vendredi 14 novembre 2025

9089 - comme un ouragan

… la bataille, qui s’apparente en fait à un massacre, est jouée d’avance.

Partout où ils le peuvent, les Japonais résistent avec acharnement, y compris en chargeant sabre au clair contre des Russes qui les cueillent par rangées entières à la mitrailleuse lourde, ou en se jetant, ceinture d'explosifs autour de la taille, sous les chars T-34, qui se trouvent à peine ralentis.

Comme un ouragan, l'Armée rouge se déverse en Mandchourie, mais aussi en Chine et également en Corée, en emportant tout sur son passage. 

Le 15 aout, à la radio de Tokyo, l’Empereur Hirohito va certes annoncer qu’il a enfin décidé d’accepter la "Capitulation sans condition" exigée par les Alliés, mais les affrontements sur le terrain ne s’en poursuivront pas moins durant plusieurs jours.

Le 16, Puyi, insignifiant Empereur de l’État fantoche du Mandchoukouo, sera notamment capturé par les Soviétiques, lesquels le livreront cinq ans plus tard aux hommes de Mao; le même jour l’Armée rouge s’emparera de Wonsan (Corée); le 24, elle pénètrera à Pyongyang pour y installer un gouvernement militaire à sa solde, celui de la nouvelle de Corée du Nord, et distinct de celui qui va bientôt s’établir au Sud vu que Staline, ayant obtenu tout ce qu'il voulait, va finalement accepter de s’arrêter au 38ème Parallèle,… au propre étonnement des Américains qui, le 8 septembre, débarqueront pour leur part à Inchon afin de prendre le contrôle de ce qui va bientôt devenir la Corée du Sud.

Mais le 25, tel que prévu à Yalta, les Soviétiques vont encore s'emparer du sud de la Sakhaline (1) ainsi que, le 31, des Îles Kouriles, dont ils expulseront toute la population japonaise en 1946 afin de la remplacer par des russophones (2)

A l’époque, personne ne parle encore de "purification ethnique".

Vae Victis

(1) le Nord de la Sakhaline était demeuré russe après la guerre russo-japonaise de 1905

(2) les Kouriles font, encore aujourd’hui, l’objet d’une dispute entre la Russie et le Japon

jeudi 13 novembre 2025

9088 - la maison vide

Colonne blindée soviétique progressant en Mandchourie, aout 1945

… Mandchourie, 09 août 1945

Aux premières heures du 09 août, soit au moment précis où le B-29 "Bock’s Car" s’envole de Tinian vers Nagasaki, l’Armée rouge, forte de plus d’un million cinq cents mille hommes, pénètre donc en Mandchourie sous une pluie torrentielle et à la totale stupeur des défenseurs japonais qui, depuis les affrontements au Nomonhan, six ans auparavant, s’y trouvent quasiment en vacances.

Personne, dans le camp japonais, ne s’attendait à cela ! Les plus observateurs avaient certes noté le retour de bon nombre d’unités soviétiques qui, depuis l’automne de 1941, avaient été envoyées à l’Ouest, et les plus lucides s’attendaient certes à voir l’URSS entrer tôt ou tard dans la guerre, mais personne n’avait imaginé une attaque d’une telle ampleur, ni lancée aussi rapidement !

Et pour ne rien arranger, les forces japonaises présentes en Mandchourie sont tous sauf préparées et en mesure de résister à une pareille vague !

Depuis plusieurs années, elles ont en effet été régulièrement ponctionnées de leurs troupes et de leurs équipements au profit de la défense de diverses îles du Pacifique, et finalement d’Okinawa et du Kyushu, et ce qui reste n’est constitué, au mieux, que d’unités de seconde ligne qui, non contentes d’être en sous-effectifs, sont dramatiquement en manque d’avions, de tanks, de canons, de munitions, de véhicules, de carburant, quand ce n'est pas de moral !

