jeudi 18 septembre 2025

9022 - une zone mûre pour un développement

Le destroyer britannique Rotherham 

… Îles Coco, 24 février 1945

La première de ces opérations débute donc le 24 février, avec le bombardement par quatre destroyers des Îles Coco, occupées par les Japonais depuis 1942, et situées à quelque 300 km des côte birmanes

"Le bombardement fut mené avec bien plus d'enthousiasme que d'effets : 991 obus HE et 17 obus éclairants furent utilisés, endommageant gravement une cahute et légèrement une autre. Une station radar fut probablement détruite. 

La Force 68 retourna à Akyab (1) pour se ravitailler en carburant le 25 février, puis reprit la mer le 27 pour un second ratissage appelé Opération Training. Trois caboteurs ennemis furent détruits entre l'île Tavoy et le bassin de Hcanzay dans la nuit du 1er au 2 mars, et le 3, la force bombarda la zone du chantier naval de Port Blair, coulant deux voiliers et en endommageant trois autres. 

Plusieurs batteries côtières furent prises à partie, et une explosion d'une ampleur réjouissante (sic) se produisit, probablement celle d'un dépôt de munitions. Aucune de ces opérations n'eut cependant d'effet notable, mais, comme leurs noms de code le suggéraient, elles étaient suffisantes pour l'entraînement et l’entretien du moral.

L'organisation japonaise de surveillance et d’alerte était apparemment défaillante : les Japonais ne disposaient pas de suffisamment d'avions pour assurer le contrôle aérien de la zone, et leurs systèmes radar terrestres étaient clairement inefficaces. 

Le capitaine Biggs (3) a indiqué que la zone était "mûre pour un développement" (4)

Ne reste donc plus qu’à y "développer" les activités…

(1) Birmanie

(2) plus grande ville et capitale des îles Andaman-et-Nicobar.

(3) commandant du destroyer Roterham 

(4) ibid, pp. 253-254

mercredi 17 septembre 2025

9021 - une immense retraite

Les îles Andaaman : des conquêtes japonaises impossibles à tenir...

… en avril 1942, rappelons-nous, la simple et brève irruption des porte-avions de l’amiral Nagumo dans l’Océan indien avait suffi pour contraindre l’Eastern Fleet britannique à abandonner Ceylan et à s’en aller chercher refuge au Kenya.

Mais trois ans plus tard, les dits porte-avions ont tous disparu corps et biens, en même temps que la quasi-totalité de la Marine impériale, et Nagumo lui-même, progressivement tombé en disgrâce après Midway, et finalement muté à terre, s’est suicidé le 06 juillet 1944.

Dans la région, du reste, les Japonais, depuis l’été 1944, brillent désormais par leur absence et se contentent le plus souvent de simples opérations de cabotage menées de temps à autres par des convois de petits navires qui s’efforcent toujours de longer les côtes au plus près afin de ravitailler tant bien que mal les garnisons isolées sur des îles aux noms aussi exotiques que Moluques, Timor, Flores, Komodo, Andaman ou Nicobar, et d’en rapporter tout ce qui peut encore être utile à l’Empire

Mais depuis le début de 1945, ces îles trop coûteuses à entretenir, et de toute manière indéfendables, sont progressivement abandonnées, et les soldats, les armes et l’équipement qui s’y trouvent exfiltrés dans la mesure du possible vers Singapour, l’Indochine ou le Japon lui-même.

C’est une immense retraite, mais une retraite qui, opérée sur des milliers de km2 non pas de terres mais bien d’océan, implique inévitablement l’usage du plus grand nombre de navires possibles, lesquels vont dès lors constituer autant de proies potentielles pour les bâtiments de l’East Indies Fleet, et en particulier pour ses destroyers

"En 1945, l’East Indies Fleet avait pour mission d'empêcher l'ennemi d'utiliser l'océan Indien, de couper les lignes de ravitaillement de l'armée japonaise en Birmanie et des garnisons japonaises des îles Andaman et Nicobar, d’attaquer les installations maritimes, pétrolières et portuaires ennemies, et d'apporter un soutien rapproché à la 14ème armée britannique en Birmanie lors de la troisième campagne d'Arakan, ouverte en décembre 1944. 

