mardi 30 septembre 2014

4225 - les quinze de Wannsee

... en plus de Reinhard Heydrich (mort le 4 juin 1942 des suites d’un attentat), étaient présents à la Conférence de Wannsee :

* Josef Bühler, Secrétaire d’État au Gouvernement général de Pologne : exécuté par les autorités polonaises le 22 août 1948

* Adolf Eichmann, SS-Obersturmbannführer, Responsable du transport pour la déportation des Juifs : pendu à Jérusalem le 31 mai 1962

* Roland Freisler, Secrétaire d’État au Ministère de la Justice : tué dans un bombardement sur Berlin le 3 février 1945

* Otto Hoffmann, SS-Gruppenführer, chef du Bureau pour la Race et le Peuplement (RuSHA) : condamné à 25 ans de prison en 1948, libéré en 1954, mort le 31 décembre 1982

* Gerhard Klopfer, Secrétaire permanent à la Chancellerie du Parti : arrêté pour crimes de guerre mais relâché faute de preuves, mort le 29 janvier 1987

* Friedrich Wilhelm Kritzinger, Secrétaire permanent à la Chancellerie du Reich : témoin de l’Accusation au Procès de Nuremberg, mort le 25 avril 1947

* Rudolf Lange, SS-Sturmbannführer, chef de la SIPO et du SD pour la Lettonie : disparu le 23 février 1945 lors de la Bataille de Poznań, s’est probablement suicidé

* Georg Leibbrandt, Reichsamtleiter pour les territoires occupés de l’Est : emprisonné de 1945 à 1950, mort le 16 juin 1982

* Martin Luther, Sous-secrétaire aux Affaires étrangères : emprisonné pour trahison en 1944, libéré par les Soviétiques en 1945, mort d’une crise cardiaque le 13 mai 1945

* Alfred Meyer, Gauleiter et Secrétaire d’État pour les territoires occupés de l’Est : s’est suicidé sur la Weser le 11 avril 1945

* Heinrich Müller, SS-Gruppenführer, chef de la Gestapo : disparu à Berlin le 1er mai  1945, probablement tué dans les derniers combats pour la ville

* Erich Neumann, Secrétaire d’État au Plan de Quatre ans : arrêté en 1945, libéré pour raisons de santé en 1948, mort le 23 mars 1951

* Karl Eberhard Schöngarth, SS-Oberführer, chef de la SIPO et du SD pour le Gouvernement général de Pologne : pendu par les Britanniques le 16 mai 1946 à la prison de Hameln pour avoir assassiné un pilote allié abattu

* Wilhelm Stuckart, Secrétaire d’État au Ministère de l’Intérieur : arrêté en 1945, relâché en 1949, tué dans un accident de la route le 15 novembre 1953

lundi 29 septembre 2014

4224 - une belle réussite...

... pour les Britanniques du SOE, Anthropoïd sera également vu comme une belle réussite, et surtout une réussite de nature à faire taire - pour un temps - les critiques émanant du MI-6 rival.

Renforcé dans sa crédibilité, le SOE pourra donc continuer à mener ses opérations clandestines à travers toute l’Europe occupée, autrement dit, et comme le souhaitait Churchill, "à mettre l’Europe en flammes".

Néanmoins, après celui de Reinhard Heydrich, plus aucun assassinat d’un haut responsable nazi ne sera organisé sous son égide, signe que le coût humain d’Anthropoïd avait finalement été jugé disproportionné à l’égard du résultat obtenu…

Devenu inutile après la guerre, le SOE sera officiellement dissous le 30 juin 1946, et une bonne partie de son personnel reversée… au MI-6.

Hugh Dalton, qui avait créé le SOE en juillet 1940, décédera en février 1962, couvert d’honneurs et de louanges.

Autre "grand serviteur de l’État", Frank Nelson, qui avait dirigé ce même SOE depuis sa création, et décidé, avec František Moravec, de lancer Anthropoïd à l’automne 1941, n’était cependant plus là pour assister à sa réussite : malade  et épuisé, il avait en effet démissionné en mai 1942, un mois avant l’assassinat.

Il mourra le 11 août 1966.

dimanche 28 septembre 2014

4223 - à qui profite le crime...

... ayant rétabli sa crédibilité auprès des Alliés grâce à l’attentat contre Reinhard Heydrich et - il faut bien le dire - grâce à la sanglante répression qui lui avait fait suite, Edvard Beneš retrouvera son poste de Président de la République tchécoslovaque le 28 octobre 1945

Mais avant cela, il aura eu le temps de promulguer les infâmes "Décrets Beneš" - dont nous reparlerons un jour - qui, avec l’assentiment des grandes puissances, et particulièrement de la Grande-Bretagne, se traduiront par une véritable épuration ethnique de la Tchécoslovaquie : chassés de chez eux manu militari, plus de deux millions de germanophones des Sudètes, dont beaucoup périront en route, n’auront d’autre choix que de s’exiler en Allemagne de l’Ouest.

Beneš ne profitera cependant pas longtemps de sa Présidence recouvrée : en mauvaise santé, et ayant gravement sous-estimé la puissance du Parti Communiste Tchèque, ainsi que la volonté de Staline de faire passer la Tchécoslovaquie sous contrôle soviétique, il sera contraint à la démission le 7 juin 1948, et mourra le 3 septembre suivant.

Responsable du Renseignement au sein du gouvernement tchèque en exil, et principal instigateur de l’Opération Anthropoïd, František Moravec quittera lui aussi le confort de son exil londonien pour retourner en Tchécoslovaquie après la Capitulation allemande.

En 1948, après la prise de pouvoir par les communistes, et la démission forcée de Beneš, il jugera néanmoins plus sage de s’éclipser discrètement et de s’installer aux États-Unis, où cet éternel homme de l’ombre travaillera pour le Département de la Défense jusqu’à sa mort, le 26 juillet 1966.

Beneš et Moravec considéreront toujours l’assassinat d’Heydrich comme un grand succès - il n’est pas sûr que la population tchèque aurait exprimé la même opinion si quelqu’un avait eu l’idée de l’interroger par sondage…

samedi 27 septembre 2014

4222 - à tous les enfants victimes de la folie des adultes...

