jeudi 20 novembre 2025

9095 - "Plus de pétrole !"

Le King George V, en mer : mon Empire pour un peu de mazout...

… et comme c’est toujours la même chose, Américains et Britanniques décident donc de poursuivre leurs propres opérations sur les côtes japonaises au moins jusqu’au 13 aout,... ce qui, côté britannique, pose toutefois un sérieux problème puisque, contrairement à la 3ème Flotte américaine, la British Pacific Fleet ne dispose, nous l’avons vu, d’aucune autre escadre en mesure de venir prendre la relève des quatre porte-avions ainsi que des cuirassés, croiseurs et destroyers qui opèrent maintenant depuis plusieurs semaines en compagnie des Américains, et dont il est prévu depuis longtemps qu’ils s’en retournent tous à Sydney d’ici le 12, afin de se ravitailler et se remettre en état, et ainsi se préparer à la première phase de l’Opération Olympic !

[Rawlings] "répondit à Halsey que, même si la flotte britannique ne pouvait maintenir ses opérations à pleine puissance, il comptait néanmoins mettre en oeuvre formation complète le 12 août, après quoi les porte-avions devraient s’en retourner à Sydney. 

Il espérait toutefois conserver le King George V et trois croiseurs [armés de canons] de 6 pouces pour le bombardement naval prévu le 13,  "à condition que nous puissions nous mettre sous [la protection de] votre CAP"

Cependant, même rester pour ce bombardement risquait de signifier que [faute de carburant] certains destroyers de couverture n'atteindraient Manus que remorqués, mais l'amiral Rawlings n'y voyait aucune objection. 

Au même moment, il informait l'amiral Fraser, à Guam, du programme révisé, concluant par l'éternel cri du coeur de la BPF : "Plus de pétrole !" (1)

(1) ibid, pp 435-436

mercredi 19 novembre 2025

9094 - plus ça change, plus c’est toujours la même chose…

"Pas de Capitulation !", caricature américaine, 7 aout 1945

... "Au beau milieu des activités du 9 août, la nouvelle tomba : la Russie avait enfin déclaré la guerre au Japon et une seconde bombe atomique avait été larguée sur la ville de Nagasaki, sur l'île de Kyushu. 

Cette fois, il était impossible de contenir les spéculations et les rumeurs au sein de la flotte. Des inventions extravagantes et des suppositions éclairées, connues en langage courant sous le nom de "buzz", se répandirent sur tous les navires : la guerre était désormais presque terminée. 

Malgré les appréhensions et les interrogations pour l'après-guerre, la flotte accueillit avec enthousiasme l’annonce du bombardement atomique, le considérant comme un moyen de mettre rapidement fin à la guerre" (1)

Pour autant, et aussi stupéfiant cela puisse-t-il sembler au lecteur contemporain, rien ne semble encore ébranler la volonté des responsables japonais de poursuivre la dite guerre !

A Tokyo, l’amiral Toyoda, chef d’une Marine impériale désormais sans navire (!), se déclare en effet convaincu que "l’opinion internationale" se chargera bien d’empêcher les États-Unis de lancer une troisième bombe atomique sur le Japon, alors que pour le général Korechika Anami, Ministre de la Guerre, même la mort éventuelle de toute la population japonaise demeure préférable à la "Capitulation sans condition" exigée par les Alliés !

Et si certains politiciens civils se déclarent désormais plus ouverts à l’idée-même de cette Capitulation, c’est néanmoins pour se remettre aussitôt à exiger diverses "conditions" comme l’absence d’une armée d’occupation étrangère, ou encore d’un tribunal allié qui, comme celui de Nuremberg, tout juste entériné par l’Accord de Londres du 08 août, serait autorisé à juger les citoyens japonais, et particulièrement l’Empereur, pour "crimes de guerre"

En d’autres termes, plus ça change, plus c’est toujours la même chose…

(1) ibid, page 434

mardi 18 novembre 2025

9093 - loin de pouvoir rivaliser...

Le destroyer Termagant, ou comment contraindre un cycliste japonais à plonger dans un fossé...

… aussi incroyable cela puisse-t-il sembler, alors que plus d’un million de soldats soviétiques sont occupés à déferler comme un ouragan en Mandchourie, alors qu'une bombe atomique vient à nouveau d'annihiler totalement une autre grande ville japonaise, y faisant là encore des dizaines de milliers de morts d’un seul coup, une poignée de croiseurs et de destroyers américains et britanniques sont occupés à déverser quelques centaines d’obus de moyen calibre sur une petite ville japonaise sans intérêt, et vont jusqu’à mentionner dans les rapports que leurs tirs ont contraint un cycliste nippon - que l’on devine particulièrement redoutable - à plonger dans un fossé !

