lundi 10 novembre 2025

9085 - ce n'est pas encore pour tout de suite

… et pourtant non, ce n'est pas encore pour tout de suite !

Car loin de pousser les responsables japonais à immédiatement accepter la "Capitulation sans condition" qu’on exige d’eux depuis près deux ans, les nouvelles en provenance d’Hiroshima semblent au contraire les inciter… à se montrer plus inflexibles encore !

"L’Empereur et le Premier ministre n'apprirent le bombardement qu'au bout de quelques heures. Les premiers rapports faisaient état de "la destruction complète d'Hiroshima et de dégâts indescriptibles infligés par une bombe d'une efficacité inhabituellement élevée".

Un officier supérieur au moins devina immédiatement qu'il s'agissait d'un engin atomique, comme cela fut bientôt confirmé par l’interception des émissions de radio américaines. D’autres commandants de l'armée demeuraient néanmoins sceptiques et ne voyaient dans ces nouvelles rien pour adoucir leur implacable opposition à la reddition.

Le général Anami, Ministre de la guerre, reconnut en privé qu'il s'agissait d'une attaque nucléaire et envoya une équipe d'enquêteurs à Hiroshima. Il réclama toutefois que le gouvernement ne prenne aucune mesure avant d'avoir entendu son rapport, qui ne serait pas disponible avant deux jours"

(…) "Le Ministre des Affaires étrangères Togo envoya un message à l'ambassadeur Sato à Moscou, pour réclamer des éclaircissements urgents quant à l'attitude soviétique. Togo se rendit ensuite au palais impérial le matin du 8 août. Hirohito lui déclara que, vu ces nouvelles circonstances, "Mon souhait est de prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin à la guerre dès que possible".

Togo fut invité à transmettre ce message au Premier ministre Suzuki. Mais même en cet instant, l’empereur demeurait vague sur ces intentions. Il n’était certainement pas disposé à endosser l'acceptation immédiate des conditions de Potsdam" (1)

(1) Hastings, op cit

dimanche 9 novembre 2025

9084 - une chance pour que la guerre soit bientôt terminée

… Côtes du Japon, 07 aout 1945

Et cette question, les aviateurs et marins de la British Pacific Fleet comme de la 3ème Flotte américaine se la posent également !

"Le 7 août, la flotte [britannique] apprit la nouvelle de la bombe larguée sur Hiroshima. Seuls quelques hommes sur le théâtre des opérations du Pacifique connaissaient la véritable nature de l'arme, mais il semble y avoir eu quelques suppositions judicieuses au sein de la flotte. 

L'amiral Rawlings rapporta que la théorie de l'énergie atomique suscita de nombreuses spéculations et de nombreuses dissertations de la part de tous. Pour la première fois, les hommes de la flotte s’éloignèrent de la guerre et aperçurent des premiers signes de la paix. 

L'absence de résistance aérienne ennemie au-dessus du Japon donna peut-être aux équipages [des aéronefs] l'impression que tout était presque fini, mais les autres [les marins] estimaient encore qu'une guerre longue et difficile les attendait. 

Les Japonais, après tout, avaient résisté au-delà du raisonnable sur les îles du Pacifique central et à Okinawa. Que feraient-ils sur leur propre territoire ? 

Maintenant, toutefois, il y avait une chance que la guerre soit bientôt terminée" (1)

(1) Winton, op cit, pp 427-428

samedi 8 novembre 2025

9083 - "Cela signifie-t-il que nous pouvons rentrer chez nous maintenant ?"

… croiseur USS Augusta, Atlantique Nord

Aujourd’hui, bien sûr, ces images d’horreur nous amènent à ne considérer le bombardement d’Hiroshima - en attendant celui de Nagasaki - que sous l’angle exclusif d’un effroyable "Crime de Guerre", dont les auteurs et commanditaires auraient dû être impitoyablement poursuivis par la "Cour Pénale Internationale".

Mais ne versons pas dans l'anachronisme, puisqu’à l’époque, personne ou presque, qu’il soit Américain ou non, civil ou militaire, haut responsable ou simple quidam, ne trouve quoi que ce soit à y redire,... et le Président Truman moins que tout autre !

"Truman reçut la nouvelle à bord de l’Augusta, à quatre jours des côtes britanniques lors de son retour de Potsdam, et alors qu'il déjeunait avec des membres de l'équipage du croiseur : "Grosse bombe larguée sur Hiroshima le 5 août à 19h15. heure de Washington. Les premiers rapports indiquent un succès complet et encore plus grand que le test précédent".