... Ata Moravec qui, pour sauver son père Alois, avait livré l’adresse de l’église Saint Cyrille et Méthode, sera exécuté peu après sa confession.

Déporté au camp de concentration de Mauthausen, Alois, qui ignorait l’implication de sa femme et de son fils au sein de la Résistance, lui survivra jusqu’au 24 octobre 1942.

Alfréd Bartoš, qui avait désespérément tenté de faire annuler l’assassinat de Reinhard Heydrich, deviendra une des nombreuses "victimes collatérales" des recherches allemandes entreprises à la suite de celui-ci : repéré puis poursuivi par des agents de la Gestapo, il n’aura d’autre choix que de se suicider dans une ruelle de Parduvice le 21 juin 1942.

Après l’arrestation de Vladimír Petřek, chapelain de Saint Cyrille et Méthode, l’évêque orthodoxe de Prague, Matěj Pavlík Gorazd écrira aux autorités allemandes une lettre dans laquelle il endossera la responsabilité de son chapelain : un beau geste mais une très mauvaise idée, qui lui vaudra d’être également arrêté, torturé, et finalement exécuté en compagnie de ce dernier, le 4 septembre 1942.

Autre "victime collatérale", et dernière petite amie en date de Jan Kubiš, Anna Nováková sera arrêtée par la Gestapo, et mourra elle aussi au camp de concentration de Mauthausen, de même que sa petite soeur Jindriska, qui, le 27 mai 1942, et à la demande de sa mère, était allée récupérer le vélo taché de sang que Kubiš avait fort maladroitement abandonné dans une ruelle.

Jindriska n'avait que 14 ans et toute la vie devant-elle.

Cette série d'articles lui est dédiée

A elle et à tous les enfants victimes de la folie des adultes...

vendredi 26 septembre 2014

4221 - renaître de ses cendres

... après avoir révélé aux agents de la Gestapo les informations après lesquelles ils couraient en vain depuis trois semaines, Karel Čurda empochera une récompense d’un million de Reichsmarks puis, par obligation plutôt que par choix, continuera de servir ses nouveaux maîtres jusqu’à la fin de la guerre.

Traqué par ses compatriotes, il sera finalement arrêté sous l’identité - allemande - de "Karl Jerhot", condamné pour trahison, puis pendu le 29 avril 1947.

Emil Hácha, Président fantoche du Protectorat de Bohème-Moravie, s’enfoncera toujours plus loin dans la voie de la Collaboration avec l’Allemagne nazie : arrêté par les Soviétiques, il décédera, dans des circonstances jamais élucidées, à l’infirmerie de la Prison de Pankrác, le 27 juin 1945.

Konrad Henlein, le "Führer des Sudètes" qui, pendant des années, avait milité pour le rattachement de cette région de la Tchécoslovaquie au Reich, et qui en était devenu Gauleiter en 1938, se rendra aux Américains mais, réalisant que ces derniers n’ont aucune intention - comme il l’espérait ô combien naïvement - de "respecter les accords de Munich", mais veulent au contraire le juger comme criminel de guerre, il se suicidera dans sa cellule le 10 mai 1945.

Horst Böhme, responsable du SD à Prague, et qui désigna le petit village de Lidice comme l’agneau du sacrifice, sera tué en avril 1945, lors des combats de Koenigsberg (aujourd’hui Kaliningrad)

Littéralement effacé du paysage en 1942, Lidice sera reconstruit après la guerre, sur un autre emplacement…

jeudi 25 septembre 2014

4220 - "quelque part dans la lande de Lüneburg"

… après la disparition de Reinhard Heydrich, dont il était à la fois le patron, le mentor, l’ami et le rival, Heinrich Himmler décidera d’assumer lui-même le commandement du RSHA jusqu’en décembre 1942, lorsqu’il le transférera, faute de mieux, à l’Autrichien Ernst Kaltenbrunner

Bien que quasi-sosie d’Heydrich au physique mais aussi sur le plan des idées et des principes, Kaltenbrunner ne bénéficiera pourtant jamais ni des pouvoirs ni de l’aura de ce dernier, dont il se contentera d'ailleurs de poursuivre les politiques.

Jugé et condamné à mort par le Tribunal International de Nuremberg, qui l’aura fait paraître bien fade, Kaltenbrunner sera pendu le 16 octobre 1946

Himmler n’aura pas plus de chance : après avoir fui Berlin menacé d’encerclement par les Soviétiques, et s’être fort naïvement demandé s’il devrait saluer ou simplement serrer la main d’Eisenhower lorsqu’il le rencontrerait pour signer une paix séparée (!), Himmler sera finalement capturé, sous une fausse identité, par les Britanniques, et se suicidera le 23 mai 1945, avant d’être formellement reconnu.

Le sort final de son cadavre, "enterré quelque part dans la lande de Lüneburg" demeure inconnu à ce jour….

mercredi 24 septembre 2014

4219 - zélé comme Eichmann

... protégé par Reinhard Heydrich tout au long de sa carrière, Adolf Eichmann sera lui aussi, et à sa manière, victime de l’assassinat de son chef, puisqu’il ne sera plus jamais promu par la suite.

En tant qu’"Administrateur du Transport", c’est néanmoins lui qui, jusqu’à la toute fin de la guerre, se chargera d’organiser la déportation des juifs et autres "ennemis du Reich" vers les camps de la Mort, comme le lui avait ordonné Heydrich après la Conférence de Wannsee, en janvier 1942

Il y mettra d’ailleurs un point d’honneur, et même un enthousiasme et un zèle difficilement compréhensibles pour tout esprit rationnel : en novembre 1944, alors que chacun sait pourtant la guerre perdue et qu’Himmler, chef suprême de la SS, lui a pourtant personnellement ordonné d’arrêter les déportations dans l’espoir de parvenir à un arrangement avec les anglo-américains, Eichmann décidera… de désobéir et de poursuivre frénétiquement celles-ci jusqu’à la Capitulation allemande !

Après avoir vécu quelque temps en Allemagne sous un fausse identité, Eichmann parviendra à fuir en Argentine à l’été 1950, mais repéré, puis enlevé par un commando israélien dix ans plus tard, cet homme qui, selon ses propres dires,  "n’a fait qu’obéir aux ordres" sera finalement jugé à Jérusalem, condamné à mort après huit mois de procès, et pendu le 31 mai 1962.

