mercredi 31 janvier 2024

7816 - provoquer la tempête

... dépendamment de la nature de la cible (ville ancienne ou nouvelle, constructions en bois, en pierres ou en briques, densité de population, etc.), on utilisera également différentes compositions chimiques, et différents dosages de bombes incendiaires et explosives.

A l'empirisme de la Légion Condor, qui en 1936 a déjà lancé des bidons simplement remplis d'un mélange d'huile et d'essence - lointain ancêtre du napalm - sur des villes et villages espagnols, va ainsi répliquer  la recherche et l'expérimentation des scientifiques britanniques, qui feront grand usage de phosphore, de produits chimiques corrosifs, et de méthanol.

La pyromanie guerrière n'est pas encore une science exacte, mais ce n'est déjà plus de l'artisanat d'amateurs : jour et nuit, des techniciens vont ainsi se pencher sur les cartes d'Allemagne et éplucher les dossiers des compagnies d'assurances qui datent de l’avant-guerre, comparant les habitats, réfléchissant et testant de nouveaux mélanges dont le but ultime est de provoquer l'apparition d'une "tempête de feu", comme celles qui vont bientôt engloutir Hambourg ou Dresde, et forcer finalement le Ministre allemand de la Propagande, Joseph Goebbels, à écrire, devant l'ampleur des destructions que rien n'a pu arrêter - les températures ayant allègrement dépassé les mille degrés - qu'il s'agissait "d'une catastrophe devant laquelle recule l'imagination".

Sans surprise, ce sont les villes allemandes anciennes, à l'habitat très resserré, et construites en bois, qui brûlent le mieux. Mais si le feu adore les greniers, les poutres centenaires et les rues étroites, et renâcle devant le béton, les banlieues et les larges avenues, il conserve et conservera toujours sa part de magie, laquelle va précisément faire le désespoir des sorciers britanniques, qui ne parviendront jamais à comprendre pourquoi Berlin brûle aussi mal malgré tous les incendies qu’ils s’ingénient à y allumer.

Berlin se fut-il avéré aussi combustible que Cologne ou Hambourg, la Seconde Guerre mondiale eut sans doute pris une tournure différente, et peut-être duré moins longtemps.

Ce ne fut hélas pas le cas...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour!
Votre blog m'apprend que les chercheurs anglais ont méthodiquement exploré toutes les méthodes de déclenchement d'incendies, y compris en allant fouiner dans les archives des assureurs (les Lloyds, qui sont non pas un assureur mais une bourse aux assurances doublée d'une structure de réassurance c'est à Londres et pas ailleurs)...il fallait y penser.

Dans le bouquin de RV Jones,le conseiller scientifique de Churchill, il prétend que la tempête de feu sur Hambourg a été déclenchée "inadvertedly" c.a.d. par inadvertance (genre ooouuups, on n'avait pas cherché ce résultat) ...en fait non, et ce scientifique pourtant sérieux (même s'il avait ses côtés blagueurs) est ici pris en flagrant délit de mensonge ou de déni de réalité.

Un proverbe corse prétend qu'à combattre les tordus on devient encore plus tordu qu'eux...triste constat!

Anonyme a dit...

Bonjour,
bravo pour ce blog...à la toute fin de la guerre, il y a eu un début de remise en question (ou de prise de conscience) de la part des alliés, en particulier à propos de Dresde où certains chefs anglais ont émis quelques tardifs doutes et regrets à propos des méthodes de Bomber -ou Butcher- Harris et de son adjoint.

La guerre était quasi gagnée, et Churchill lui même a exprimé quelques doutes (La ville de Dresde était une splendide ville médiévale, étape obligée du "Grand Tour" , le tour d'Europe des villes d'art que s'offraient les jeunes aristocrates dorés sur tranche entre leur sortie d'Oxford/Cambridge et leur entrée dans la banque ou l'usine de papa).

L'auteur de Catch 22 , l'aviateur Joseph Heller (mitrailleur bombardier sur B25, une centaine de missions de bombardement sur l'italie en 44-45) a écrit une pièce de théâtre intitulée We bombed in New-Heaven à fortes résonances pacifistes (Cette pièce et Catch 22 ont été écrits longtemps après la fin de la guerre, dans le contexte de la guerre de corée et de la Guerre froide et ont eu beaucoup de résonance au moment de la Guerre du Vietnam)....

Ce qui n'a pas empêché les américains d'user et abuser du napalm et des défoliants ultra toxiques , comme s'ils considéraient les vietnamiens comme des sous-hommes...et communistes par dessus le marché.