... A Tanger, le 6 novembre 1904, l'escadre russe envoyée à la rescousse de Port Arthur, se scinde en deux. Les plus petits navires, croiseurs et torpilleurs, empruntent le Canal de Suez.Mais celui-ci étant jugé trop étroit pour les cuirassés, ces derniers n'ont alors d'autre choix que contourner toute l'Afrique avant de gagner Madagascar, où l'escadre doit se regrouper.
Avec le recul, on se dit qu'il aurait finalement été préférable de risquer l'échouage dans le Canal plutôt que d'obliger marins et navires à entreprendre pareil contournement, qui allait durer plusieurs semaines
Il est difficile aujourd'hui de se représenter le calvaire des équipages, et en particulier des soutiers, contraints d'enfourner des heures durant des pelletées de charbon dans les chaudières, sous une chaleur infernale, puis de se traîner à demi-morts d'épuisement jusqu'aux ponts supérieurs pour tenter d'aspirer quelques goulées d'air pur.
Jour après jour, semaine après semaine, les navires russes descendent donc vers le Sud, avec une lenteur désespérante, et toujours avec cette crainte de rater le rendez-vous prévu avec les charbonniers allemands, et de tomber à court de combustible.
Et il y a ces maudits sacs de charbon, qu'il faut sans cesse transborder d'un navire à l'autre, qui vous brisent le dos, qui deviennent un obsession, une hantise, un cauchemar qui vous poursuit même la nuit, lorsque vous essayez en vain de dormir dans les dortoirs, cabines, ou entreponts surchauffés de navires qui, prévus pour combattre en Baltique, n'ont jamais été conçus pour les longues croisières ou les climats tropicaux...
2 commentaires:
Bonjour, votre évocation de la guerre russo japonaise est assez synthétique, et fait bien ressortir les faits essentiels, cependant , il faudrait dire un mot du jeu diplomatico-militaire des anglais:
Ils ont tout fait pour retarder la flotte russe par des pressions sur les gouvernements français, espagnols , portugais (ravitaillement de la flotte russe dans las colonies d'afrique)
Craignant la puissance de l'Ours russe en Baltique et connaissant son appétit pour l'accès aux mers chaudes et aux colonies, ils ont tout fait (en sous main , hypocritement) pour défendre leurs intérêts impérialistes.
S'ils n'ont pas crée l'incident du dogger Bank, ils l'ont surabondamment exploité, bloquant ainsi la flotte russe un mois entier en rade de Vigo en Espagne
Petit détail: A cette époque les compagnies commerciales faisant la ligne d'Extrême Orient (La Peninsular and Oriental britannique, la Holt Blue funnel Line chez les anglais ou les Messageries Maritimes françaises embauchaient des soutiers indigènes ( Lascars de Ceylan, , Chinois, malais, annamites, noirs d'afrique occidentale Française...etc ) pour tout le service (ou l'eclavage) au delà de Suez...Bien entendu c'était une question de paye (pas de syndicats pas de grèves, salaires de misère pour le "black gang") mais aussi question d'acclimatation: les soutiers européens perdaient toute espèce de rendement dans la fournaise de la Mer Rouge.
Ca n'aurait pas coûté grand chose au trésor du Tsar de recruter quelques centaines de ces "damnés de la Terre" (ou de la mer, comme on voudra), le temps d'aller de Suez ou de Tanger à Malacca mais je suppose que la marine impériale russe (qui recrutait souvent des moujiks sans la moindre expérience maritime en guise de matelots) devait avoir de solides préjugés aristocratiques et racistes .
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