dimanche 30 novembre 2014

4286 - les premiers essais

... Hambourg, 24 août 1940

Trois semaines plus tard, à Hambourg, c'est enfin au tour du Bismarck d'entrer en service, ou plus exactement d'accueillir son commandant, Ernst Lindemann, 46 ans, et un équipage qui va l'emmener en Baltique à la mi-septembre.

Car le cuirassé, tout comme le Prinz Eugen, avec lequel il va bientôt faire équipe, doit encore subir de nombreux essais avant de pouvoir affronter quelque navire britannique que ce soit.

Et ces essais révèlent d'ailleurs un défaut de conception inquiétant : contrairement aux Français, aux Britanniques, ou encore aux Américains, qui utilisent un système à quatre turbines et quatre arbres d'hélice pour propulser leurs gros bâtiments de guerre, les Allemands font appel à un système à trois turbines et trois arbres d'hélice seulement (1).

Déjà standard sur les cuirassés et croiseurs de bataille de Kaiserlische Marine lors de la 1ère G.M., ce système a l'avantage d'être plus économique, plus compact et plus léger que la solution à quatre turbines et quatre hélices.

En revanche, en cas d'avarie de gouvernail, elle rend le bâtiment plus difficile à manœuvrer avec les hélices seulement. 

Mais sur le Bismarck, la variation de régime entre les différentes hélices n'engendre qu'une manœuvrabilité vraiment marginale : même avec les hélices bâbord et tribord tournant à plein régime en sens inverse l'une de l'autre, c'est à peine si le bâtiment consent à virer de quelques degrés.

Améliorer ce piètre comportement nécessiterait cependant de redessiner entièrement la quille et l'arrière du navire ce qui, bien sûr, est totalement exclu...

(l) à l'exception des trois Panzerschiffe, qui utilisent non pas des turbines à vapeur mais bien des moteur diesel entraînant deux arbres d'hélice seulement




samedi 29 novembre 2014

4285 - le croiseur ultime

... 01 août 1940

Après la Campagne de Norvège, celle de France s'est achevée par un autre succès allemand, mais un succès dans lequel la Kriegsmarine - et probablement pour son plus grand bien - n'a cette fois joué aucun rôle.

La chute de la France lui offre toutefois des perspectives intéressantes, et en particulier des ports bien équipés et ouvrant directement sur l'Atlantique,  ce qui a constamment manqué à son aînée de la Première Guerre mondiale.

Le 01 août, c'est pourtant un tout autre événement qu'elle célèbre, en l'occurrence la mise en service de son dernier - et ultime - croiseur lourd, le Prinz Eugen, dont les travaux avaient débuté  à Kiel quatre ans plus tôt, et qui avait été lancé le 22 août 1938, en présence du traditionnel maître de cérémonie, Adolf Hitler.

Comparé aux 42 000 tonnes et aux canons de 380mm du Bismarck, ce nouveau venu n'impressionne guère. 

Pourtant, à 17 000 tonnes et 8 canons de 203mm, le Prinz Eugen est un des plus gros  et des plus puissants croiseurs du monde, un navire rapide, fort bien conçu et qui, contrairement aux Scharnhorst et Gneisenau, tient remarquablement bien la mer

Et c'est aussi un navire qui, une fois ses essais terminés, va bientôt faire parler de lui...

vendredi 28 novembre 2014

4284 - ... et peu de résultats

… 8 juin 1940, 18h10

Il n'y a hélas rien de plus vulnérable en mer qu'un porte-avions sans avions, ou du moins incapable, comme le Glorious britannique, de les mettre en l'air lors d'une attaque.

Car si un seul obus du Scharnhorst fait mouche - à la distance record de 24 000 mètres ! - ses effets s’avèrent vite désastreux : son pont d’envol crevé, son hangar en flammes, le malheureux porte-avions britannique est déjà un navire condamné,  qui coule à 18h10, malgré le sacrifice de ses deux destroyers d'escorte, lesquels succombent également,… non sans être parvenus au préalable à loger une torpille sur le croiseur de bataille, et à lui occasionner des dégâts tels qu’ils vont à nouveau le renvoyer en Allemagne pour plusieurs mois !

Un bonheur ne venant jamais seul, c’est son jumeau Gneisenau qui, le 20 juin, après avoir été frappé à l’étrave par une torpille du sous-marin britannique Clyde, doit prendre à son tour la direction d’un chantier naval !

Au final, la Campagne de Norvège se solde donc par une victoire allemande, mais aussi par une catastrophe pour la flotte de surface de la Kriegsmarine qui, déjà largement inférieure à ses rivales française et, surtout, britannique, avant-même le début de la guerre, se retrouve décimée à sa première opération d’envergure.

Heureusement pour elle, la Campagne de France qui s’annonce, et dans lequel elle ne jouera aucun rôle, va lui permettre de souffler un peu, et même de repartir sur des bases plus favorables…

jeudi 27 novembre 2014

4283 - un coût élevé...

… mais comme toujours, rien ne se passe comme prévu : dès le 8, le croiseur léger Königsberg, canonné par une batterie côtière près de Bergen, est gravement endommagé, et sera coulé deux jours plus tard par des bombardiers anglais.

Le 9, près de  Kristiansand, son jumeau Karlsruhe succombe sous les torpilles d'un sous-marin britannique.

A Narvik, les Scharnhorst et Gneisenau, pris à partie par le croiseur de bataille Renown, puis à nouveau par une tempête (!), n’ont d’autre choix que de retraiter piteusement vers Wilhemshaven, avec des dommages qui vont les immobiliser jusqu’en juin.

Devant Oslo, la bilan est pire encore, puisque le croiseur lourd Blücher, second bâtiment de la classe Hipper et quasiment flambant neuf, est détruit par les vieux canons et les antiques torpilles de la défense côtière de la ville, qui valent également de sérieux dégâts au Panzerschiffe Lützow, lequel se fait de surcroît torpiller le 11 par un autre sous-marin britannique en maraude !

