jeudi 11 septembre 2003

185 - faire la guerre sans la faire

... En septembre 1939, la tactique militaire française se résumait en une phrase - gagner du temps par tous les moyens possible - et une méthode - ne rien faire qui risquerait de provoquer les forces armées allemandes, dont on craignait par dessus tout une réaction brutale.

Pour étrange qu'elle puisse paraître, cette manière de faire la guerre sans la faire n'était pas dénuée de bon sens : chacun se disait que l'effort de réarmement (qui avait commencé bien plus tard qu'en Allemagne) ainsi que les très importantes commandes passées aux États-Unis finiraient bien par rétablir l'équilibre des forces.

Pas question donc de réveiller l'ogre allemand en attaquant ses villes. Du reste, l'aurait-on voulu qu'on n'en avait de toute manière pas les moyens : les antiques Amiot 143, véritables cathédrales volantes, constituait encore l'ossature du bombardement français en 1940, et tout au plus pouvait-on leur demander de bombarder les villes allemandes, de nuit, avec des... tracts (!)

Mais si elle était économique, cette manière de ne pas combattre n'allait pas sans démoraliser les troupes, pour qui la "drôle de guerre" avait depuis longtemps cessé d'être risible pour devenir simplement grotesque

"Les équipages des Amiot qui survolaient l'Allemagne de nuit [ils étaient trop vulnérables de jour] devaient franchir la frontière à 4000 m, puis plonger à l'altitude d'observation, si possible en dessous de 500 m [on se demande ce qu'ils pouvaient bien observer à cette altitude] ; interdiction leur était faite d'employer leurs armes, sinon pour se défendre. Ils n'emportaient pas de bombes, mais des tracts, tandis que la Flak tirait contre eux des obus véritables. Les rencontres avec l'ennemi taient, de toute façon, rares

(...) Le II/38 n'accomplit sa première mission de guerre au dessus de l'Allemagne que le 21 novembre [à cette date, la Pologne avait déjà
cessé d'exister] : une très longue reconnaissance (...) à 6 000 m
d'altitude. Audineau jugea sévèrement (...) qu'à cette altitude,
l'équipage, certes hors de portée des Allemands, n'avait rien pu observer

(...) Au II/34, en décembre, une seule reconnaissance sur l'Allemagne eut lieu de nuit, accompagnée d'un lâcher de tracts : des messages ou des encycliques du Pape, des plaisanteries sur Hitler (...) 700 kg de papier, 200 000 feuilles imprimées par avion.

Il y eut beaucoup de missions de ce genre. En Allemagne, malgré le couvre-feu, les usines en pleine activité restaient visibles : les équipages, la rage au coeur, lâchaient leurs bouts de papier qui ne servaient à rien sur des bâtiments où, par les lueurs qui filtraient des verrières, ils devinaient l'ennemi fourbissant ses armes. Certains oubliaient de couper la ficelle des paquets, d'autres y ajoutaient des pierres. Ils faisaient leur guerre

(...) à cette époque, s'il avait fallu, malgré tout, affronter les armées allemandes, les stocks de bombes n'auraient pas permis de combattre bien longtemps. Ce n'était après tout qu'un détail, puisque, de toute façon, il n'y avait pas d'avions pour les porter"
(Le Fana de l'Aviation 332, juillet 1997)

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