plus d’un million d’hommes, et aussi par devenir sinon le principal, du moins le meilleur fer de lance du Troisième Reich

Himmler se serait sans doute bien vu partir lui-même au combat à la tête de ses troupes, mais même si celles-ci lui demeuraient inféodées, elles opéraient sous le contrôle et le commandement opérationnel de la Wehrmacht

Ce n’est que dans les tous derniers mois du conflit, lorsque le Führer n’eut plus confiance en personne si ce n’est en son “Fidèle Heinrich”, que celui-ci put enfin concrétiser son rêve de jeunesse, en obtenant un véritable commandement opérationnel

Une expérience qui - mais faut-il s’en étonner - s’avéra vite si désastreuse que l’intéressé fut fort aise de s'en trouver débarrassé…

mercredi 3 mai 2017

5181 - l'obligation de se trouver de nombreux ennemis

Himmler, visitant le ghetto de Lodz : une quantité inépuisable d'"ennemis"
… au début de 1935, Himmler disposait donc des moyens d’identifier, arrêter, et emprisonner tous les “ennemis” possible.

Mais encore fallait-il que les “ennemis”... existent et continuent d’exister !

Avec tous les communistes allemands emprisonnés, et les socio-démocrates exilés, il se trouvait à présent confronté à un grave problème, ou plutôt à une obligation impérative : découvrir au plus vite quantités de nouveaux “ennemis” permettant de justifier l’existence-même de son poste et celle de son organisation.

Une fois de plus, la solution lui fut apportée sur un plateau et sans qu’il ait le moindre effort à consentir : elle prit la forme des quelque 600 000 Juifs et métis de Juifs présents en Allemagne depuis des générations, mais jamais acceptés comme “allemands” par la population allemande.

Et la transformation de la SS anti-bolchevique en instrument de lutte contre la “juiverie” fut d’autant plus aisée qu’Himmler, tout comme Hitler, était lui-même un antisémite enragé qui, depuis des années, rendait les Juifs responsables de tous les malheurs dont souffrait l’Allemagne, et en particulier du “coup de poignard dans le dos” ayant abouti à cet Armistice de 1918 qui avait privé Hitler d’un emploi stable, et lui-même d’une prometteuse carrière militaire !

Avec la “découverte” de la grave “menace” posée par les Juifs allemands, Himmler se découvrit  aussi un “travail”, et donc une garantie d’emploi, de plusieurs années.

Et si les Juifs venaient un jour à disparaître complètement du paysage allemand, il resterait de toute manière ceux, encore plus plus nombreux, de tous les pays qu’Hitler se proposait dès à présent d’envahir…

mardi 2 mai 2017

5180 - l'opportuniste par excellence

Himmler, à Dachau, en 1936
… au moment de l’arrivée d’Hitler à la Chancellerie, en janvier 1933, Himmler possédait donc, grâce à Heydrich, un service de renseignements certes embryonnaire mais en mesure, à terme, de lui fournir toutes les informations nécessaires sur tous les “ennemis” possibles.

Mais c’est l’incendie du Reichstag, un mois plus tard, qui permit réellement aux deux hommes, et à la SS dans son ensemble, de prendre leur envol

Peu nombreux, les hommes en noir  ne jouèrent pourtant qu’un rôle mineur dans les événements : c’est la police régulière, aidée des SA d’Ernst Röhm, qui se chargea des arrestations, tandis qu’en Prusse, Hermann Goering en profita pour créer une véritable police d’État, la Gestapo, où les SS ne figuraient pas.

Mais les débordements chroniques des SA, les ambitions personnelles de Röhm, et les erreurs de Goering, poussèrent bientôt Hitler à confier les instruments d’enquête et de répression à l’homme envers lequel il avait le plus confiance, autrement dit à Himmler.

Et comme l’armée régulière, de son côté, ne supportait pas la concurrence d’une SA aux effectifs largement supérieurs aux siens, elle ne tarda pas à conclure une alliance avec la seule force nazie capable de s’y opposer : la SS d’Himmler.

A l’été 1934, l’affaire était faite, Röhm éliminé, et les SA contraints de rentrer dans les rangs ou, plus exactement, d’intégrer à terme ceux de l’armée régulière.

A l’automne de la même année, et sans qu’il y soit vraiment pour quelque chose, Himmler, jusque-là fréquemment raillé pour sa petite taille, sa myopie, ses multiples maladies chroniques, ou encore sa timidité et son infinie maladresse avec les femmes, était donc devenu un des responsables les plus puissants d’Allemagne qui, grâce au Renseignement et à la Police, pouvait désormais identifier et arrêter qui il voulait, mais qui disposait aussi, grâce à des hommes comme Théodor Eicke, de camps de concentration efficaces dans lesquels il pouvait les enfermer aussi longtemps qu’il le jugeait nécessaire…

lundi 1 mai 2017

5179 - les associés du crime

Himmler et Heydrich... toujours quelques pas en arrière
… plus le NSDAP, Hitler et l’Allemagne gagnaient en puissance, et plus la SS et son chef en faisaient autant, et il suffisait somme toute à ce dernier de demeurer fidèle au Führer pour se voir automatiquement attribuer des prérogatives et un pouvoir sans cesse croissants et a priori inimaginables pour un personnage aussi “limité” que lui.

Mais aussi “limité” soit-il, Himmler avait cependant compris que “l’Information c’est le Pouvoir”, et que pour survivre à ses ennemis, en ce compris les autres “gros poissons” du NSDAP, il devait impérativement disposer de renseignements aussi complets que possible, et aussi compromettants que possible, sur ces derniers.

Incapable de concevoir et de mettre sur pieds par lui-même un tel service de renseignements, il s’était alors mis en quête d’un “spécialiste” du domaine, et avait finalement jeté son choix sur un jeune-homme au profil de demi-dieu aryen, Reinhard Heydrich, qui n’était en rien un “spécialiste” de la chose, mais qui allait à la fois réussir à le berner et aussi, et surtout, à réaliser au bout du compte le Sicherheitsdienst (SD) qu’il réclamait !

Et le cas Heydrich est révélateur : intellectuellement et physiquement, celui-ci était en effet largement supérieur à son chef de file, mais Heydrich n’avait intégré le NSDAP qu’en 1931, c-à-d une décennie après Himmler, et c’est ce dernier, déjà rendu Reichsführer-SS, qui l’avait recruté pour qu'il devienne, et surtout demeure, son second au sein de la Schutzstaffel, ce que Heydrich, peut-être parce qu'il préférait l'ombre à la lumière, le sport et le risque à la bureaucratie,... ou peut-être parce que Himmler possédait des renseignements contre lui (!), avait semble-t-il accepté de bonne grâce, au point de développer une véritable complicité avec lui...