Remorqué jusqu’en Allemagne, le pauvre Lützow, qui dans l'affaire a perdu une bonne partie de son arrière, est mis en cale sèche pour des réparations qui vont durer près d’un an.

Et ce n’est pas fini puisque le 13, le vieux cuirassé Warspite, au risque de sauter sur une mine ou de s’échouer, réussit à se faufiler dans l’Ofotfjord de Narvik et à pulvériser les huit destroyers  et même le sous-marin allemand qui s’y trouvent !

Heureusement pour le Reich, le débarquement en lui-même est un succès, et un succès qui, le 8 juin, va d’ailleurs se solder par une grande victoire, puisque le Scharnhorst et le Gneisenau, entretemps réparés, surprennent le Glorious, un vieux croiseur de bataille reconverti en porte-avions à la fin des années 1920, ainsi que ses deux destroyers d'escorte, les Ardent et Acasta.

(1) Saviez-vous que… 3726 à 3728

mercredi 26 novembre 2014

4282 - protéger la route du fer

… 6 avril 1040

Mais pour la Kriegsmarine, l’année 1940 débute véritablement par la Campagne de Norvège, cette même Norvège qui va bientôt, et bien malgré elle, devenir la tanière favorite de ses gros navires de ligne.

A l’origine, il y a la volonté d’Hitler de protéger la route du fer, soit les exportations de minerai de fer suédois qui, durant l’hiver, passent obligatoirement par le port norvégien de Narvik, avant de transiter tout au long des côtes jusqu'en Allemagne.

Ces exportations étant vitales pour l’industrie de guerre du Reich, et gravement menacées par les navires de la Royal Navy, et les mines qu'ils sont déjà occupés à y poser (!), Hitler a donc décidé de prendre les devants et d’envahir la Norvège, mais aussi le Danemark voisin.

S’agissant de la Norvège, il s’agit d’y expédier plusieurs dizaines de milliers de fantassins, que l’on embarquera non pas sur de traditionnels - et donc fort lents - cargos, mais bien sur les propres navires de guerre de la Kriegsmarine, histoire de gagner du temps et de favoriser l’effet de surprise.

Dans la nuit du 6 avril 1940, la quasi-totalité de la flotte de surface quitte donc ses ports à destination de la Norvège et de sa première et véritable opération depuis le début de la guerre...

mardi 25 novembre 2014

4281 - ferrailler ou revendre ?

… 11 février 1940

Cette piètre efficacité des gros navires de surface de la Kriegsmarine n’est certes pas de nature à inciter le Führer à autoriser de nouvelles constructions, ni même à faire achever celles qui ont déjà été lancées.

Mais alors, quelle alternative reste-t-il en dehors du ferraillage ?

En octobre 1939, alors que le Graf Spee commençait à écumer l’Atlantique sud, une opportunité s’est pourtant présentée puisque l’URSS, en application du Pacte germano-soviétique du 23 août (1), et après avoir elle-même envahi la Pologne, s’est déclarée prête… à racheter, entre autres équipements militaires, les trois bâtiments encore inachevés de la classe Hipper !

A quasiment 16 000 tonnes, et avec huit canons de 203mm, ces croiseurs lourds sont techniquement fort réussis, mais hélas gros consommateurs de mazout, et pas nécessairement très utiles dans la guerre telle qu'elle est en train de se dérouler.

Le 11 février 1940, après avoir pesé le pour et le contre, la Kriegsmarine décide finalement de conserver le Prinz Eugen - le plus avancé des trois et d’ailleurs sur le point d’entrer en service - ainsi que le Seydlitz - terminé à plus 90% (2) - mais de se départir du Lützow qui, après avoir été débarrassé des canons déjà installés à son bord, quittera Brême à la mi-avril en direction de Leningrad (3), où il servira l’année suivante… contre les troupes allemandes occupées à assiéger la ville !

(1) Saviez-vous que… 4057 et 4058
(2) demeuré inachevé à Brême, le Seydlitz sera reconverti en porte-avions à partir de mars 1942, mais cette conversion non plus ne sera jamais terminée, et la coque finalement sabordée en janvier 1945
(3) rebaptisé Petropavlovsk, puis Tallinn en 1943, ce bâtiment ne sera jamais achevé comme croiseur, mais plutôt utilisé comme simple batterie flottante durant tout le siège de Leningrad, avant d’être ferraillé dans les années 1950

lundi 24 novembre 2014

4280 - le désastre comptable

… pour la flotte de surface de la Kriegsmarine, et pour le grand-amiral Raeder, l’année 1939, déjà fort peu satisfaisante au niveau des résultats, s’achève donc par un désastre.

En quatre mois de campagne, l’Admiral Graf Spee, son plus récent Panzerschiff, n’est en effet parvenu à couler que neuf navires marchands ennemis, soit environ 60 000 tonnes, avant de devoir lui-même se saborder au large de Montevideo parce qu’incapable de venir à bout de simples croiseurs britanniques porteurs d’un armement très inférieur au sien !

Exagérément coûteux et insuffisamment efficaces dans cette guerre de course pour laquelle ils ont pourtant été conçus (!), trop repérables par l’ennemi, trop vulnérables en cas de combat,… le bilan comptable des grands navires de surface est pour l’heure accablant et surtout aux antipodes de celui des U-boot ou même de simples cargos armés de quelques canons et ainsi transformés en corsaires, comme le Thor (qui s’adjugera 100 000 tonnes de navires marchands ennemis), l'Atlantis (146 000 tonnes) ou encore le Pinguin (qui parviendra à couler quelque 155 000 tonnes avant de succomber en mai 1941 sous les obus du croiseur britannique Cornwall).