 Presque vingt ans jour pour jour après la mort de son ancien patron Reinhard Heydrich…

mardi 23 septembre 2014

4218 - la valse funèbre des Reichsprotektors

... bien que dépossédé de tout pouvoir depuis septembre 1941, Konstantin von Neurath demeurera l’officiel Reichsprotektor de Bohème-Moravie jusqu’à mise à la retraite et son remplacement par Wilhelm Frick en août 1943.

En 1946, il sera condamné à quinze années d’emprisonnement par le Tribunal de Nuremberg. Libéré en 1954 pour raison de santé, il s’éteindra deux ans plus tard, à l’âge de 83 ans.

Nommé Reichsprotektor le 24 août 1943, l’ancien Ministre de l’Intérieur Wilhelm Frick, qui s’était longuement opposé à Reinhard Heydrich dans les années 1930 pour le contrôle de la police allemande, sera condamné pour crimes contre l’Humanité, et pendu à Nuremberg le 16 octobre 1946.

Devenu Reichsprotektor "adjoint" à la mort d’Heydrich, Kurt Daluege continuera - avec autant sinon davantage de férocité - la politique de "germanisation" définie par ce dernier, et ce jusqu’à ce qu’une attaque cardiaque le foudroie en mai 1943, et qu’il soit finalement déchargé de toute activité officielle en août - le poste "d’adjoint"  étant lui-même aboli.

Arrêté par les Britanniques en mai 1945, Daluege sera finalement livré aux Tchèques, qui le pendront le 24 octobre 1946...

Éternel second - de von Neurath, d’Heydrich, de Daluege et finalement de Frick - Karl Hermann Franck continuera de sévir en Bohème-Moravie jusqu’à la Capitulation allemande.

Capturé par les Américains, il sera lui aussi livré aux Tchèques, et pendu sur une place publique de Prague le 22 mai 1946.

lundi 22 septembre 2014

4217 - jusqu'au bout...

... le Gouverneur général de Pologne, Hans Frank, chez qui tout le monde, à commencer par Reinhard Heydrich, expédiait "ses" Juifs pour s’en débarrasser, aura la satisfaction de voir le problème des ghettos surpeuplés, dont il ne cessait de se plaindre, se résoudre une bonne fois pour toutes,… par la création des camps d’extermination, et en particulier par le plus grand et le plus célèbre d'entre eux, celui d’Auschwitz...

Arrêté en mai 1945, Frank sera pendu à Nuremberg le 16 octobre 1946

Le Ministre de la Propagande Joseph Goebbels qui, au son du Gotterdammerung, avait offert à Heydrich des funérailles dignes d’un dieu germanique, se suicidera avec son épouse le 1er mai 1945, après que celle-ci ait empoisonné leurs six enfants, incapable d’imaginer comment ils auraient pu vivre dans un monde privé d'Hitler et du national-socialisme…

Heinrich Muller, nommé par Heydrich à la tête de la Gestapo en 1934, sera vu pour la dernière fois dans le bunker de la Chancellerie peu après ce double suicide.

Son sort final reste inconnu, bien que l’on s’accorde généralement à penser qu’il a été tué, tout comme Martin Bormann, en cherchant à fuir la capitale du Reich sur le point d’être conquise par l’Armée rouge.


dimanche 21 septembre 2014

4216 - "l'ami de la famille"

... Hermann Göring qui, le 31 juillet 1941, avait remis à Reinhard Heydrich le blanc-seing lui permettant d’organiser et de mettre en oeuvre la Solution finale à la question juive se rendra aux Américains en mai 1945.

Considéré - bien qu’abusivement - comme le "Numéro 2"  du régime nazi, il sera condamné à mort par le Tribunal international de Nuremberg, mais s’empoisonnera dans sa cellule le 15 octobre 1946, veille de son exécution.

Lui aussi jugé à Nuremberg, le ministre de l’Armement, et architecte favori d’Hitler, Albert Speer, qui aurait bien voulu "germaniser" Prague et tant d’autres villes d’Europe occupée, sera condamné à 20 ans d’emprisonnement, et libéré en octobre 1966.

Officiellement devenu anti-nazi - ce qui était évidemment plus facile après que pendant le nazisme - il mourra d’une crise cardiaque le 1er septembre 1981, non sans avoir au préalable rédigé des mémoires qui l’avaient à nouveau rendu riche et célèbre…

Ami, mais aussi rival d’Heydrich  en tant que chef de l’Abwehr, l’Amiral Wilhelm Franz Canaris tombera progressivement en disgrâce et devra démissionner en février 1944.

Soupçonné - mais à tort - d’avoir trempé dans l’attentat du 20 juillet contre Hitler, il sera arrêté, emprisonné, et finalement pendu le 9 avril 1945.

Jusqu'au bout, il était demeuré, pour les Heydrich, "l'ami de la famille"

samedi 20 septembre 2014

4215 - "Ma vie avec un criminel de guerre"

 … Lina Heydrich échappera donc à la Justice tchèque, mais aussi à la Justice allemande, qui la "dénazifiera" sans conséquence et aussi sans trop se faire prier

Mieux : à la fin des années 1950, elle mènera plusieurs procès contre la RFA, arguant du fait qu’en tant qu’épouse d’un général tué au combat, elle a droit, comme n’importe quelle autre Allemande dans sa situation, à une pension de veuve de guerre !

Injustifiable au plan moral en raison des innombrables crimes commis par son époux, cette requête s’appuie en revanche sur de solides arguments juridiques : la SS, où Heydrich servait comme général, était bel et bien une composante officielle de l’Armée allemande, tout aussi officiellement payée et entretenue par le budget de l’État, et c’est bel et bien au combat, les armes à la main, qu’Heydrich a été tué par des soldats envoyés à Prague par une puissance étrangère avec laquelle le Reich était officiellement en guerre.

Et de fait, Lina finira par gagner sa cause et par recevoir chaque mois un chèque du contribuable allemand, lequel, joint aux revenus de la petite auberge qu’elle ouvrira sur l'île de Fehmarn - auberge régulièrement fréquentée par d’anciens SS venus y parler du "bon vieux temps" - lui permettra de vivre confortablement.