Cependant, l'évacuation ou la relève des garnisons japonaises risquait de ramener de grands navires ennemis dans l’Océan Indien et, en février 1945, les destroyers de l’East Indies Fleet lancèrent donc une série de ratissages anti-navires en mer d'Andaman" (1)

(1) Winton, op cit, page 253

mardi 16 septembre 2025

9020 - réduire la voilure

Le Hyuga, peu après sa conversion en "cuirassé-porte-avions"
… Singapour, 10 février 1945

Pour ne rien arranger - côté japonais s’entend - l’effondrement de la situation militaire depuis le débarquement américain aux Philippines et le désastre de Leyte a inévitablement fini par contraindre le commandement nippon à "réduire la voilure" par tous les moyens possibles, et donc à exfiltrer vers la Malaisie et l’Indochine, et même vers le Japon, tout ce qui peut encore l’être compte tenu du manque dramatique de moyens de transports.

En mauvais état, et de toute manière parfaitement inutiles, les deux cuirassés-porte-avions Ise et Hyuga quittent donc Singapour pour la métropole le 10 février, toujours sans le moindre avion à leur bord, mais chargés à ras-bord de plusieurs centaines de milliers de litres d’essence pour avion - vitale pour les appareils kamikazes - mais aussi de plusieurs centaines de tonnes de caoutchouc, d’étain, de mercure et de tungstène - tout aussi vitaux pour l’industrie de guerre.

Et par un coup de chance inouï, les deux bâtiments réussissent, au nez et à la barbe des Américains, à rallier Kure le 20 février… pour ne plus jamais en ressortir (1)

Du point de vue japonais, leur fuite et leur miraculeux retour au Japon, de surcroit remplis de produits ô combien précieux pour la poursuite des hostilités, est naturellement fêté comme un grand succès, mais c'est aussi un succès sans lendemain, et surtout un succès qui, dans l’Océan indien prive encore un peu plus la Marine impériale de moyens,… et l’East Indies Fleet britannique d’objectifs à détruire…

(1) attaqués à plusieurs reprises au cours des mois suivants par l'Aéronavale américaine, et incapables de reprendre la mer, les Ise et Hyuga deviendront de simples batteries flottantes jusqu’à la Capitulation du Japon, puis seront ferraillés en 1946

lundi 15 septembre 2025

9019 - l'une pleure, l'autre aussi...

L'Ise, ou la tentative totalement ratée de transformer un cuirassé en porte-avions...

… depuis le début de 1945, la British Pacific Fleet combat certes dans l’ombre, sous les ordres et au profit exclusif des Américains, mais au moins combat-elle sur un Front - celui d’Okinawa et bientôt des côtes japonaises elles-mêmes - qui va décider du sort de la guerre et qui, à ce titre, retient toute l’attention des médias, alors que l’East Indies Fleet, elle, en est réduite à guerroyer dans un secteur - celui de l’Océan indien - qui depuis longtemps n’intéresse plus personne, et certainement pas les grands reporters internationaux !

Et avec des effectifs encore bien plus réduits que ceux de la BPF, des navires largement plus obsolètes, et sans véritable porte-avions, inutile de rêver à de grandioses combats navals ou à de hauts faits d’armes,… a fortiori lorsque l’adversaire, en l’occurence la Marine impériale et l’Aéronavale japonaise, s’avère encore plus démuni !

"La principale unité opérationnelle [japonaise] était la 2ème Force d'attaque de diversion. Elle était composée des deux cuirassés-porte-avions convertis Ise et Hyuga (1), formant l'escadron de porte-avions, et des deux croiseurs lourds Ashigara et Haguro, formant la 5e escadre de croiseurs. 

Deux autres croiseurs lourds, le Takao et le Miyoko, se trouvaient à Singapour, où ils avaient tous deux trouvé refuge après avoir été gravement endommagés lors de la bataille du golfe de Leyte. Le Miyoko avait tenté de rallier le Japon en décembre 1944, mais avait été torpillé par le sous-marin américain Bergol le 13, puis était rentré à Singapour. 