Et un tel bilan n’a certes rien pour encourager le Führer à revenir sur sa décision de suspendre non seulement la construction de nouveaux bâtiments - comme les H39 prévus pour succéder au Bismarck - mais aussi d’achever celle de navires déjà lancés et quasiment terminés, comme le porte-avions Graf Zeppelin

dimanche 23 novembre 2014

4279 - triste choix

… Montevideo, 17 décembre 1939

Aux premières heures du 14 décembre, le Graf Spee, incapable de semer les deux croiseurs britanniques, et lui-même passablement malmené, est à présent en sécurité en Uruguay.

Au terme des lois internationales, ce pays neutre ne peut cependant lui accorder qu’un asile de deux jours, lequel sera finalement porté à trois mais sans que cela laisse de toute manière assez de temps pour effectuer les réparations nécessaires.

Ne reste alors plus le choix qu’entre se faire interner sur place jusqu’à la fin de la guerre, regagner le large et reprendre le combat non seulement contre ces deux croiseurs mais aussi contre tous les autres bâtiments en train d’accourir à leur appel,… ou procéder au sabordage.

La première éventualité étant interdite par l’Amirauté allemande, et la seconde rejetée par le commandant du Graf Spee (1),  place donc au sabordage.

Le 17 décembre, vers 20h00, sous les yeux des marins anglais incrédules, mais aussi de toute la population de Montevideo accourue au spectacle, d’immenses flammes jaillissent soudain du  Graf Spee qui, lentement, sombre dans l’estuaire

(1) après avoir opté pour le sabordage, et transbordé son équipage, le commandant Hans Wilhelm Langsdorff le suicidera le 20 décembre dans sa chambre d'hôtel...

samedi 22 novembre 2014

4278 - ... mais une fin abrupte

… sur le papier, et sauf en vitesse, aucun de ces trois croiseurs, déjà anciens, dépourvus de blindage, et ne portant que des canons de 203 (Exeter) ou 152mm (Ajax et Achilles), ne peut rivaliser avec le plus récent des Panzerschiffe allemands et ses pièces de 280mm.

Mais à la chasse, les chiens n'ont pas besoin d'être plus costauds que la bête qu'ils traquent : il leur suffit d'être plus nombreux.

Forcés d’engager trois cibles différentes en même temps, les canonniers allemands hésitent et changent plusieurs fois d'objectif avant de se concentrer sur l'Exeter, dont il réussissent à mettre les trois tourelles hors de combat, et à le contraindre à aller finalement se faire réparer aux Falklands, mais non sans avoir permis dans l'intervalle aux deux autres croiseurs de s'approcher à moins de 12 000 mètres, distance suffisante pour leur permettre d’utiliser leurs modestes pièces de 152mm.

Vers 07h30, les Britanniques, bien qu’ayant obtenu plusieurs coups au but, sont néanmoins trop endommagés pour poursuivre le combat et décident donc de décrocher sous un rideau de fumée, tout en continuant à pister le Graf Spee qui, incapable de les semer, embouche l’estuaire du Rio de la Plata et se réfugie à Montevideo (Uruguay) dans l’espoir d’y réparer ses avaries

Au large, en dehors des eaux territoriales, les deux croiseurs anglais commencent à monter la garde, tout en rameutant le ban et l'arrière ban de toute la Royal Navy...

vendredi 21 novembre 2014

4277 - un bon début...

… Rio de la Plata, 13 décembre 1939.

Contrairement à celles, vite avortées et pour le moins infructueuses du Deutschland mais aussi des Scharnhorst et Gneisenau dans l’Atlantique nord, la guerre de course du Graf Spee dans l’Atlantique sud s’est plutôt bien amorcée.

Après la longue attente du début de la guerre, consécutive aux atermoiements d’Hitler, le plus récent des Panzerschiffe allemand tombe, dès le 30 septembre, au large de Pernambouc (Brésil), sur le Clement, un 5 000 tonnes britannique, qui est promptement envoyé par le fond.

Quatre autres cargos, et 22 000 tonnes supplémentaires, succombent encore jusqu’au 22 octobre, lorsque le Graf Spee juge lui-même plus sage de disparaître pour quelques semaines dans l’Océan indien, histoire de se faire oublier des nombreux bâtiments français et britanniques lancés à ses trousses.

Après avoir avoir coulé le pétrolier Africa Shell au large de Madacascar le 15 novembre, il repasse dans l’Atlantique Sud et s’adjuge trois cargos supplémentaires, dont le dernier, le Streonshalh, tombe le 7 décembre.

Mais au matin du 13 décembre, les trois croiseurs du Commodore Harwood, qui depuis des semaines battaient en vain l’Atlantique, aperçoivent enfin le monstre, au large du Rio de la Plata...

jeudi 20 novembre 2014

4276 - une douloureuse comparaison

… Îles Feroé, 23 novembre 1939

L'U-47 et son commandant, Günther Prien, désormais célèbres dans toute l'Allemagne, le Deutschland rentré sain et sauf de l’Atlantique nord, mais avec un palmarès dérisoire et dans l'indifférence générale, le Scharnhorst et le Gneisenau vont maintenant s'efforcer de restaurer la réputation et l'honneur de la flotte de surface, en appareillant le 21 novembre pour leur première mission de guerre : une reconnaissance armée au large des Îles Feroé.

Dans la soirée du 23, leur route croise celle du Rawalpindi, un ancien paquebot de la P&O sur lequel les Britanniques ont boulonné huit vieux canons de 150mm pour le transformer en croiseur auxiliaire.

La lutte est évidemment inégale : malgré une défense héroïque - et même un coup au but sur le Scharnhorst ! - le malheureux paquebot, écrasé sous les obus de 280mm, coule en moins d’une heure, mais non sans avoir eu le temps de donner l’alerte et de rameuter une bonne partie de la flotte de surface alliée.

Inutile d’insister : de toute la vitesse dont ils sont capables, les croiseurs de bataille allemands battent aussitôt en retraite vers Wilhelmshaven, qu’ils réussissent à rallier dans la nuit du 27 novembre.