En 1976, elle écrira ses mémoires, Leben mit einem Kriegsverbrecher - "Ma vie avec un criminel de guerre" - où elle soutiendra, comme tous ses compatriotes, "n’avoir jamais rien su" des camps de concentration et des chambres à gaz ni même, dans son cas, des véritables activités de son époux !

Mais contrairement à la majorité de ses compatriotes, elle aura au moins la décence de ne pas nier, ni même renier, son passé de nazie convaincue, et c’est d’ailleurs en nazie convaincue, qui ne regrette rien si ce n’est peut-être que le Reich ait perdu la guerre, qu’elle s’éteindra sur l’île de Fehmarn le 14 août 1985, à l’âge de 74 ans…

vendredi 19 septembre 2014

4214 - le retour aux sources

... en raison des "services exceptionnels" rendus par son mari au Troisième Reich, Lina Heydrich - qui, en raison de son état de santé (1) n'avait pu assister aux obsèques - se verra octroyer le domaine de Panenské Brezany.

Le 24 octobre 1943, son fils aîné, Klaus, alors âgé de 10 ans, décédera dans un accident de la route et sera enterré dans le parc du château - il s’y trouve encore aujourd’hui.

Recluse dans sa propriété depuis la mort de Reinhard, Lina sera néanmoins contrainte de l’abandonner en avril 1945, suite à l’irrésistible avancée de l’Armée rouge qui la forcera,  à l'instar de millions d’autres Allemands, à fuir vers l’Ouest avec ses enfants.

Réfugiée en Bavière à la Capitulation du Reich, elle rejoindra finalement le domicile de ses parents, sur sa petite île natale de Fehmarn, en Mer Baltique,

En 1947, le nouveau gouvernement tchécoslovaque d’Edvard Beneš réclamera son extradition aux autorités britanniques d’occupation, arguant du fait qu’en tant qu’épouse du Reichsprotektor, Lina avait largement bénéficié du fruit des innombrables meurtres et spoliations commis par ce dernier, et qu’elle avait même continué à en bénéficier après sa mort, en faisant notamment entretenir son domaine par des travailleurs-esclaves juifs, qu’elle traitait par ailleurs très mal.

Les Britanniques refuseront. D’abord parce que le souvenir du rapatriement forcé, vers l’URSS, de tous les soldats russes prisonniers des Allemands, ainsi que de tous ceux, et notamment des Cosaques, qui avaient combattu au profit du Reich, leur a laissé un goût amer (2); ensuite, et surtout, parce qu’en 1947, et dans un contexte de guerre froide, il est essentiel de ménager l’Allemagne de l’Ouest, devenue allié indispensable dans la lutte contre le communisme…

(1) dépressive, et enceinte de sept mois, Lina accouchera de son quatrième et dernier enfant le 23 juillet 1942
(2) des centaines de milliers d’entre eux seront fusillés dès leur retour en URSS, d’autres envoyés croupir pendant des années dans des camps de rééducation en Sibérie. A ce sujet : Saviez-vous que… 2539 à 2542

jeudi 18 septembre 2014

4213 - Heydrichiáda

... au vu de pareils chiffres, on peut légitimement se demander si l'attentat contre Heydrich était bel et bien justifié.

Le Reichsprotektor et grand patron du RSHA méritait certes cent fois la mort, mais parce qu'il ne correspondait qu'à des "considérations politiques", et non pas militaires, son assassinat ne hâtera pas la fin de la guerre d'une seule journée, ni ne modifiera en quoi que ce soit la politique de "germanisation" déjà menée par Heydrich, et qui sera  poursuivie à l'identique par ses successeurs Kurt Daluege et Wilhelm Frick

Après un bref intermède durant lequel le RSHA sera dirigé par Himmler lui-même, cette institution, créée par et pour Heydrich, passera aux mains de l'Autrichien Ernst Kaltenbrunner - qu'Heydrich avait rencontré à Vienne le jour-même de l'Anschluss, et continuera, avec encore davantage de férocité, à répandre la terreur dans toute l'Europe, donnant ainsi tristement raison à Hitler qui, au lendemain-même de l'attentat, avait déclaré que tout assassinat d'un haut responsable allemand se traduirait non seulement par de sanglantes représailles, mais aussi par la nomination immédiate de quelqu'un de pire encore.

En Bohème-Moravie, les citoyens ordinaires, qui bien que détestant Heydrich avaient fini par le supporter, qualifieront même d'"Heydrichiáda" - ce qui se passe de toute traduction - la période qui suivra son assassinat.

Quant au sort des Juifs - préoccupation principale d'Heydrich depuis le milieu des années 1930 - le moins qu'on puisse en dire est qu'il ne bénéficiera d'aucune amélioration, des hommes comme Adolf Eichmann, pour ne parler que de lui, mettant même encore davantage de zèle à remplir les trains de déportation et les camps d'extermination...

mercredi 17 septembre 2014

4212 - Cinq mille morts pour un seul homme…

… s’ils n’ont pas été en mesure de capturer Kubiš et Gabčík - ni d’ailleurs aucun autre parachutiste - vivants, les Allemands - qui dans cette opération ont perdu une quinzaine d'hommes - n’en ont pas moins fini par obtenir ce qu’ils cherchaient depuis trois semaines, à savoir retrouver les assassins de Reinhard Heydrich, mais aussi... les châtier à leur manière : au Palais Peček, les têtes décapitées des sept Tchèques sont exposées sur une étagère, et leurs parents invités à venir les identifier formellement...

Comme l’avait prophétisé Alfréd Bartoš - qui en sera lui-même victime - les gigantesques moyens déployés ont d'autre part permis de récolter quantités d’indices et de renseignements qui, dans les jours et les semaines à venir, vont servir à liquider une bonne fois pour toutes la quasi-totalité de la Résistance tchèque, laquelle ne s’en relèvera jamais.

Et la répression ne se limite hélas pas aux résistants eux-mêmes, mais aussi à leur famille complète et aussi à tous ceux suspectés - à tort ou à raison - d’avoir porté assistance aux "terroristes".

A Ležáky, autre village martyr, les Allemands, après avoir découvert l’émetteur radio de l’équipe Silver A - c-à-d celui de Bartoš - exécutent ainsi l’intégralité des habitants avant de réduire le village tout entier en cendres.