Rayonnant, le Président se leva d'un bond et dit au commandant de l’Augusta : "Capitaine, c'est la plus grande chose qui soit arrivée dans l’Histoire" (…) "Nous venons de larguer une nouvelle bombe sur le Japon qui a plus de puissance que 20 000 tonnes de TNT. C’est un succès retentissant !"

La joie du président n'était apparemment pas entachée par la douleur ou le doute. Il exultait simplement d’un sentiment de triomphe national. Il s’agissait là d’une démonstration éclatante des limites de sa propre compréhension de ce qui s’était réellement passé. 

Les marins se rassemblèrent autour du Président, posant la question également sur les lèvres de millions de soldats, marins et aviateurs alliés à travers le monde : "Cela signifie-t-il que nous pouvons rentrer chez nous maintenant ?" (1)

(1) Hastings, op cit

vendredi 7 novembre 2025

9082 - l'ère atomique

Hiroshima : quand l'Humanité entre dans une nouvelle ère...
… Hiroshima, 6 aout 1945, 08h15

A 08h15, le 6 aout 1945, Little Boy - quatre tonnes, trois mètres de long - jaillit de la soute du B-29 Enola Gay qui a décollé six heures plus tôt de la petite île de Tinian. 

Aussitôt, et dans une manoeuvre répétée à d’innombrables reprises, le pilote enclenche la surpuissance des quatre énormes Wright R-3350, puis lance l'avion dans un virage serré, prélude à une fuite éperdue

Quelques habitants d'Hiroshima ont peut-être perçu la menace, ou peut-être pas; certains ont peut-être pressenti que quelque chose de véritablement terrible se déroulait en cet instant, ou peut-être pas; mais tout cela est désormais sans importance : à environ 200 mètres de la cible visée, la bombe, déclenchée par un détonateur altimétrique, explose à une hauteur de 700 mètres - altitude soigneusement choisie après les résultats du test de "Gadget", afin de maximiser l'effet de souffle, par réverbération sur le sol.

Au Point zéro, la température sera évaluée, après guerre, à près de 3 000 degrés, et la puissance de l’explosion à environ 12 500 tonnes de TNT, autant de chiffres amplement suffisants pour provoquer la mort d'environ 80 000 personnes, et la destruction de 70 000 des quelque 76 000 habitations et immeubles de la ville

Mais le plus "spectaculaire", et le plus inédit, ce sont sans conteste les atroces brûlures infligées aux survivants par la chaleur et les radiations, des blessures impossibles à soigner et qui, pendant des mois, vont entraîner la mort, dans des souffrances indicibles, de milliers de personnes supplémentaires

L'Humanité vient d'entrer de plein pied dans l'ère atomique…

jeudi 6 novembre 2025

9081 - une "Opération spéciale" imminente…

L'Enola Gay, à Tinian, en aout 1945 : la Mort atomique est sur le point de prendre son envol...

 … 4 aout 1945

Alors que le temps presse, et que les bombardements aériens et navals se multiplient, les responsables japonais continuent donc de refuser l’évidence et de se réfugier dans la procrastination,… tétanisés il est vrai par la crainte de se voir aussitôt assassinés par les ultras s’ils manifestent le moindre signe d’acceptation envers les exigences des Alliés !

A Moscou, l’ambassadeur du Japon n’est cependant pas dupe qui, le lendemain, 30 juillet, câble à son gouvernement "qu’il n'existe d'autre alternative que la capitulation immédiate et sans condition si nous voulons essayer de calmer l'Amérique et l'Angleterre et d'empêcher la participation de la Russie à la guerre"

Mais non content d’attendre le 2 aout avant de lui répondre (!), Shigenori Tōgō, Ministre des Affaires étrangères, continue de temporiser : "Il est difficile de décider d'un seul coup des conditions de paix concrètes", déclare-t-il, avant d’ajouter que "l’Empereur suit de près les développements à Moscou" tandis que le Premier Ministre Suzuki et les chefs de l’Armée "explorent la question de savoir si la déclaration de Potsdam offre un champ de négociation".

Le même jour, au large du Japon, et dans l’ignorance totale de ce qui se trame, la British Pacific Fleet vient quant à elle de compléter un ravitaillement rendu d’autant plus difficile par l’arrivée d’un typhon qui a balloté les navires comme autant de fétus de paille.

A 20h00, un câble reçu de Halsey fixe la prochaine frappe sur les côtes japonaises à l’aube du 5 aout, mais dans l’après-midi du 4, alors que le King George V, l’Achilles et le Newfoundland sont occupés à ravitailler leurs destroyers d’escorte en prévision de l’attaque du lendemain, un nouveau câble vient bouleverser tous les plans : les frappes sont en effet reportées au 8 et 9 aout, tandis que la 3ème Flotte et la British Pacific Fleet doivent elles-mêmes quitter leur zone d’opérations de toute urgence en raison d’une "Opération spéciale" imminente.