Toute victoire est certes bonne à prendre, mais contrairement à celle du U-47, celle-ci n’a vraiment rien pour enflammer l’imagination du Führer,... et d’autant moins que dans cette croisière de moins d’une semaine, les deux bâtiments ont eux-mêmes subi de lourds dommages, non pas du fait de leurs poursuivants, qui ne sont jamais parvenus à portée de tir, mais bien de la tempête, laquelle a fait rage pendant toute leur retraite, au point de les contraindre maintenant à entrer en cale sèche pour plusieurs mois afin d’y être remis en état et surtout de bénéficier de nouvelles modifications à leur étrave !

mercredi 19 novembre 2014

4275 - ... et aux résultats pitoyables

… Gotenhafen, 17 novembre 1939

Les gros navires de surface allemands sont pourtant spécifiquement taillés pour la guerre de course : ils sont plus rapides et/ou mieux armés que la quasi-totalité de leurs adversaires britanniques ou français et donc - théoriquement - en mesure d’engager ou de rompre le combat si et quand bon leur semble.

Le problème, c’est que les dits adversaires sont innombrables : sitôt connue la présence du Deutschland et du Graf Spee dans l’Atlantique, Paris et Londres ont en effet dépêché des flottilles entières de croiseurs, croiseurs de bataille et cuirassés avec pour mission de les intercepter !

Mais l’Atlantique est vaste, et en cette époque où les satellites d’observation relèvent encore de la science-fiction, et où les avions de reconnaissance à très long rayon d’action sont eux-même rarissimes, la seule manière de les retrouver repose toujours sur les yeux - et les jumelles - de vigies installées sur la passerelle ou en haut d’un mat.

Le Deutschland bénéficie de surcroît des tempêtes et des très mauvaises conditions de visibilité qui sévissent dans l’Atlantique nord en cette période de l’année.

Mais si ses adversaires franco-britanniques ne parviennent pas à le trouver dans la crasse et les embruns, le Panzerschiff allemand peine tout autant à y dénicher des proies, en sorte que lorsqu’il rentre finalement à Gotenhaffen (1) le 17 novembre, il n’a réussi à couler que deux malheureux cargos (2), pour un total de 8 000 tonnes, résultat en tout point pitoyable pour une croisière de trois mois et compte tenu des moyens investis par le Reich dans cette affaire !

Mais le pire est encore à venir…

(1) aujourd’hui Gdynia, Pologne
(2) le Deutschland avait également arraisonné le City of Flint, battant pavillon américain, donc neutre, au motif qu’il transportait « des marchandises de contrebande ». Mené par un équipage de prise, ce cargo avait finalement dû se réfugier en Norvège, où les autorités locales l’avaient alors saisi avant de le rendre à son équipage américain.

mardi 18 novembre 2014

4274 - ... soumise à une rude concurrence...

… Scapa Flow, 13 octobre 1939

Le 03 septembre 1939, le paquebot britannique Athenia a eu le triste privilège d’inaugurer la liste des navires envoyés par le fond, en succombant non pas sous les projectiles d'un gros bâtiment de surface allemand, mais bien sous les torpilles d’un sous-marin, preuve s'il en est besoin que les U-boot - ces mêmes U-boot dont la Grande-Bretagne a autorisé la reconstruction lors de la signature du Pacte naval du 18 juin 1935 ! - sont à nouveau dans la course. 

Et pour les cuirassés du monde entier, cette résurrection est d’autant plus inquiétante qu’elle entraîne bientôt la disparition de l’un des leurs.

Dans la nuit du 13 au 14 octobre, le sous-marin U-47 parvient en effet à se faufiler au beau milieu de la rade de Scapa Flow - soit au coeur de la plus importante base navale britannique ! - et même à y torpiller le Royal Oak un 30 000 tonnes de la classe Royal Sovereign qui, bien que modernisé entre 1934 et 1936, n’en disparaît pas moins sous les flots en à peine un quart d'heure, en même temps que quelque 800 officiers et marins.

Rentré sain et sauf à Wilhemshaven le 17 octobre, l’U-47 est applaudi par toute l’Allemagne,… y compris par l’équipage du Scharnhorst, aligné au grand complet sur le pont et invité à célébrer lui aussi la première "vraie" victoire de la Kriegsmarine, une victoire qui, bien sûr, comble Hitler de joie mais le pousse aussi à remarquer qu’elle a été obtenue non par un énorme navire de surface comme le Scharnhorst, mais bien par un minuscule sous-marin de seulement 700 tonnes.

Un bâtiment moins cher, plus facile et plus rapide à construire,… et dont personne ne s’apercevrait de l'éventuelle disparition…

lundi 17 novembre 2014

4273 - ... sous haute surveillance...

… 26 septembre 1939

Car Hitler, après avoir déjà investi énormément d’argent dans la reconstruction d'une flotte de combat, et pris goût aux formidables ovations accompagnant chaque lancement d’un gros navire de surface, est plus que jamais en proie au doute et à la crainte !

Cette ridicule poignée de navires peut-elle réellement - comme le lui assurent les amiraux - jouer un rôle utile dans cette guerre ?

Surtout, qu’arriverait-il si l’un ou l’autre d’entre eux venait à être gravement endommagé ou, pire encore, à disparaître sous les coups de l’ennemi ?

Avant-même le début du conflit, et histoire de minimiser les risques, le Führer a donc donné des ordres très stricts, qui interdisent aux commandants d’exposer leur précieux bâtiment au moindre péril !

Mais alors que le conflit a officiellement débuté depuis plus de trois semaines, et qu’ils sont eux-mêmes positionnés dans l’Atlantique depuis la fin du mois d’août, le Deutschland et le Graf Spee multiplient les ronds dans l’eau loin des routes maritimes, en attendant l’ordre qui leur permettrait de simplement entrer en action !

