jeudi 29 octobre 2020

6546 - "les choses paraissent plus claires quand on les examine de plus loin"

 

Prisonniers allemands et soldats soviétiques près de Moscou, 27 décembre 1941

... Wolfsschanze, 20 décembre 1941

En ces derniers jours de 1941, aucun chef d'État ne cumule autant de pouvoir qu'Adolf Hitler.

A la lumière de ses échecs lors des premières semaines de la guerre, le tout aussi autocratique Joseph Staline, a lui-même prudemment délégué le commandement opérationnel de l’Armée à de véritables officiers d'État-major, comme Joukov, et se contente depuis lors de tracer les grandes lignes des opérations, et d'assumer la direction politique du pays.

En soi, et contrairement à une opinion aujourd'hui largement répandue, Hitler n’est pas - rappelons-le - totalement dénué de flair ou de talent militaire, mais il ne peut tout assumer en même temps, et ne comprend du reste pas grand-chose aux réalités du terrain, considérant au contraire que tous les obstacles peuvent être abattus par le seul "triomphe de la volonté".

Dans une telle logique, il n’est évidemment plus question d’une retraite : "La volonté fanatique de défendre le sol sur lequel se tiennent les troupes doit être insufflée aux hommes, y compris par les moyens les plus rudes", écrit-il le 20 décembre. "La retraite de Napoléon dont on parle menace de devenir réalité. Il ne doit donc y avoir de retrait que lorsqu'une position est préparée à l'arrière".

Et lorsqu'il n'existe d'autre solution que le repli, Hitler reprend alors à son compte la logique stalinienne de la terre brûlée. "Chaque morceau de territoire que l'on est contraint d'abandonner à l'ennemi doit être rendu autant que possible inutilisable. Chaque habitation doit être incendiée et détruite sans considération pour la population afin de priver l'ennemi de tout abri possible" (1)

A Guderian qui le supplie d'autoriser le retrait de la IIème Armée panzer menacée d'encerclement, Hitler réplique que les hommes n’ont qu'à creuser des trous et tenir chaque mètre de terrain.

Lorsque Guderian lui demande comment creuser des trous dans un sol gelé jusqu'à 1,5 mètres de profondeur (!), Hitler déclare qu'ils n’ont qu'à faire des cratères avec des obus, comme dans les Flandres, lors de la Première Guerre mondiale, et lorsque ce même Guderian lui fait observer que le sol des Flandres, en hiver, n’est en rien comparable à celui de la Russie, Hitler se contente de lui conseiller de "prendre davantage de recul" car "les choses paraissent plus claires quand on les examine de plus loin" (2)

De toute manière, six jours plus tard, Guderian est lui aussi limogé - ce ne sera pas la dernière fois - tout comme, dans les semaines qui vont, les généraux Förster, von Sponeck, Hoepner ou encore von Leeb...

(1) Kershaw, pp 664-665
(2) ibid, page 666

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