jeudi 24 juin 2004

473 - "ce beau kitsch qui réside en l'homme allemand"

... "Zarah Leander touchait un point de l'âme allemande, ce beau kitsch, l'âme kitsch qui réside en l'homme allemand. Et elle a tourné des films monstrueusement kitsch"

Et de fait, l'on chercherait en vain un quelconque message politique, et a fortiori une glorification du nazisme, dans la dizaine de films que Zarah tourna pour la UFA.

Le premier d'entre eux, "Paramatta, bagne de femmes", réalisé en 1937 par Detlef Sierk (le futur Douglas Sirk), résume à lui seul le ton, et le rôle dévolu à Zarah Leander par la propagande nazie : celui d'une artiste simplement chargée de divertir les foules et de leur faire oublier guerre et privations le temps d'un film.

Dans Paramatta, Zarah joue le rôle d'une femme qui, afin de sauver la réputation de son amant, se laisse condamner et envoyer en prison pour une escroquerie qu'il a lui-même commis.

Par la suite, tous les films de Zarah respecteront le même canevas totalement apolitique. Zarah sera tour à tour chanteuse, meneuse de revue, star de cinéma, cantatrice ou, comme dans "Marie Stuart,"reine malheureuse en amour mais douée pour le chant.

Tout était prétexte à exhibition de costumes et à étalage d'une opulence qui faisait de plus en plus défaut en Allemagne. Et comme il fallait remplacer le rêve hollywoodien, désormais interdit, dans le coeur des Allemands, les moments forts de ces films furent, dans la plus pure tradition des comédies musicales américaines, les passages chantés par Zarah elle-même.

Aussi kitsch qu'ils pouvaient être, les films de Zarah draînèrent des millions de spectateurs dans toute l'Europe, et ses chansons, comme "Le monde ne disparaîtra pas pour autant" furent de gigantesques succès, que ne renieraient pas les Madonna et Jennifer Lopez actuelles...

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Bonjour...excellent panoramique de l'histoire vu par le petit bout de la lorgnette...et qui montre que le cinéma et le divertissement (le nouvel "opium du Peuple", le pain et les jeux du cirque version XX° siècle) sont une arme très sérieuse.
Dans le même ordre d'idées, Mussolini et son fils Vittorio s'impliquèrent énormément dans le cinéma (création des studios de Cinecitta, du festival de venise et du Cinevillagio, les studios vénitiens, ainsi que de la grosse machine de films d'actu/ propagande , l'insttituto Luce) . Le tout était coiffé par un ministère de la propagande (MINCULPOP ou Ministère de la Culture Populaire, on est en plein dans le 1984 d'Orwell) confié à un fasciste rabique et extrémiste (mais néanmoins cultivé et issu de la haute société florentine) Alessandro Pavolini, qui affichait sa liaison avec une actrice italienne dotée d'un corps de déesse (Doris Duranti, qui fut une des toutes premières à montrer sa-très belle- poitrineau cinéma..

Hollywood aussi a fonctionné comme machine de propagande (même Disney et Tex avery ont contribué pour des films d'instruction des troupes comme Le soldat SNAFU) ...je pense qu'il y aurait là un thème à exploiter pour votre blog: le xdécalage entre les réalités de la guerre et leur image (ou absence de) dans les films d'actu de l'époque. L'historien Marc Ferro (lui même ancien maquisard en Savoie) s'était livré à ce genre de décodage sur la chaine ARTE et c'était passionnant.