Et il faut attendre le 26 septembre avant que le grand-amiral Raeder, excédé par cet immobilisme, parvienne enfin, après un siège de plusieurs jours, à arracher à Hitler la précieuse autorisation qui va permettre aux deux Panzerschiffe de mener la guerre de course pour laquelle ils sont conçus.

Les résultats, hélas, vont s’avérer fort loin des attentes…

dimanche 16 novembre 2014

4272 - une guerre de course...

… 3 septembre 1939

La guerre a donc éclaté des années avant que la Kriegsmarine à laquelle rêvait le grand-amiral Raeder soit en mesure d’y faire face.

Et de fait, en ce mois de septembre 1939, tout ce dont elle dispose se résume à ses trois Panzerschiffe, aux deux Schlachtschiffe Scharnhorst et Gneisenau (qui terminent leurs essais en mer), ainsi qu’au croiseur lourd Admiral Hipper (qui vient à peine d’être admis en service actif) (1)

Avec d’aussi faibles moyens, pas question évidemment d’envisager une quelconque bataille rangée contre les Britanniques ou même les Français, ce pourquoi le Commandement a-t-il décidé de les engager isolément dans une guerre de course contre le trafic commercial ennemi.

Le 21 août 1939, le Graf Spee a donc quitté Wilhelmshaven pour aller se positionner dans l’Atlantique sud et y attendre le début de la guerre.

Trois jours plus tard, son jumeau Deutschland a quant à lui pris la direction de l’Atlantique nord, laissant l’Admiral Scheer et l’Admiral Hipper au mouillage de l’estuaire de la Jade.

Le 3 septembre, 48 heures après l’invasion de la Pologne et les premiers tirs du vieux Schleswig-Holstein, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne.

Dans l’Atlantique, les deux Panzerschiffe sont à présent prêts et impatients d'entrer en action

Mais rien ne se passe…

(1) les Prinz Eugen et Blücher ne sont pas encore entrés en service

samedi 15 novembre 2014

4271 - cette étrange et merveilleuse ironie

… Dantzig, 01 septembre 1939, 04h45

Le 01 septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne, précipitant quelques jours plus tard l’entrée de la France et de la Grande-Bretagne dans le conflit.

Mais par une de ces étranges et merveilleuses ironies dont l’Histoire militaire a le secret, les premiers obus de ce nouveau conflit sont tirés par l’antédiluvien pre-dreadnought Schleswig-Holstein qui, déjà obsolète lors de la Première Guerre mondiale - il a été lancé en 1906 - a survécu à celle-ci et va même réussir à survivre à la Seconde !

Utilisé pour l’entraînement depuis le début des années 1930, le  vieux cuirassé a en effet été remobilisé pour la guerre, ce qui lui permet de bombarder les positions polonaises - en particulier celles du Westerplatte - pendant plusieurs semaines.

En avril 1940, il participera encore brièvement à l’invasion du Danemark avant de retourner à ses missions d’entraînement, et finalement d’escortes de convois dans la Baltique, jusqu’à la fin de 1944.

Victime de l’Aviation britannique, puis sabordé par son propre équipage en mars 1945, il sera finalement renfloué par les Soviétiques, et utilisé par eux comme navire-cible jusqu’au milieu des années 1960

Étonnante et fort longue carrière pour un bâtiment qui aura ainsi survécu à bon nombre de ses homologues bien plus jeunes, et en particulier au plus récent des Panzerschiffe de la Kriegsmarine.

L’Admiral Graf Spee

vendredi 14 novembre 2014

4270 - se marquer à la culotte

… Newcastle-upon-Tyne, 21 février 1939

En termes de football, on dirait des cuirassés allemands et britanniques qu’ils se marquent à la culotte puisque le 21 février 1939, soit une semaine jour pour après celui du Bismarck, le King George V est lancé à son tour à Newcastle-upon-Tyne

Et le 3 mai, à Birkenhead, c’est au tour du Prince of Wales d’imiter le Tirpitz !

Mais comme leurs homologues et futurs adversaires allemands, ces deux nouveaux bâtiments en ont encore pour de longs mois avant d’être admis en service, le 01 octobre 1940 pour le premier, et le 19 janvier 1941 pour le second.

Là encore, la similitude avec les navires allemands (24 août 1940 pour le Bismarck, 25 février 1941 pour le Tirpitz) est parfaite et démontre autant l’incroyable complexité de ses grands navires que les ravages déjà exercés par la guerre sur les délais de livraison.

Et ces délais ne vont faire qu’empirer : bien que mis sur cales en mai, juillet et juin 1937, les trois cuirassés britanniques suivants - les Duke of York, Anson et Howe - ne seront lancés qu’en février et avril 1940, et n’entreront en service qu’en août 1941, avril et juin 1942.

Et côté allemand, la situation est pire encore puisque, bien que débutés à Hambourg le 15 juillet 1939, les travaux sur le premier H39 - successeur désigné du Bismarck - seront interrompus dès le 10 octobre, suite au déclenchement de la 2ème G.M., puis définitivement annulés en août 1941, après l’invasion de l’URSS, condamnant dès lors les Bismarck et Tirpitz à rester sans descendance…

jeudi 13 novembre 2014

4269 - un autre symbole, un autre défi

… Wilhemshaven, 01 avril 1939

Le 01 avril 1939, six semaines après celle du Bismarck, c’est au tour de son jumeau de goûter à la cérémonie du lancement, à Wilhelmshaven.

Une cérémonie aussi grandiose que la précédente, et une cérémonie toujours présidée par ce même Adolf Hitler qui, malgré ses doutes quant à la véritable utilité de ces mastodontes. n’en apprécie pas moins d’être à chaque fois ovationné par des dizaines de milliers d’Allemands enthousiastes.

Le Bismarck avait été baptisé par nulle autre que la petite-fille du défunt chancelier; celui-ci l’est par la propre fille du tout aussi défunt amiral von Tirpitz, laquelle lui donne évidemment le nom de son père et fondateur de cette Kaiserlische Marine qui, partie de rien, avait fini, sous son impulsion, par devenir la deuxième du monde, et par menacer sérieusement la suprématie jusque-là incontestée de la Royal Navy.