Au total, on estime à plus de 12 000 le nombre d’arrestations effectuées dans la foulée de l’attentat contre Heydrich, et à près de 5 000 celui des hommes, des femmes, des vieillards et des enfants tués dans cette affaire.

Cinq mille morts pour un seul homme…

mardi 16 septembre 2014

4211 - la fin

… 11h00

On pourrait certes recourir aux grands moyens, et notamment aux lance-flammes, pour débusquer les quatre parachutistes réfugiés dans la crypte, mais cela reviendrait à renoncer à tout espoir de les prendre vivants.

Alors, on improvise : on fait venir le chapelain Petřek, mais aussi le traître Karel Čurda, qui les supplient tous deux de se rendre, et leur promettent la vie sauve.

Devant le refus - compréhensible - des Tchèques, on continue d’improviser, d’abord avec des gaz lacrymogènes, puis avec des milliers de litres d’eau glacée, que l’on déverse par un soupirail au moyen de camions de pompiers réquisitionnés pour l’occasion.

Mais rien n’y fait : les Tchèques s’entêtent !

Pour finir, vers 11h00, les Allemands dynamitent l’entrée de la crypte, dans l’espoir de l’agrandir et de pouvoir ainsi y pénétrer plus facilement, et surtout en force.

Mauvaise idée : voyant leur dernière heure venue, et n’ayant plus d’autre choix qu’entre une mort immédiate dans la crypte et une autre, plus lente et infiniment plus désagréable, dans les cellules du Palais Peček, les derniers défenseurs tchèques, dont, Jozef Gabčík - celui dont le Sten s'était stupidement enrayé le 27 mai - se font sauter la cervelle, privant ainsi les Allemands de renseignements précieux...

lundi 15 septembre 2014

4210 - le dernier carré

… 07h00

D’assauts désordonnés en retraites qui le sont encore davantage,  l’affaire, ponctuée d’appels à la reddition, dure près de deux heures.

L’issue est néanmoins inéluctable : peu après 07h00, les tirs cessent : Kubiš - l’auteur du lancer de grenade mortel contre Reinhard Heydrich - est encore en vie, mais il est grièvement blessé et va mourir dans quelques heures, malgré tous les efforts des médecins allemands.

Les Allemands, du reste, sont perplexes : ils ignorent combien de parachutistes se dissimulaient jusque-là dans l’église, mais la découverte de plusieurs pièces de vêtements qui, à l’évidence, n’appartiennent pas aux trois hommes abattus, leur fait suspecter qu’il pourrait bien y en avoir encore d’autres, tapis quelque part.

Alors, on fait venir le chapelain, Vladimír Petřek, qui, passablement brutalisé, avoue qu’il y en a effectivement quatre autres, cachés dans la crypte, une crypte accessible seulement par une petite trappe que les Allemands finissent par découvrir et par soulever… avant d’être accueillis par une pluie de balles !

Avec sa seule et unique entrée, cette crypte est une souricière parfaite, à laquelle les quatre Tchèques n’ont aucune chance d’échapper mais, comme deux heures auparavant, les Allemands ne peuvent s’y engager qu’un par un, en autant d’aller-simples pour l’abattoir…

dimanche 14 septembre 2014

4209 - l'assaut

… Église Saint-Cyrille et Méthode, Prague, 18 juin 1942, 05h00

L’aube n’est pas encore levée qu’au matin du 18 juin, les troupes allemandes bouclent la rue Resslova sur la foi des renseignements fournis, bien malgré lui, par Ata Moravec.

Dans l’église Saint-Cyrille et Méthode, seuls trois parachutistes - Jan Kubiš, Jaroslav Švarc et Adolf Opálka - les aperçoivent, les quatre autres se reposant en effet dans la crypte.

Si la partie - à trois hommes contre près de sept cents (!) - est évidemment jouée d’avance, chacun sait aussi, depuis le sacrifice de Léonidas et de ses Spartiates au Défilé des Thermopyles, qu’il est des circonstances où le nombre s’avère plus un inconvénient qu’un avantage...

Et de fait, contraints de pénétrer dans l’église les uns à la suite des autres, les Allemands tombent les uns après les autres sous les balles des trois Tchèques, bien dissimulés derrière les colonnes de la galerie supérieure.

Les Allemands pourraient certes réduire l’église en gravats, en faisant intervenir un tank, ou en la dynamitant, comme ils sont occupés à le faire dans tout le village de Lidice, mais les ordres leur enjoignent de prendre les parachutistes vivants, afin de les faire parler…

samedi 13 septembre 2014

4208 - trop d'oeufs dans le même panier

… depuis l’attentat contre Heydrich, la résistance tchéque est sous pression

Chaque jour, policiers et militaires perquisitionnent maisons et bâtiments, arrêtent camions et véhicules pour en vérifier le contenu et l’identité des occupants, et n’hésitent pas à traîner au poste - et à torturer - tous ceux qui leur semblent le moindrement suspect.

Jusqu’ici, ces recherches n’ont pourtant pas permis de retrouver les auteurs de l’attentat, mais elles ont en revanche contraint Kubiš et Gabčík à abandonner leurs planques habituelles, devenues trop dangereuses, pour se retrouver rue Resslova, dans l'église orthodoxe Saint Cyrille et Méthode.

Au fil des jours, et avec la complicité du chapelain, Vladimír Petřek, ils y ont été rejoints par les derniers rescapés des différentes missions parachutées par Londres depuis la fin de 1941 et qui, pour la même raison, n’ont plus que cet endroit où se réfugier.

En plus de Kubiš et Gabčík, on trouve donc Josef Valčík (qui avait servir de guetteur lors de l’attentat), Josef Bublík, Jan Hrubý, Jaroslav Švarc et Adolf Opálka (qui avait été parachuté avec le désormais traître Karel Čurda le 28 mars 1942), soit sept hommes disposant seulement de quelques armes légères.

Mais concentrer trop d’oeufs dans un même panier n’a jamais été une bonne idée, surtout lorsque le dit panier ne comporte qu’une seule issue…

vendredi 12 septembre 2014

4207 - la tête et l'aquarium

… District Žižkov, Prague, 17 juin 1942

Aux premières heures du 17 juin, la Gestapo fait donc son entrée en force dans l’appartement de la famille Moravec.

