"Nous pouvions sentir le camp à des kilomètres à la ronde..." |
Et très vite, les deux hommes reprochent à Eberl non pas d'avoir tué trop de Juifs - ni même d'avoir carrément pulvérisé tous les records de cette discipline - mais bien de l'avoir fait de manière "désordonnée" et "incorrecte", et en particulier de ne pas s'être préoccupé des biens et effets personnels des Juifs assassinés, dès lors laissés à l'abandon et à la merci des éléments comme des gardiens ukrainiens.
"Au cours de cette conversation" racontera un témoin, "Globocnik a dit que si le Dr Eberl n'était pas son compatriote, il l'arrêterait et le ferait comparaître devant une cour de la SS et de la police. Eberl fut limogé (3), et les convois à destination de Treblinka temporairement suspendus. Un nouveau commandant, Franz Stangl, qui avait précédemment travaillé avec Wirth et se trouvait alors à Sobibor, fut chargé de remettre de l'ordre".
"Nous pouvions", déclarera Stangl lors de son procès en 1970 (4), "sentir le camp à des kilomètres à la ronde (...) nous avons vu des cadavres près des rails au début deux ou trois puis jusqu'à des centaines quand nous arrivâmes près de la gare" (...) "ils sont évidemment restés là dans la chaleur des jours et des jours; à la gare il y avait un train rempli de Juifs certains vivants, les autres morts, on aurait pu croire qu'ils étaient là depuis des lustres"
(...) il y avait des milliers de cadavres en décomposition; dans les bois à quelques centaines de mètres derrière les barbelés, il y avait des tentes, des feux de camp allumés et autour des gardes ukrainiens qui buvaient, dansaient, s'amusaient, jouaient de la musique avec des filles de joie polonaises. Docteur Eberl me fit visiter le camp, on tirait des coups de feu partout".
(1) Christian Wirth fut tué le 26 mai 1944 dans un combat contre des partisans slovènes
(2) Odilo Globocnik se suicida le 31 mai 1945 après sa capture par des soldats britanniques
(3) ayant terminé la guerre dans l'anonymat Irmfried Eberl tenta par la suite de reprendre son métier de médecin psychiatre mais fut arrêté en janvier 1948 et se suicida dans sa cellule le 16 février, avant l'ouverture de son procès
(4) réfugié au Brésil après la guerre, Franz Stangl fut extradé en Allemagne en 1967. Condamné à perpétuité en 1970, il mourut d'un arrêt cardiaque le 28 juin 1971 à la prison de Düsseldorf
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