La Mort atomique est sur le point de prendre son envol...

mercredi 5 novembre 2025

9080 - "Nous ferons tout notre possible pour mener la guerre jusqu'au bout"

Le torpillage de l'Indianapolis : quatre jours plus tôt, l'Histoire aurait été bien différente..

… mais à l’insu des aviateurs et marins britanniques, les évènements, cette fois se précipitent !

Le 26 juillet, le croiseur lourd Indianapolis (1), un 10 000 tonnes de la classe Portland, a en effet rallié la petite île de Tinian (Mariannes) avec à son bord une mystérieuse caisse contenant les éléments d'un "projet secret" qui n’est autre que "Little Boy", autrement dit la bombe atomique bientôt destinée à Hiroshima.

Le même jour, à Potsdam, à quelque 11 000 km de là, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine de Tchang Kaï-chek ont quant à eux adressé un ultimatum au Japon, le sommant d’accepter immédiatement la "Capitulation sans condition" qu’on exige de lui, sous peine de subir une "destruction totale et rapide" (sic) 

Cet ultimatum, qui ne fait en définitive que rappeler une exigence déjà formulée à Casablanca en janvier 1943, et qui ne mentionne pas explicitement la menace de la mort atomique, a toutefois été accueilli au Japon par le silence complet des politiciens,… mais aussi par les railleries de la Presse locale, laquelle n’y a vu strictement rien de neuf par rapport aux déclarations précédentes des Alliés, qui réclament toujours non seulement cette fameuse "Capitulation sans condition", mais aussi, et surtout, le renoncement par le Japon à toutes ses conquêtes d’avant 1937, et même l’abdication de l’Empereur lui-même, perçue comme prélude à un éventuel jugement pour "Crimes de Guerre", soit autant d'éléments que le Japon estime depuis deux ans totalement inacceptables !

Reste que ces railleries ne sauraient pallier longtemps l’absence d’une réponse gouvernementale officielle, ce pourquoi, après bien des hésitations, le Premier Ministre Kantaro Suzuki a-t-il fini, le 29 juillet, par proclamer qu’il entend "ignorer" (sic) cet ultimatum qui n’est, a-t-il ajouté, "qu’une resucée de la Déclaration du Caire. Le gouvernement ne pense pas que cela ait une valeur sérieuse. Nous ne pouvons que l'ignorer. Nous ferons tout notre possible pour mener la guerre jusqu'au bout".

(1) ironiquement, l'Indianapolis sera torpillé quatre jours plus tard, sur le chemin du retour, par un sous-marin japonais, ne laissant que 316 survivants sur un équipage de 1 195 hommes...

mardi 4 novembre 2025

9079 - dans l'espoir "qu'à la longue"...

Bombardement britannique sur les côtes du Honshu, juillet 1945
… Honshu, 30 juillet 1945

Parce que c’est la guerre, parce qu’ils sont des soldats, parce qu’ils ne savent rien faire d’autre,… et aussi parce qu’ils estiment "qu’à la longue", leurs bombardements finiront bien par porter fruits (!), Britanniques et Américains continuent donc de déverser bombes et obus sur le territoire japonais, comme ils l’avaient fait sur le territoire allemand.

Mais comme auparavant sur le territoire allemand, il est devenu impossible, sur le territoire japonais, de trouver des usines, des ports, des aérodromes, des villes et même des villages qui n’ont pas déjà été bombardés une et même plusieurs fois, ce qui implique donc de bombarder et rebombarder régulièrement les mêmes cibles,… en espérant, là encore, "qu’à la longue", tout cela aboutisse à un résultat... différent !

Le 30 juillet, donc, les Britanniques repartent à l’attaque des aérodromes du sud-ouest de Honshu ainsi qu'aux rares navires encore présents dans la Baie de Nagoya, mais la première vague ne tarde pas à découvrir que ses cibles sont masquées par les intempéries, et se voit dès lors contrainte de bombarder au radar, avec des résultats naturellement pitoyables.

Bénéficiant quant à elle de meilleures conditions météorologiques, "la seconde vague coula la frégate Okinawa (également revendiquée par les Américains) à Maizuru . 336 sorties furent effectuées : outre l'Okinawa, un grand cargo, un navire de transport et plusieurs petits navires furent coulés; un destroyer de classe Terezuki (1), quatre autres destroyers, quatre escorteurs et un cargo furent également endommagés. 

Six avions ennemis furent détruits et six autres endommagés. Deux Seafire et un Corsair, avec leurs pilotes, furent abattus par la DCA au-dessus de leurs cibles" (2)

(1) il s’agit en fait de la classe Akizuki
(2) ibid, page 421