Modeste cheminot souvent absent du domicile, Alois Moravec ne comprend pas ce qui se passe, et pour cause : son épouse Marie ne l’a jamais informé du rôle qu’elle joue dans la résistance tchèque !

Marie, en revanche, a parfaitement mesuré la situation et, profitant d’un instant d’inattention des Allemands, met fin à ses jours, en croquant une pastille de cyanure !

Furieux, les Allemands embarquent alors Alois et son fils Vlastimil, dit "Ata", dans les sous-sols du Palais Peček pour y être interrogés.

Très vite, ils réalisent que si Alois semble effectivement tout ignorer, Ata, lui, parait savoir beaucoup de choses,… même s’il se refuse à les dire.

Afin de gagner du temps, ils imaginent alors un macabre stratagème : ils décapitent le cadavre de Marie, plongent sa tête dans un aquarium et le présentent à Ata - "si tu ne parles pas, celle de ton père va aller la rejoindre".

Alors, Ata craque et balance tout ce qu’il sait, et en particulier l’adresse de la rue Resslova, autrement dit l'église orthodoxe Saint Cyrille et Méthode.

Pour les Allemands, c’est maintenant l’heure de l’hallali...

jeudi 11 septembre 2014

4206 - le bon bout

… voilà maintenant trois semaines que les enquêteurs de la Gestapo lancés à la poursuite des assassins d’Heydrich piétinent, non pas faute de renseignements - les délateurs, alléchés par la prime offerte, ne manquent pas - mais bien faute de renseignements véritablement pertinents et exploitables.

Mais avec Karel Čurda, c-à-d avec un agent tchèque non seulement formé et envoyé par Londres, mais connaissant également l’identité et la physionomie des tueurs, ils tiennent cette fois le bon bout, et ne vont plus le lâcher.

La chance insolente dont Kubiš et Gabčík bénéficient depuis leur arrivée dans le Protectorat, fin décembre 1941, vient soudain de les abandonner, alors que les erreurs qu'ils ont fort maladroitement accumulées depuis lors ne vont hélas pas manquer de précipiter également la chute de tous ceux qui leur sont venus en aide.

Certes, Čurda n’a pas la moindre idée de l’endroit où les deux hommes se cachent en ce moment, mais il connaît en revanche l’adresse de la plupart des planques où ils ont déjà séjourné dans le passé, à commencer par celle de Marie Moravec.

Passé le premier moment d’incrédulité face à ce délateur qui, au propre comme au figuré, leur tombe du Ciel, les agents de la Gestapo ne perdent pas de temps et, aux premières heures du 17 juin, investissent l’immeuble où celle-ci...

mercredi 10 septembre 2014

4205 - Tempête sous un crâne

… Palais Peček, Prague, 16 juin 1942

Comme tout le monde, Karel Čurda a entendu parler de l’énorme récompense promise par les Allemands à qui leur livrera les assassins d’Heydrich.

Mais comme tout le monde, il a aussi entendu parler de ce que les Allemands viennent de faire au petit village de Lidice..

Et il a lui aussi eut vent de la rumeur qui leur prête maintenant l’intention d’en faire de même partout ailleurs en Bohème-Moravie s’ils n’obtiennent pas ce qu’ils exigent avant le 18 juin.

Alors, deux jours avant  cette date limite, et que ce soit par appât du gain, par crainte de ce qui pourrait arriver à ses concitoyens, à sa propre famille, ou à lui-même, ou parce qu’il ne supporte plus l’existence de tension, d’angoisse et de misère qu’il mène depuis avril, et probablement pour toutes ces raisons à la fois (!), Karel Čurda craque : le 16 juin 1942, de sa propre initiative, il franchit les portes du Palais Peček, siège de la Gestapo de Prague.

mardi 9 septembre 2014

4204 - Quelque chose va craquer

… Prague, 15 juin 1942

Mais comme toujours, rien ne se passe comme prévu : largués loin du point de rendez-vous, et ayant au passage perdu la plus grande partie de leur matériel, les trois hommes réalisent vite l’impossibilité de mener à bien les missions prévues, et décident plutôt de se séparer et de tenter leur chance chacun de leur côté…

Reste que mener une existence clandestine, errer sans cesse de cache en cache - à condition d'en trouver une ! - dans le froid et la faim et avec, en permanence, la hantise de se voir dénoncé et finalement arrêté par les hommes de la Gestapo, reste que tout cela n’a rien d’une sinécure,… surtout si l'on sait que la dite Gestapo affectionne la torture et le meurtre, et n’hésitera pas à les pratiquer non seulement sur soi-même mais aussi sur tous les membres de sa famille.

Alors, le 1er avril, isolé, désespéré, Kolařík craque et préfère se suicider !

Opálka et Čurda, eux, réussissent finalement à rallier Prague et les différentes familles qui, depuis le mois de janvier, et au péril de leur vie, hébergent Kubiš et Gabčík.

Mais la tension et l’angoisse, déjà constantes, montent encore de plusieurs crans avec l’attentat contre Heydrich. Cette vie misérable, ce stress, Čurda ne les supporte plus : à bout de nerfs, il est lui aussi sur le point de craquer...

... sauf que lui n’a nullement l'intention de mettre fin à ses jours...

lundi 8 septembre 2014

4203 - Out Distance

… Bohème-Moravie, 28 mars 1942, 02h00

Il a 30 ans et il s’appelle Karel Čurda.

Pour l’Histoire, et particulièrement pour l’Histoire tchèque, c’est lui, l’immonde salopard, l’abominable traître, qui, un mauvais jour de juin 1942, et de sa propre initiative, a franchi les portes du Palais Peček, et, pour les trente deniers de Judas, renié sa Patrie et livré ses propres et héroïques camarades de combat à la barbarie nazie.

Mais, comme souvent, la réalité est à la fois plus compliquée, et moins manichéenne…

Karel Čurda, donc, est né en Bohème, le 10 octobre 1911. Comme Kubiš et Gabčík, comme Bartoš, comme tant d’autres, il fait partie de ces jeunes Tchèques qui ont volontairement quitté leur pays dans la foulée de l’invasion allemande de 1938 et qui, au fil des événements militaires, ont fini par s’engager à Londres, au sein de la Brigade tchèque.