Heureusement, les aviateurs, qui ont décollé à l’aube, revendiquent tout de même de meilleurs résultats, en essuyant néanmoins de lourdes pertes, et surtout sans que l’on puisse prétendre ne serait-ce qu'une seconde que les dits résultats rivalisent, même de loin, avec ceux obtenus au même moment par l’Armée rouge ou le B-29 Bock’s Car.

"Les vols débutèrent à 04h10 et se poursuivirent toute la journée. Dix frappes individuelles et quatre frappes combinées furent lancées, pour un total de 407 sorties offensives et de reconnaissance aérienne ou photographique. 

(…) les aérodromes de Shiogama, Matsushima, Kessenuma, Yamada, Hachinoe et Koriyama furent bombardés et mitraillés, causant la destruction de quarante-deux avions ennemis et des dommages à vingt-deux autres. 

Des navires furent également attaqués à Onagawa Wan, Kessenuma et Okotsu : deux destroyers, un vieux destroyer, un chasseur de sous-marins et plusieurs petits caboteurs, jonques et chaloupes furent coulés, et deux autres destroyers, un torpilleur et quelques petites embarcations probablement coulés. Un autre destroyer, deux navires d'escorte et de nombreuses petites embarcations furent endommagés" (1)

(1) Winton, op cit, pp 429-430 

lundi 17 novembre 2025

9092 - l'éternel humour anglais...

Le croiseur Gambia, en action contre les côtes japonaises, juillet-aout 1945

… Kamaishi (Honshu), 9 aout 1945, 12h53

Et toujours au même moment, à quelque 600 km au Nord de Tokyo, les premiers obus commencent à pleuvoir sur la petite ville de Kamaishi.

Car après plus d’une semaine de repos forcé pour cause de ravitaillement, de l’arrivée d’un typhon et, finalement, de l’obligation de faire place nette en vue du bombardement atomique sur Hiroshima, les hommes de la British Pacific Fleet et de la 3ème Flotte américaine se sont remis à la besogne comme si de rien n’était !

Ainsi, à Kamaishi, plusieurs croiseurs, parmi lesquels les Newfoundland et Gambia britanniques, inaugurent une nouvelle série de bombardements navals sur les côtes japonaises.

"Le bombardement commença à 12 h 53 et se poursuivit pendant près de deux heures, jusqu'à 14 h 47. La flottille effectua quatre bombardements, deux vers le sud et deux vers le nord, tirant à une portée moyenne de 14 000 mètres, mais se rapprochant à une occasion à moins de 4 000 mètres des côtes. 

(…) Des entrepôts, des réservoirs de stockage de pétrole, des installations portuaires et des navires furent touchés. (…) Le Newfoundland tira un total de 329 obus, le Gambia 404. Les destroyers britanniques furent détachés pour attaquer des cibles d'opportunité. 

[Le contre-amiral Patrick] Brind observa que ces opportunités, hormis le Japon lui-même, n'étaient pas franchement évidentes. Le Terpsichore bombarda et toucha un imposant bâtiment sur une colline, décrit comme "le palais d'été du gouverneur", tandis que le Termagant affirma pour sa part avoir bloqué une route côtière devant un cycliste, le forçant à se jeter dans un fossé" (1)

L'éternel humour anglais...

(1) Winton, op cit, pp 428-429

dimanche 16 novembre 2025

9091 - au Japon, rien de nouveau...

… contrairement à ce qu’on lit parfois, le largage de cette seconde bombe atomique, au matin du 09 août 1945, n’a strictement rien à voir avec la décision, prise seulement quelques heures auparavant par l’URSS, d’entrer en guerre contre le Japon.

Ce sont tout bonnement, et une fois de plus, les prévisions météorologiques, qui prévoyaient du très mauvais temps à partir du 10, qui ont convaincu les responsables locaux sur la base de Tinian de hâter l’envol de Bock’s Car.

Car rappelons-le, l’utilisation de l’arme atomique avait déjà été officiellement décidée par Truman le 6 juin, et les instructions formelles envoyées par les généraux Stimson et Marshall le 25 juillet, lors de la Conférence de Potsdam.

Tout le reste ne relevait plus en définitive que de la vulgaire routine administrative et aussi des inévitables contraintes liées à la fabrication des bombes, à leur acheminement jusqu’à Tinian, à la préparation d’une mission de bombardement et, au final, aux caprices de la météo.

Seule une intervention directe du Président, inévitablement liée l’acceptation préalable de la Capitulation par les Japonais, aurait pu empêcher les militaires américains de larguer une seconde bombe sur le Japon, puis une troisième ou une quatrième au besoin, toujours en fonction des mêmes routines et contraintes.

