... en janvier 1933, la droite traditionnelle allemande constituait un véritable bottin mondain d’aristocrates, de grands bourgeois, de banquiers, d’industriels et d’intellectuels, tous convaincus de pouvoir ne faire qu’une bouchée de ce fils de paysans autrichiens, de cet obscur caporal de 1914, de cet arriviste nommé Adolf Hitler.
Mais ces gens si intelligents avaient gravement sous-estimé l’intelligence, et le sens tactique, du petit caporal qui, loin de se
laisser manœuvrer par eux, les manoeuvrait en réalité depuis des années.
Trois ans plus tôt, devant un tribunal de Leipzig, Hitler avait affirmé sur l’honneur que le NSDAP ne cherchait pas à parvenir au Pouvoir par des voies illégales. Maintenant qu’il y était parvenu par des moyens légaux, à défaut d’être légitimes, il pouvait, sans se parjurer, faire remarquer qu’au fond, il n’avait jamais promis d’y rester légalement une fois qu’il y serait parvenu...
L’incendie du Reichstag, le 27 février 1933, allait constituer l’ultime coup de pouce du Destin. Immédiatement attribué à un complot communiste, mais sans la moindre preuve, il permit à Hitler de suspendre dès le lendemain, par un décret "Pour la défense du Peuple et de l’État", toutes les libertés fondamentales, tandis que s’organisait la chasse aux communistes et à tous les opposants de gauche.
Beaucoup ont prétendu par la suite, mais sans apporter davantage de preuves, que cet incendie "communiste" avait en réalité été allumé, sinon commandité, par les nazis eux-mêmes.
Geste isolé ou complot savamment orchestré, de gauche ou de droite, d’un déséquilibré ou d’un saboteur, l’incendie du Reischstag fut en tout cas l’acte fondateur du Troisième Reich, celui qui fit voler en éclats les plans de la droite traditionnelle, celui qui rendit tout le reste possible.
Organisées dans la foulée de l’incendie, les élections du 5 mars propulsèrent le parti nazi à 44% des suffrages,... et légitimèrent a posteriori son décret liberticide. Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, ce type de légitimation après coup de force devint la marque de fabrique du régime.
Le 10 mars, les Nazis étaient maîtres de tous les Länder qu’ils ne contrôlaient pas encore. Le 20 mars, Heinrich Himmler annonça la création du premier camp de concentration, à Dachau.
Trois jours plus tard, réuni en séance extraordinaire, le Reichstag vota les pleins pouvoirs à Hitler pour quatre ans.
Il allait en profiter au-delà de toute attente...
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