Comme le dira plus tard un officier japonais "nous étions tous très amers envers les Russes pour avoir attaqué maintenant. C'était tellement injuste ! Nous avions été obligés d'envoyer tant d'hommes sur d'autres fronts du Pacifique. C'était comme des cambrioleurs pénétrant par effraction dans une maison vide" (1)

(1) Hastings, op cit


mercredi 12 novembre 2025

9087 - le coup de poignard dans le dos

… Moscou, 8 aout 1945

"Lorsque Sato entra dans le bureau du ministre des Affaires étrangères, Molotov balaya directement ses salutations, l’invita à s'asseoir et lui lut à haute voix les termes de la déclaration de guerre de son pays.

Comme le Japon avait rejeté la déclaration de Potsdam, lui déclara le Russe, "les Alliés ont approché l'Union soviétique avec la proposition de se joindre à eux contre l'agression japonaise et ainsi de raccourcir la durée de la guerre, de réduire le nombre de victimes et d'aider au prompt rétablissement de la paix mondiale. La Russie a accepté les propositions alliées afin de sauver le peuple japonais de la même destruction que l'Allemagne a déjà subie".

Moins d'une heure plus tard, Molotov informa les ambassadeurs britannique et américain que, conformément à ses obligations, son pays avait déclaré la guerre au Japon. 

Harriman, qui ne pouvait rien faire d’autre, lui exprima la gratitude et le satisfaction des États-Unis,

Quelques heures plus tard, peu de temps après que Truman, à Washington, eut entendu la nouvelle de l’offensive soviétique, Bock’s Car décollait de Tinian pour Nagasaki" (1)

Aujourd’hui encore, pour les Japonais, la déclaration de guerre soviétique du 08 août 1945 est le jour du coup de poignard dans le dos

On n’est jamais trahi que par les siens…

(1) Hastings op cit

mardi 11 novembre 2025

9086 - ne pas rater le coche

Staline et Truman, à Potsdam : une part du butin japonais en échange de la guerre

… Moscou, 08 août 1945

Si les responsables japonais, à commencer par l’Empereur, agissaient rapidement, contactaient directement les Américains, acceptaient immédiatement la "Capitulation sans condition" qu’ils exigent, ils pourraient encore sauver les habitants de Nagasaki.

Mais conformément à leur habitude depuis de trop nombreux mois, ils se contentent de procrastiner en silence et, au bout du compte de contacter leurs "amis russes" dans le fol espoir que ceux-ci intercèdent en leur faveur auprès des Américains, et finissent par leur arracher l’une ou l’autre concession.

Or les Russes sont en réalité plus que jamais décidés à leur déclarer la guerre !

A Potsdam, en échange d’une solide part de butin japonais, Staline a en effet garanti à Truman qu’il déclarerait la guerre au Japon "à la mi-août", mais après Hiroshima, après cette destruction inédite et d’une ampleur jamais vue auparavant, les Japonais risquent à présent de vouloir jeter l’éponge !

Et comment Staline obtiendrait-il ce qui lui a été promis si la guerre se termine AVANT que l’URSS n’y ait joué la moindre rôle ?

Alors dans la soirée du 08 aout, quand l’ambassadeur Sato se présente une fois de plus chez le ministre Molotov, les choses ne se passent exactement comme le Japonais l’espérait…

lundi 10 novembre 2025

9085 - ce n'est pas encore pour tout de suite

… et pourtant non, ce n'est pas encore pour tout de suite !

Car loin de pousser les responsables japonais à immédiatement accepter la "Capitulation sans condition" qu’on exige d’eux depuis près deux ans, les nouvelles en provenance d’Hiroshima semblent au contraire les inciter… à se montrer plus inflexibles encore !

"L’Empereur et le Premier ministre n'apprirent le bombardement qu'au bout de quelques heures. Les premiers rapports faisaient état de "la destruction complète d'Hiroshima et de dégâts indescriptibles infligés par une bombe d'une efficacité inhabituellement élevée".

Un officier supérieur au moins devina immédiatement qu'il s'agissait d'un engin atomique, comme cela fut bientôt confirmé par l’interception des émissions de radio américaines. D’autres commandants de l'armée demeuraient néanmoins sceptiques et ne voyaient dans ces nouvelles rien pour adoucir leur implacable opposition à la reddition.