"La seule contribution de Washington fut passive. Le Président et ses conseillers ne discernèrent dans le silence japonais rien qui soit de nature à ordonner au 509ème Groupe de Bombardement de cesser ses opérations" (1)

(1) Hastings, op cit

samedi 15 novembre 2025

9090 - les maudits nuages de Kokura

Mère japonaise et son enfant, posant dans les ruines de Hiroshima, décembre 1945

.… Nagasaki, 9 aout 1945, 11h02

Et au moment-même où l'Armée rouge pénétrait en Mandchourie, le B-29 Bock’s Car décollait quant à lui de Tinian, avec dans ses entrailles la seconde bombe atomique destinée au Japon.

La cible choisie est Kokura, mais quelques centaines de kilomètres en avant de Bock’s Car, un autre B-29 chargé de la reconnaissance météo, lui apprend que cette ville est couverte par une épaisse couche de nuages mais aussi de fumées provenant des incendies qui font toujours rage à Yawata, la cité voisine, victime peu auparavant d'un bombardement conventionnel.

Il faut donc se dérouter vers l'objectif secondaire, c-à-d sur Nagasaki, dont les habitants, qui ne savent pas encore ce qui les attend, pourront bien maudire les nuages de Kokura.

Mais lorsqu'il arrive sur Nagasaki, le commandant du B-29, le major Charles Sweeney, s'aperçoit que la ville est également recouverte sous une épaisse couche de nuages !

Par trois fois, sans apercevoir la cible désignée, Sweeney survole la capitale et la plus grande ville du Kyushu occidental, devenue, dès le début du 20ème siècle, l'un des plus importants sites de construction navale japonais, et abritant plusieurs arsenaux.

L'essence baisse dangereusement et il va bientôt falloir se résoudre à vider les lieux et à prendre le cap retour.

Mais pas question de revenir se poser à Tinian avec la bombe armée en soute,... et pas question non plus de se débarrasser au dessus de l'océan d'une bombe aussi précieuse !

Alors à 11H00, quand il aperçoit enfin une trouée dans les nuages, Sweeney y va et lance la bombe qui, explose à 11h02 mais rate la cible d'environ 2000 mètres.

Cette erreur de tir, et une configuration du terrain moins favorable qu'à Hiroshima, minimiseront les pertes humaines, qui se chiffreront tout de même à quelque 35 000 morts…

vendredi 14 novembre 2025

9089 - comme un ouragan

… la bataille, qui s’apparente en fait à un massacre, est jouée d’avance.

Partout où ils le peuvent, les Japonais résistent avec acharnement, y compris en chargeant sabre au clair contre des Russes qui les cueillent par rangées entières à la mitrailleuse lourde, ou en se jetant, ceinture d'explosifs autour de la taille, sous les chars T-34, qui se trouvent à peine ralentis.

Comme un ouragan, l'Armée rouge se déverse en Mandchourie, mais aussi en Chine et également en Corée, en emportant tout sur son passage. 

Le 15 aout, à la radio de Tokyo, l’Empereur Hirohito va certes annoncer qu’il a enfin décidé d’accepter la "Capitulation sans condition" exigée par les Alliés, mais les affrontements sur le terrain ne s’en poursuivront pas moins durant plusieurs jours.

Le 16, Puyi, insignifiant Empereur de l’État fantoche du Mandchoukouo, sera notamment capturé par les Soviétiques, lesquels le livreront cinq ans plus tard aux hommes de Mao; le même jour l’Armée rouge s’emparera de Wonsan (Corée); le 24, elle pénètrera à Pyongyang pour y installer un gouvernement militaire à sa solde, celui de la nouvelle de Corée du Nord, et distinct de celui qui va bientôt s’établir au Sud vu que Staline, ayant obtenu tout ce qu'il voulait, va finalement accepter de s’arrêter au 38ème Parallèle,… au propre étonnement des Américains qui, le 8 septembre, débarqueront pour leur part à Inchon afin de prendre le contrôle de ce qui va bientôt devenir la Corée du Sud.

Mais le 25, tel que prévu à Yalta, les Soviétiques vont encore s'emparer du sud de la Sakhaline (1) ainsi que, le 31, des Îles Kouriles, dont ils expulseront toute la population japonaise en 1946 afin de la remplacer par des russophones (2)

A l’époque, personne ne parle encore de "purification ethnique".

Vae Victis

(1) le Nord de la Sakhaline était demeuré russe après la guerre russo-japonaise de 1905

(2) les Kouriles font, encore aujourd’hui, l’objet d’une dispute entre la Russie et le Japon