C’est un autre symbole, et un autre défi lancé à la face du monde.

Mais c’est un défi qui, lui aussi, va lui aussi devoir attendre un long moment - quasiment deux ans - avant de recevoir tous les équipements qui lui permettront enfin d’entrer en service...

mercredi 12 novembre 2014

4268 - sous les vivats de la foule en délire

… 13h34

Quelques après le discours du Führer, Dorothea von Loewenfeld lance la traditionnelle bouteille de champagne, laquelle se fracasse sur l’étrave du grand navire qui, lentement, majestueusement, sous les vivats de la foule en délire, et au son du Deutschland über alles, "l’Allemagne au-dessus de toutes autres nations", glisse vers les eaux sales de la rade.

Au même moment, les quelques ouvriers qui ont pris place à bord dévoilent, de chaque côté de l’étrave, un grand panneau en bois, frappé au nom de Bismarck, le "Chancelier de Fer" et premier unificateur de la Grande Allemagne.

C’est un symbole, mais aussi un défi lancé à la face du Monde…

Mais pour l’heure, le nouveau cuirassé Bismarck est encore loin de ressembler à un navire de guerre : ce n’est en effet qu’une immense coquille vide, que des remorqueurs vont bientôt hâler, puis amarrer quelques centaines de mètres plus loin à un quai qui, durant 18 mois, va voir défiler des centaines d’ouvriers chargés d’y installer les milliers de tonnes d’équipements divers - des canons aux chaudières en passant par les tourelles, les turbines, les engrenages et jusqu’aux matelas des marins - qui lui permettront, un jour, d’entrer en service…

mardi 11 novembre 2014

4267 - 'Puissent les marins allemands et les officiers qui, un jour, auront l’honneur de commander ce bâtiment, puissent-ils toujours se montrer dignes de son nom."

… Hambourg, 14 février 1939, 13h00

En cette belle matinée du mardi 14 février 1939 - jour de la Saint-Valentin - plus de 60 000 Allemands, hommes, femmes et enfants, se sont rassemblés aux environs de la cale de construction numéro 9 du chantier Blohm & Voss de Hambourg pour assister au lancement du plus récent et du plus gros cuirassé jamais construit en Allemagne.

Comme c’est la coutume, le nom de ce nouveau bâtiment n’est pas encore connu, bien que les initiés, qui savent déjà qu’il sera baptisé par nulle autre que Dorothea von Loewenfeld, petite-fille du défunt Chancelier Otto von Bismarck, peuvent naturellement s’en faire une idée…

Sur le coup de 13h00, un autre Chancelier d’Allemagne, Adolf Hitler en personne, monte à la tribune d’honneur, installée juste devant l’étrave de l’immense bâtiment.

 "Il y a 20 ans", déclare le Führer, "la flotte a rencontré son destin et a disparu des mers après quatre années de vaillants combats, et ceci continue aujourd’hui encore de toucher chaque Allemand au coeur. Six ans après la révolution nationale-socialiste, nous assistons aujourd’hui au lancement du troisième (1) et du plus grand cuirassé de notre flotte.

En tant que Chancelier et Führer du peuple allemand, je ne peux lui donner de meilleur nom de notre passé historique que celui de l’homme qui fut un chevalier sans peur dans une armure étincelante, le créateur du Reich allemand dont la clairvoyance nous a fournis les moyens de renaître d’une cruelle adversité

(…) Puissent les marins allemands et les officiers qui, un jour, auront l’honneur de commander ce bâtiment, puissent-ils toujours se montrer dignes de son nom. Puisse l’esprit du Chancelier de Fer les accompagner dans leurs agréables traversées du Temps de Paix, et puisse-t-il aussi les guider à faire leur devoir dans les moments de péril. C’est avec ces voeux que la Nation allemande salue son nouveau cuirassé Bismarck !"


(1) les deux autres étant les Scharnhorst et Gneisenau. L’auteur, pour sa part, les a toujours considérés comme des croiseurs de bataille, ce qui était également le cas de la Royal Navy durant la guerre.

lundi 10 novembre 2014

4266 - l'hypothèque fatale

… considérée sous le seul angle de la froide rationalité, l'analyse hitlérienne ne manque pas de logique, mais elle n'en jette pas moins la consternation parmi les invités présents qui, en arrivant à la Chancellerie du Reich, ne s'attendaient nullement à pareille issue !

Les objections les plus sérieuses émanent du trio Neurath/Blomberg/Fritsch, respectivement Ministre des Affaires étrangères, Ministre de la Guerre et commandant-en-chef de l’Armée de Terre, trois hommes qu’Hitler, qui n’aime pas qu’on le contredise, va pousser vers la sortie et remplacer dans les semaines suivantes lors de ce que l’on appellera "L'Affaire Blomberg/Fritsch" (1)

A vrai dire, le grand amiral Raeder n’est pas plus enthousiaste qu’eux à l’idée de partir en guerre aussi rapidement, c-à-d en pratique à se retrouver dans un nouveau conflit avec la France et la Grande-Bretagne, deux pays dont il est convaincu - n’en déplaisent aux assurances du Führer - qu’ils ne manqueront pas de se porter à la rescousse de leurs alliés tchèques ou polonais.

