samedi 13 janvier 2024

7798 - "Je ne considère personnellement pas que l'ensemble des villes restantes d'Allemagne valent les os d'un seul grenadier britannique"

Arthur Harris et le Bombardement de zone : un homme et une doctrine résumés en une image...
... on pourra toujours dire que toutes les villes allemandes - et le fait ne saurait être contesté - hébergent nécessairement l’une ou l’autre usine, raffinerie, infrastructure, poste de commandement, caserne, ou encore dépôt d’armes et de munitions plus ou moins utiles à l’effort de guerre, et donc constituant autant d’objectifs militaires "légitimes"; on pourra ajouter qu’il était tout simplement impossible avec les avions, les bombes et la technologie de l’époque, de frapper exclusivement ceux-ci sans jamais atteindre ce qui se trouvait autour, et en particulier les quartiers ouvriers; et on pourra, enfin, souligner qu’en pratique, la population  allemande n’avait pas grand-chose de "civile" puisqu’elle était bel et bien embrigadée dans l’une ou l’autre milice, fabriquait jour après après jour, nuit après nuit, des armes qui servaient à prolonger la guerre, creusait des tranchées, nourrissait et soignait les soldats, ou encore renseignait les autorités sur les déserteurs mais aussi les "saboteurs" et autres "défaitistes" qui se prenaient à douter du génie de leur Führer et auraient préféré hisser immédiatement le drapeau blanc plutôt que de voir une bombe incendiaire britannique s’abattre à proximité de leur maison.

On pourra toujours dire cela, et même bien plus encore, mais le fait demeure que l’Area Bombing Directive de février 1942 donne bel et bien à Harris non seulement le droit, mais aussi l’instruction formelle de raser des villes entières, et d’engloutir des dizaines et au besoin des centaines de milliers de personnes dans les flammes et les explosions avec, une fois encore, cette idée directement empruntée à Douhet selon laquelle, en agissant de la sorte, on portera irrémédiablement atteinte au moral de la population allemande et à sa volonté de poursuivre la lutte, et qu’on l’incitera à se rebeller contre le régime, abrégeant ainsi la guerre et, en définitive - et c’est là toute la beauté du paradoxe - ... en minimisant ainsi le nombre total de morts !

Harris, en tout cas, ne doute pas une seconde de la légitimité de sa mission. "Les Nazis", déclare-t-il, "sont entrés dans cette guerre avec l'illusion enfantine qu'ils allaient bombarder tout le monde, mais que personne ne les bombarderait. À Rotterdam, Londres, Varsovie, et dans une cinquantaine d'autres endroits, ils ont mis leur théorie naïve en application. Qui sème le vent récolte la tempête"

Et même à la toute fin de la guerre, alors que la victoire sur l’Allemagne était déjà assurée et seulement l’affaire de quelques jours ou au maximum de quelques semaines, le même Harris aura encore le mérite de la franchise, en soulignant que "les attaques contre les villes, comme tout autre acte de guerre, sont intolérables à moins qu'elles ne soient stratégiquement justifiées. Mais elles sont stratégiquement justifiées dans la mesure où elles tendent à abréger la guerre et à préserver la vie des soldats alliés. À mon sens, nous n'avons absolument pas le droit d'y renoncer à moins d'être certains qu’elles n'auront pas cet effet. Je ne considère personnellement pas que l'ensemble des villes restantes d'Allemagne valent les os d'un seul grenadier britannique"...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Il n'y a pas que l'Allemagne!

Au port du Havre il y a eu 6000 tonnes de bombes jetées sur cette magnifique ville en partie médiévale (aujourd'hui c'est une ville en béton fonctionnelle mais très "soviétique années 50 même si agréable à vivre).

Le commandant allemand de la place du Havre avait proposé de laisser évacuer les civils, ses troupes étaient en périphérie, sur les falaises , les anglais ont refusé ...et employé des gros tonnages de bombes incendiaires ...

Lors de la Libération du Havre l'accueil a été glacial (il était question de "Libérat..U..eurs") et d'aucuns se sont demandés si les anglais ne cherchaient pas avant tout à donner à leurs ports comme Southampton une longueur d'avance pour la compétition économique de l'Après Guerre...

Rouen a beaucoup écopé , comme Saint lô , Coutances et surtout Caen...mais là il y avait des combats au sol qui conditionnaient la progression des alliés

Anonyme a dit...

Bonjour et complimentspour ce blog...
Quand ils le voulaient , les anglais savaient monter des opérations précises et ciblées (avec des résultats allant du mitigé au presque réussi).


La tentative sur les barrages est hors concours (bombe très spéciale, escadrille d'élite et lourdes pertes, cible bien précise) mais la plupart des opérations Tallboy (Le Tirpitz et les bunkers d'armes miracles du nord de la France relèvent d'une logique "chirurgicale.

L'opération Hydra (la destruction (pas complètement réussie) du centre d'essai des fusées de Peenemunde a toutes les apparences d'un "tapis de bombes" à la Harris , sauf qu'il a été fait un abondant usage des renseignements venus des travailleurs forcés logés sur place (qui seront d'ailleurs exterminés par erreur), sauf que les anglais ont fini par se décider à brouiller les radars allemands avec des paillettes"window" (qu'ils gardaient en réserve par peur que les allemands ne s'y mettent aussi), sauf que des unités d'élite ont balisé les points principaux avec des feux de bengale colorés (il y a eu un petit loupé qui a sauvé une partie du site de production)...et au totl, ils ont obtenu un beau succès

Les Tapis de bombes sur les villes c'était la triste routine, le truc qui était fait "faute de mieux" et d'ailleurs dans le jargon de l'Etat Major c'étaient des "Panacea targets" des cibles à tout faire...

Les américains avaient été plus entreprenants avec leur idée de cibler les usines dde roulements à billes...mais ils n'avaient pas prévu le déménagement dan des usines souterraines.