Mais il fait aussi partie de ces Tchèques que le gouvernement Beneš s’entête à parachuter "pour des raisons politiques" et malgré les objections de la Résistance locale, qui ne sait qu’en faire, et celles de Bartoš, lui-même parachuté sur place en décembre, qui les considère comme des "boulets insupportables pour le réseau dans les circonstances critiques du moment".

Le 28 mars 1942, vers 02h00, inconscient de cette réalité et donc du sort qui l'attend sur place, le groupe Out Distance, composé de Karel Čurda, Adolf Opálka et Ivan Kolařík, saute lui aussi au-dessus de la Bohème-Moravie avec, lui aussi, l’ordre d’y mener des "actions de sabotage" et de "rétablir les liaisons radio avec la Résistance".

dimanche 7 septembre 2014

4202 - l'attente du pire

… en exil à Londres, contrairement à tous ses concitoyens demeurés au pays, le Président Beneš peut, il est vrai, raisonner "d’un point de vue politique", et envisager l’Avenir avec le calme et le détachement que confèrent à la fois la distance et aussi la garantie de ne jamais voir des agents de la Gestapo venir fracasser sa porte d’entrée et le traîner en pleine nuit dans une des salles de tortures installées dans les sous-sols du Palais Peček.

En Bohème-Moravie, et pour les Tchèques ordinaires, la réalité est hélas fort différente !

A Prague, où la nouvelle de la destruction totale de Lidice - abondamment décrite par les Allemands eux-mêmes ! - a plongé la population dans une terreur sans nom, la rumeur prétend que si les coupables de l’assassinat d’Heydrich ne sont pas livrés avant le 18 juin, le Reich n’hésitera pas à exécuter un habitant sur dix !

Même celui qui n’a jamais entendu parler de la Résistance, et qui n’a pas la plus petite action séditieuse à se reprocher, même celui-là tremble à présent pour sa vie et celle de ses proches, attendu qu’il suffirait d’une seule dénonciation d’un voisin malveillant pour qu’il se retrouve avec toute sa famille au Palais Peček et, plus tard, dans un camp de concentration ou au cimetière !

Pour l’heure, Kubiš et Gabčík demeurent introuvables, mais ce n’est plus qu’une question de jours, et peut-être même d’heures, avant que quelqu’un, terrorisé par les menaces allemandes ou alors appâté par l’énorme récompense promise par ceux-ci, ne se décide à parler…

samedi 6 septembre 2014

4201 - "D’un point de vue politique"

… le 28 mai 1942, Beneš, euphorique, avait chaudement félicité Alfréd Bartoš pour la réussite d’une mission - l’attentat contre Heydrich - à laquelle ce dernier n’avait pourtant pas participé, et contre laquelle il s’était pourtant violemment opposé à plusieurs reprises, en même temps que tous les responsables locaux de l’UVOD, et ce par crainte des représailles sur la population civile.

Heydrich mort, les plus sombres prédictions de Bartoš - à commencer par le massacre de Lidice - se sont réalisées, mais Beneš n’a rien perdu de son enthousiasme, que du contraire !

"Ce que les Allemands font est horrible", câble-t-il à Prague, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, "d’un point de vue politique, cela nous offre une garantie : en aucune circonstance, plus personne ne pourra douter de l’intégrité nationale de la Tchécoslovaquie et de son droit à l’indépendance". (1)

Il est vrai que "d’un point de vue politique", la mort d’Heydrich se révèle payante : dans le monde entier, chacun est désormais capable de situer la Tchécoslovaquie sur une carte, et à Londres, le Ministre des Affaires étrangères Anthony Eden assure désormais le Président du total soutien de la Grande-Bretagne ainsi que de son engagement non seulement à révoquer les Accords de Munich de septembre 1938 - qui curieusement n’ont jamais été officiellement dénoncés (2) - mais aussi, et surtout, à résoudre "une fois pour toutes", le "problème de la diversité ethnique" dans la Tchécoslovaquie reconstituée de l’après-guerre.

Et de fait, après la chute du Troisième Reich, les quelque deux millions de germanophones des Sudètes seront tout bonnement expulsés de leurs maisons et villages, et chassés manu militari - nous en reparlerons dans une autre chronique - vers l’Allemagne de l’Ouest sans que Londres ou aucune puissance occidentale ne trouve à y redire.

Mais ceci est une autre histoire…

(1) Gerwarth, op cit, page 283
(2) ils le seront le 5 août 1942

vendredi 5 septembre 2014

4200 - l'Apocalypse

... si Lidice ne compte que quelque 500 habitants, la barbarie qui s'y déchaîne prend bien vite des allures bibliques.

A l'exécution de tous les hommes - immédiatement fusillés - et à la déportation - le plus souvent suivie de mort - de toutes les femmes et enfants s'ajoute en effet le massacre de tout le cheptel et même... de tous les chiens et les chats du village !

Et ce n'est pas fini puisque les maisons sont incendiées puis dynamitées les unes après les autres.

Dans les mois suivants, des travailleurs forcés enlèvent les pierres une à une, comblent l'étang, abattent les arbres, nivellent le terrain et vont même... jusqu'à vider le petit cimetière de ses locataires, et en à disperser les restes aux quatre vents !

Dans le même temps, le nom du village est rayé de toutes les cartes et de tous les documents administratifs, conformément aux ordres d'Hitler qui veut en effacer jusqu'au souvenir.

Mauvais calcul puisque le nom de Lidice se retrouve bientôt dans quantités de documentaires mais aussi de films et même de romans. Partout dans le monde, des parcs, des rues, et parfois même des villages entiers sont rebaptisés Lidice, qui devient ainsi le symbole-par-excellence de la barbarie nazie

Mais si les Tchécoslovaques pleurent leurs morts, le Président Beneš, lui, se frotte plutôt les mains...

jeudi 4 septembre 2014

4199 - la sauvagerie

... Lidice, 10 juin 1942

Au Palais Peček, siège de la Gestapo de Prague, personne ne croit sérieusement que les assassins de Reinhard Heydrich puissent se cacher dans le minuscule village de Lidice.