Le croiseur Oyodo rejoignit la flotte du 5 au 20 février, et un quatrième croiseur, l'Isudzu, la rejoignit le 25 mars, mais ne survécut guère plus de quinze jours avant d'être coulé, le 7 avril, lors d'une attaque coordonnée des sous-marins américains"

(…) "[les Japonais] disposaient également de la 13ème Flotte Aérienne, qui n'avait en réalité de flotte aérienne que le nom (…) L’effectif total n'était que d'une cinquantaine de chasseurs, cinq chasseurs de nuit et dix-sept bombardiers-torpilleurs" (2)

(1) après le désastre de Midway, les Ise et Hyuga avaient été sélectionnés pour être convertis en porte-avions, mais l’urgence et le manque de moyens firent en sorte qu’ils reprirent la mer en tant que simples hybrides, avec un semblant de pont de seulement quelques dizaines de mètres installé à la place des deux tourelles arrières et ne pouvant mettre en oeuvre que des hydravions catapultés… qui ne furent jamais embarqués à leur bord !

(2) ibid, pp. 251-252

dimanche 14 septembre 2025

9018 - l’amertume du footballeur relégué dans une division inférieure

Le croiseur (très) léger hollandais Tromp, en 1945

… mais avant d’aller plus loin, et d’aborder les ultimes opérations de la British Pacific Fleet avant la Capitulation japonaise, il nous faut toutefois revenir quelques mois en arrière et dans cet Océan indien que cette même BPF avait quitté au début de 1945 pour rallier le Pacifique et y guerroyer aux côtés et pour le compte des Américains.

A sa naissance, en novembre 1944, la BPF, rappelons-nous, était l’héritière directe de l’Eastern Fleet, dont elle avait d’ailleurs repris la plus grande partie des bâtiments, et en particulier les bâtiments les plus modernes.

Mais bien que très largement amputée dans l’opération, la dite Eastern Fleet n’a pas totalement disparu pour la cause : devenue East Indies Fleet, autrement dit Flotte des Indes orientales, elle a continué, avec l'amiral Sir Arthur John Power à sa tête, à combattre vaille que vaille dans l’Océan indien avec le peu de moyens qui lui restait et aussi, pourrait-on dire, avec toute l’amertume du footballeur qui se voit relégué dans une division inférieure et ainsi contraint de concourir dans un championnat qui n’intéresse personne.

"Dans les derniers mois de la guerre, la Flotte des Indes orientales eut du mal à trouver un emploi offensif. 

(…) À sa création, elle se composait de la troisième escadre de combat (vice-amiral H. T. C. Walker), avec le cuirassé Queen Elizabeth et le croiseur de bataille Renown, neuf croiseurs, dont le hollandais Tromp (1), formant la cinquième escadre de croiseurs (contre-amiral A. D. Read), de trois porte-avions d'escorte et deux transporteurs d’avions et, finalement, de vingt-quatre destroyers. 

Au total, la flotte, avec tous les navires de soutien, comptait environ soixante-dix bâtiments" (2)

Ce n’est guère…

(1) tout comme son jumeau Jacob van Heemskerck, le Tromp est un croiseur (très) léger d'à peine 3 500 tonnes, et dans son cas armé de six canons de 150mm

(2) Winton, op cit, pp 250-251 

samedi 13 septembre 2025

9017 - une expérience à peu de frais

15 juin 1945 : les obus des croiseurs britanniques s'abattent sur les réservoirs - vides -de Truk

 … Manus, 17 juin 1945

"Les dégâts causés à Truk par le raid furent limités. Des navires furent endommagés, un dock flottant, des installations portuaires, des équipements radio et radar furent bombardés et mitraillés. Deux avions ennemis furent détruits au sol. 