Mais du moins le grand-amiral a-t-il la sagesse de ne pas exprimer trop ouvertement ses opinions,… ce qui va ainsi lui permettre de conserver son poste jusqu’en janvier 1943 (2)

Reste que s’il n’est pas menacé pour l’heure, son énorme programme de reconstruction navale est désormais gravement hypothéqué, et même condamné à passer bientôt à la trappe…

(1) Saviez-vous que… 4002-4014
(2) le 14 janvier 1943, suite au fiasco de la Bataille de la Mer de Barents démissionna de son poste et fut remplacé par Karl Doenitz - à ce sujet : Saviez-vous que… le Crépuscule de la Kriegsmarine

dimanche 9 novembre 2014

4265 - l'arbitre suprême

… Berlin, 5 novembre 1937

En cet automne de 1937, alors que le Bismarck est toujours en construction à Hambourg, le grand-amiral Erich Raeder continue de se débattre pour obtenir le financement, la main d’oeuvre et l’acier indispensables à la réalisation de son gigantesque programme de réarmement, qui prévoit pas moins d'une dizaine de cuirassés et croiseurs de bataille à livrer avant 1945

S’agissant de l’acier, il a déjà exigé que lui soit accordée la priorité absolue, mais s’est aussitôt heurté à l’opposition virulente de ses collègues des autres armes, en sorte que chacun a fini par en appeler à l'arbitre suprême, autrement dit à Hitler lui-même.

En se rendant à la Chancellerie du Reich le 5 novembre 1937 pour cet arbitrage décisif, Raeder s'attend tout naturellement à livrer une rude bataille à ses collègues et rivaux Hermann Goering et Werner von Fritsch, respectivement Ministre de l'Économie et de l'Air, et commandant-en-chef de l'Armée de Terre.

Mais d’emblée, Hitler élude la question, et préfère exprimer, dans un effrayant monologue de plus de deux heures (!), sa propre "vision" socio-économique mais aussi, et surtout, ses intentions pour les années à venir.

Pour lui, il est clair que l'Allemagne n'a à présent plus d'autre choix, pour assurer sa simple survie, que de partir en guerre le plus rapidement possible, soit avant que la France et la Grande-Bretagne aient eu le temps de combler leur retard en matière de réarmement.

Le problème de "l'espace vital", déclare-t-il, doit impérativement être réglé, par la force, avant 1943, l'Autriche et la Tchécoslovaquie constituant à cet égard les premiers objectifs de conquête…

samedi 8 novembre 2014

4264 - "gravely undergunned"

… et de fait, à leur plus grand déplaisir, les Britanniques vont finir par être les seuls à mettre en service des bâtiments dotés de pièces de "seulement" 356mm.

Les (très rares) combats qui opposeront bientôt les cuirassés des deux camps démontreront que les résultats obtenus par ces "petits" 356mm valent pourtant ceux des "gros" 380 et 406mm, mais en cette fin des années 1930 où la puissance des Nations passe encore par la taille des canons, les nouveaux cuirassés britanniques ne payent pas de mine.

Churchill, en particulier, ne décolère pas, et considère, et considérera toujours, ces navires comme "gravely undergunned", "gravement sous-armés" (1)

Pour ne rien arranger, la volonté de maintenir le poids total aussi bas que possible a, dans un premier temps, poussé les architectes à grouper les douze canons prévus dans trois tourelles quadruples fort encombrées, et à la cinématique pour le moins complexe.

… sauf qu’en cours de route, les mêmes architectes se sont rendus compte que les bâtiments ainsi gréés seraient encore trop lourds, ce qui les a alors contraints à revenir sur la planche à dessins, et à remplacer une des tourelles quadruple par une tourelle double, conférant ainsi à ces malheureux navires une silhouette aussi étrange et disgracieuse que les Nelson et Rodney...

(1) Iain Ballantyne, Killing the Bismarck

vendredi 7 novembre 2014

4263 - un choix singulier

… Birkenhead, 01 janvier 1937

Le 01 janvier 1937, à Birkenhead et Newcastle-upon-Tyne, les travaux commencent sur le Prince of Wales et le King George V, les deux premiers cuirassés d’une nouvelle série de cinq, et les premiers mis en chantier en Grande-Bretagne depuis les Nelson et Rodney en… 1922 !

Mais bien qu’ultra-modernes, ces nouveaux bâtiments s’attirent vite les critiques, en particulier en raison de leur armement, composé de pièces de 356mm seulement.

Un choix qui semble aller à l’encontre de toute logique : pour leurs nouveaux bâtiments, Français et Italiens se sont en effet prononcés pour du 380mm, de même que les Allemands (ces derniers en attendant mieux), alors que les Américains ont opté pour du 406mm, et que les Japonais sont occupés à préparer en secret des "super-cuirassés" de 70 000 tonnes (les futurs Yamato et Musashi) dotés de pièces de 456mm !

En Angleterre-même, les vieux Queen Elizabeth, qui datent pourtant de 1916, emportent également du 380mm, de même que le Hood, alors que les Nelson et Rodney disposent quant à eux de pièces de 406mm !
En fait, et depuis des années, la Grande-Bretagne, dans un louable souci de ménager les contribuables, plaide à la fois pour le maintien du déplacement maximal des cuirassés à 35 000 tonnes, et pour une réduction du calibre de leur armement principal à 356mm

Le problème, c’est qu’en cette seconde moitié des années 1930, plus personne n’est disposé à "faire un geste" envers l’autre et en faveur de la Paix…

jeudi 6 novembre 2014

4262 - la sirène d'alarme

... à Londres, la mise en chantier des futurs Bismarck et Tirpitz a cette fois, et pour de bon, actionné la sirène d’alarme.

Certes, il faudrait des années d’efforts et d’investissements soutenus avant que les Allemands parviennent à atteindre le plafond de 35% défini par le Pacte naval du 18 juin 1935, mais à l’exception du Hood - qui date tout de même de 1920 ! - la Royal Navy ne possède pour l’heure aucun bâtiment qui, en vitesse comme en puissance de feu, puisse rivaliser avec ces deux cuirassés allemands.

Pour ne rien arranger, cette même Royal Navy doit également composer, en Méditerranée, avec les velléités de l’Italie et, dans le Pacifique, avec celles du Japon, deux nations qui, bien qu’alliées à la Grande-Bretagne en 1914, lui sont aujourd’hui de plus en plus hostiles, et viennent également d’initier un énorme programme de constructions de cuirassés.