Horst Böhme et Karl Hermann Frank n'y croient pas davantage, mais comme le dit village est "suspect" et qu'ils se doivent, pour calmer les esprits et particulièrement Hitler, de "faire un exemple", décision est donc prise de rayer Lidice de la carte.

Le 10 juin 1942, le soleil ne s'est pas encore levé que les SS investissent déjà la place : tous les hommes âgés de 14 à 80 ans, soit quelque 180 personnes, sont emmenés à la ferme des Horàk pour y être immédiatement fusillés

Les femmes et les enfants sont traînés jusqu'à l'école du village, puis séparés les uns les autres. Les femmes sont ensuite expédiées au camp de concentration de Ravensbrück, à l'exception de quatre d'entre elles qui, enceintes, sont d'abord envoyées à l'Hôpital Bulovka de Prague - ce même hôpital qui a vu mourir Heydrich - pour y être avortées de force !

Le sort de leurs enfants est encore moins enviable : signe que la politique de "germanisation" d'Heydrich continue de s'appliquer, ceux jugés les plus "aryens" - soit une dizaine d'entre eux - sont confiés à des familles allemands pour y être adoptés, et tous les autres envoyés dans un premier temps au ghetto de Lodz, et finalement dans les camions à gaz du camp de concentration de Chelmo

Au total, l'affaire fera plus de 300 morts, mais la descente aux enfers n'est pas encore terminée... 

mercredi 3 septembre 2014

4198 - il ne suffit pas d'être innocent

… comme oublié à une vingtaine de kms de Prague, le petit village de Lidice a longtemps échappé aux horreurs de la guerre,… à la plus grande satisfaction de ses quelques 500 habitants.

Mais à l’automne de 1941, suite aux révélations d’un parachutiste tchèque capturé, la Gestapo a commencé à s’intéresser à deux anciens habitants du village, Josef Horàk et Josef Stříbrný, qui, à l’instar de Kubiš et Gabčík, ont fui le pays en 1939 pour rejoindre la Brigade tchèque en exil à Londres.

Discrètement placé sous surveillance, Lidice est revenu au premier plan peu après l’attentat contre Heydrich, lorsque la Gestapo a subitement mis la main sur une lettre expédiée par un habitant du village, Václav Ríha, à sa jeune maîtresse, Anna Maruščáková, dans laquelle il lui annonce son intention de "disparaître pour quelque temps".

Dans le climat de suspicion et d’hystérie du moment, il n’en faut pas plus convaincre Böhme et ses hommes que Ríha entretient des contacts avec Horàk ou Stříbrný, et que c’est probablement pour leur venir en aide qu’il doit ainsi "disparaître".

Ríha et Maruščáková n’ont aucun lien avec les intéressés, ni même avec la Résistance tchèque, donc rien à avouer si ce n'est un amour adultérin, mais leur innocence ne les empêche hélas pas de se faire aussitôt arrêter et traîner manu militari dans les salles d’interrogatoire du Palais Peček, ni de se voir ensuite expédiés au camp de concentration de Mauthausen, où ils seront exécutés en octobre 1942…

mardi 2 septembre 2014

4197 - la politique du moins pire

… Prague, 9 juin 1942

Depuis le 27 mai, Karl Hermann Frank, Kurt Daluege, ainsi que les milliers de policiers et de militaires du Protectorat sont sous pression et soumis à l’obligation nationale de retrouver au plus vite les assassins d’Heydrich.

Mais malgré tous leurs efforts et les gigantesques moyens déployés, ceux-ci, deux semaines plus tard, sont toujours introuvables !

Et l’enterrement du Reichsprotektor, ainsi que sa quasi-déification par la Propagande, ne font qu’exacerber les tensions : il faut de toute urgence offrir à Hitler - mais pas seulement à lui - ce qu’il réclame, autrement dit des rivières de sang,… même si ce n’est pas celui des principaux intéressés !

Frank, qui craint plus que jamais les conséquences de représailles massives sur la production industrielle du Protectorat, vitale pour le Reich, a cependant décidé d’opter pour une politique que l’on pourrait qualifier, sans verser pour autant dans le révisionnisme, de "politique du moins pire" : offrir à Moloch non pas une grande ville et des milliers de victimes, mais bien un petit village inconnu et seulement peuplé de quelques centaines d'habitants.

Avec ses quelque 500 âmes, Lidice, situé à une vingtaine de kms au nord-ouest de Prague, correspond à cette définition et, pour son plus grand malheur, se trouve depuis plusieurs mois sur le radar d'Horst Böhme et de ses hommes...

lundi 1 septembre 2014

4196 - "Rien ne m’empêchera de déporter des millions de Tchèques s’ils ne veulent pas une coexistence pacifique !"

… même mort et enterré, Reinhard Heydrich n’en est pas pour autant oublié.

Que du contraire, puisque le Troisième Reich a dores et déjà décidé d’en faire une légende - pour ne pas dire un dieu - destinée à l’édification des générations futures.

Dans toute l’Allemagne, mais aussi, et surtout, en Bohème-Moravie, on expose des copies de son masque funéraire, on rebaptise de son nom des dizaines de rues et de parcs, et on imprime des timbres à son effigie.

Mais si le Reich veut célébrer le héros et martyr Heydrich, il entend d’abord et avant tout le venger.

Et comme ses meurtriers, malgré toutes les recherches entreprises, les menaces proférées et les récompenses promises, demeurent toujours introuvables, la tension - une tension  meurtrière - ne cesse de croître. 

"Rien ne m’empêchera de déporter des millions de Tchèques s’ils ne veulent pas une coexistence pacifique !" tonne Hitler aux oreilles du malheureux Emil Hácha, lui aussi convié - ou plutôt sommé - d’assister aux funérailles. Les assassins, poursuit-il, doivent être retrouvés "immédiatement" sans quoi la population tchèque devra, assure-t-il, "subir des conséquences sans précédant".

Et pour donner davantage de poids à la menace, Karl Hermann Frank, celui-là même qui, quelques jours auparavant, était parvenu à calmer le Führer, de téléphoner aussitôt à Horst Böhme, chef de l’antenne du SD à Prague, et de lui ordonner de raser sans plus attendre, et à titre d’exemple, un petit village de Bohème jusque-là parfaitement inconnu…

Lidice