En réalité, Truk avait déjà reçu une attention si dévastatrice de la part de la Fast Carrier Task Force [américaine] qu'elle ne constituait plus un objectif majeur, et que les cibles étaient difficiles à dénicher" (1)

Quelle que soit la manière dont on la considère, Inmate est donc tout sauf une opération appelée à figurer au firmament des plus hauts d’armes britanniques,… d’autant que si les Britanniques ne déplorent en définitive que la perte d’un seul Seafire au combat, cinq Avenger ont également été détruits à la suite d’accidents,… et un hydravion Walrus du porte-avions d'escorte Ruler précipité à la mer et détruit par une bourrasque !

Si on y ajoute le fait qu’il ne restait finalement plus grand-chose qui vaille la peine à Truk, que les troupes japonaises encore présentes sur place ne représentaient plus aucune menace pour qui ou quoi que ce soit, ou encore que la plupart des bombes larguées et des obus tirés sur l’atoll se sont abattus un peu partout mais rarement sur les cibles visées (!), on pourrait en conclure sinon à un échec total, du moins à une simple victoire à la Pyrrhus, finalement plus coûteuse pour l’assaillant que pour son adversaire.

Qu’importe : l’essentiel, après tout, était de permettre aux marins et aux aviateurs nouvellement arrivés dans le Pacifique d’acquérir, à finalement peu de frais, une expérience utile pour les véritables combats à venir,… c-à-d lorsqu’il leur faudra opérer directement au large des côtes japonaises.

Dans l’immédiat du moins, l’Implacable et son escorte n’ont plus qu’à rallier Manus, où ils arrivent ans encombre arrivent le 17 juin, pour y attendre le reste de la BPF, toujours à Sydney, et qui ne les rejoindra pas avant le 04 juillet…

(1) Winton, op cit. page 205

vendredi 12 septembre 2025

9016 - la journée du ball-trap

Inmate : une journée de ball-trap avec les Japonais dans le rôle des pigeons d'argile...

… Truk, 14 juin 1945, 05h40

A l’aube du 14 juin, parvenus à quelque 150 km au large de Truk, les premiers Seafire dotés des fameux bidons largables de Kittyhawk décollent donc de l’Implacable et, accompagnés de Firefly, mettent le cap vers l'atoll autrefois joyau de la Marine impériale japonaise.

Se relayant tout au long de la journée, mitraillant ici et bombardant là-bas, les appareils pilonnent les installations japonaises - ou plutôt ce qu'il en reste - quelques réservoirs de carburant - vides - et les rares embarcations - insignifiantes - qu’ils peuvent apercevoir sur le lagon,... à peine gênés dans leur tâche par des tirs de DCA sporadiques qui n’en réussissent pas moins à abattre un Seafire occupé à s’en prendre à l’aérodrome, et qui restera le seul appareil perdu au combat lors de toute cette opération

Mais après cette tranquille journée de ball-trap pour les aviateurs de l’Implacable, pourquoi ne pas en organiser également une, et toujours avec les Japonais dans le rôle des pigeons d’argile, au bénéfice des artilleurs de ses croiseurs et destroyers d’accompagnement, lesquels manquent également d’entraînement ?

Le lendemain, 15 juin, pas davantage gênés par les tirs de quelques batteries côtières aussi imprécis que les leurs (!), les quatre croiseurs et les cinq destroyers, survolés par des Seafire chargés de compter les points (!), font à leur tour pleuvoir les obus sur l’atoll… mais aussi sur deux Avenger identifiés à tort comme japonais et qui s’en tirent heureusement sans dommage !

Comme la veille, impossible de prétendre toutefois que cette débauche d’effets pyrotechniques soit militairement justifiée, et surtout suivie de résultats le moindrement probants, mais à la guerre, après tout, tout entraînement est toujours bon à prendre, et c’est sans doute ce que pensent également les équipages de huit Avenger chargés de bombes ou de fusées éclairantes qui, quelques heures plus tard, inaugurent le premier bombardement de nuit opéré par des appareils de la BPF, un bombardement où la plupart sinon la totalité des bombes vont tout bonnement tomber à l’eau !

Meilleure chance la prochaine fois...