Le général Anami, Ministre de la guerre, reconnut en privé qu'il s'agissait d'une attaque nucléaire et envoya une équipe d'enquêteurs à Hiroshima. Il réclama toutefois que le gouvernement ne prenne aucune mesure avant d'avoir entendu son rapport, qui ne serait pas disponible avant deux jours"

(…) "Le Ministre des Affaires étrangères Togo envoya un message à l'ambassadeur Sato à Moscou, pour réclamer des éclaircissements urgents quant à l'attitude soviétique. Togo se rendit ensuite au palais impérial le matin du 8 août. Hirohito lui déclara que, vu ces nouvelles circonstances, "Mon souhait est de prendre les dispositions nécessaires pour mettre fin à la guerre dès que possible".

Togo fut invité à transmettre ce message au Premier ministre Suzuki. Mais même en cet instant, l’empereur demeurait vague sur ces intentions. Il n’était certainement pas disposé à endosser l'acceptation immédiate des conditions de Potsdam" (1)

(1) Hastings, op cit

dimanche 9 novembre 2025

9084 - une chance pour que la guerre soit bientôt terminée

… Côtes du Japon, 07 aout 1945

Et cette question, les aviateurs et marins de la British Pacific Fleet comme de la 3ème Flotte américaine se la posent également !

"Le 7 août, la flotte [britannique] apprit la nouvelle de la bombe larguée sur Hiroshima. Seuls quelques hommes sur le théâtre des opérations du Pacifique connaissaient la véritable nature de l'arme, mais il semble y avoir eu quelques suppositions judicieuses au sein de la flotte. 

L'amiral Rawlings rapporta que la théorie de l'énergie atomique suscita de nombreuses spéculations et de nombreuses dissertations de la part de tous. Pour la première fois, les hommes de la flotte s’éloignèrent de la guerre et aperçurent des premiers signes de la paix. 

L'absence de résistance aérienne ennemie au-dessus du Japon donna peut-être aux équipages [des aéronefs] l'impression que tout était presque fini, mais les autres [les marins] estimaient encore qu'une guerre longue et difficile les attendait. 

Les Japonais, après tout, avaient résisté au-delà du raisonnable sur les îles du Pacifique central et à Okinawa. Que feraient-ils sur leur propre territoire ? 

Maintenant, toutefois, il y avait une chance que la guerre soit bientôt terminée" (1)

(1) Winton, op cit, pp 427-428

samedi 8 novembre 2025

9083 - "Cela signifie-t-il que nous pouvons rentrer chez nous maintenant ?"

… croiseur USS Augusta, Atlantique Nord

Aujourd’hui, bien sûr, ces images d’horreur nous amènent à ne considérer le bombardement d’Hiroshima - en attendant celui de Nagasaki - que sous l’angle exclusif d’un effroyable "Crime de Guerre", dont les auteurs et commanditaires auraient dû être impitoyablement poursuivis par la "Cour Pénale Internationale".

Mais ne versons pas dans l'anachronisme, puisqu’à l’époque, personne ou presque, qu’il soit Américain ou non, civil ou militaire, haut responsable ou simple quidam, ne trouve quoi que ce soit à y redire,... et le Président Truman moins que tout autre !

"Truman reçut la nouvelle à bord de l’Augusta, à quatre jours des côtes britanniques lors de son retour de Potsdam, et alors qu'il déjeunait avec des membres de l'équipage du croiseur : "Grosse bombe larguée sur Hiroshima le 5 août à 19h15. heure de Washington. Les premiers rapports indiquent un succès complet et encore plus grand que le test précédent".

Rayonnant, le Président se leva d'un bond et dit au commandant de l’Augusta : "Capitaine, c'est la plus grande chose qui soit arrivée dans l’Histoire" (…) "Nous venons de larguer une nouvelle bombe sur le Japon qui a plus de puissance que 20 000 tonnes de TNT. C’est un succès retentissant !"

La joie du président n'était apparemment pas entachée par la douleur ou le doute. Il exultait simplement d’un sentiment de triomphe national. Il s’agissait là d’une démonstration éclatante des limites de sa propre compréhension de ce qui s’était réellement passé. 

Les marins se rassemblèrent autour du Président, posant la question également sur les lèvres de millions de soldats, marins et aviateurs alliés à travers le monde : "Cela signifie-t-il que nous pouvons rentrer chez nous maintenant ?" (1)

(1) Hastings, op cit