L’un dans l’autre, il est donc urgent d’emboîter le pas, c-à-d de se lancer précisément dans cette ruineuse course aux armements navals qu’on avait absolument voulu éviter !

Mais pour sauver ce qui pourrait encore l’être, les nouveaux cuirassés que l’on s’apprête à mettre en chantier devront se contenter d’un armement à l’encontre de la tendance actuelle, ce qui va leur attirer bien des critiques…

mercredi 5 novembre 2014

4261 - Plan Z

… Hambourg, 01 juillet 1936

D’une réaction à l’autre, les travaux sur le premier "vrai" cuirassé allemand - un 42 0000 tonnes qui deviendra le Bismarck - débutent donc à Hambourg le 01 juillet 1936, et ceux d’un deuxième - le futur Tirpitz - à Wilhelmshaven, le 2 novembre de la même année.

Mais les militaires - allemands ou non - étant d’éternels enfants, voulant d’autant plus de jouets guerriers que ce sont pas eux qui sont appelés à en acquitter les factures !, ceux-ci ont déjà commencé à plancher sur leurs successeurs, les type H, lesquels - l’auriez-vous deviné - seront évidemment encore plus gros, plus puissants… et plus chers !

Les H39 sont ainsi prévus pour 56 000 tonnes et huit canons de 406mm, les H42 pour 90 000 tonnes et huit canons de 480mm, et les H44 pour… 130 000 tonnes et huit canons de 508mmm !

Et comme il n’est pas question de construire seulement des cuirassés, des plans globaux, eux aussi remaniés à plusieurs reprises mais toujours dans le sens de la surenchère, prévoient maintenant de reconstruire une flotte complète et surtout en mesure de rivaliser avec la Royal Navy britannique !
Le plus connu d’entre eux, le Plan Z, prévoit ainsi une flotte de dix cuirassés, trois croiseurs de bataille, quatre porte-avions et une vingtaine de croiseurs pour le milieu des années 1940 !

Personne, et surtout pas le grand-amiral Erich Raeder, ne se demande où l’on pourra bien trouver les capitaux - mais aussi l’acier - pour construire tout cela, et même Hitler, piégé tant par les réactions des Français et Britanniques à ses propres actions que par la popularité de ses immenses navires, même Hitler semble avoir perdu le contrôle…

mardi 4 novembre 2014

4260 - à quoi bon se priver...

… Brest, 22 octobre 1935

Dans les mois et les années à venir, beaucoup d’observateurs - à commencer par les français - considéreront le Pacte naval anglo-allemand comme une capitulation supplémentaire face à Hitler, voire comme une trahison.

A Londres, en revanche, on considère - à tort comme l’Histoire le démontrera - que ce pacte apaisera Hitler et ses revendications finalement légitimes, mais aussi - et cette fois à raison - qu’il faudra de toute manière de nombreuses années avant que l’Allemagne puisse seulement approcher le quota de "35%" qui lui a été consenti (1)

Reste que dans l’immédiat, cet accord offre à l’Allemagne la possibilité, à présent légale, de construire ce que bon lui semble
Et elle va d’autant moins s’en priver que les Français - toujours eux ! - réagissant à la mise en chantier des Scharnhorst et Gneisenau, mais aussi à l’accord anglo-allemand, ont décidé de construire quatre cuirassés de 35 000 tonnes dotés de huit canons de 380mm, dont le premier, le Richelieu, est mis sur cales à Brest le 22 octobre 1935 (2)

Les ingénieurs et architectes allemands, qui planchaient jusque-là sur des 35 000 tonnes dotés de pièces de 330mm, n’ont maintenant plus d’autre choix que de revoir leur copie, en y incorporant eux aussi des pièces de 380mm qui, on s’en doute, vont autant alourdir le poids que la facture de l’ensemble…

(1) de fait, ce quota ne sera jamais atteint, l’Allemagne ayant, dès septembre 1939, renoncé à développer sa flotte de surface.
(2) de ces quatre navires, seuls les Richelieu et Jean Bart seront achevés et mis en service, le second seulement dans l’après-guerre

lundi 3 novembre 2014

4259 - le Pacte naval

… Londres, 18 juin 1935

Le 2 juin 1935, l’ambassadeur plénipotentiaire - et futur Ministre des Affaires étrangères (1) - Joachim von Ribbentrop débarque donc à Londres pour négocier un traité de limitation des armements navals qu’Hitler est déjà tout disposé à accepter…  tout en se réservant comme de coutume le droit de le dénoncer si et quand bon lui semble !

Les Français, partenaires traditionnels des Britanniques et signataires, tout comme eux, tant de l’Armistice de 1918 que du Traité de Versailles de 1919 et de celui de Washington de 1922, n’ont cependant pas été invités, ni même consultés : en cette affaire, l’Angleterre, première puissance navale au monde mais déjà sur le déclin, fait cavalier seul,… ce que les Français ne vont pas manquer de lui faire bientôt payer.

Le 18 juin, après s’être enfin entendus sur les derniers détails techniques, Ribbentrop et le nouveau Ministre des Affaires étrangères britannique Samuel Hoare signent le Pacte naval germano-britannique, lequel autorise désormais le Reich à posséder jusqu’à 45% de la flotte sous-marine de la Grande-Bretagne, et jusqu’à 35% de sa flotte de surface.

Sans même l’avoir voulu, Hitler vient de remporter une victoire supplémentaire, et la route qui mène au Bismarck est désormais grande ouverte…

(1) le 4 février 1938, dans la foulée de l’affaire Blomberg-Fritsch, le Ministre des Affaires étrangères Konstantin von Neurath, jugé trop mou par Hitler, sera remplacé par Joachim von Ribbentrop

dimanche 2 novembre 2014

4258 - imiter ou limiter ?

… à Londres, cette nouvelle rivalité franco-allemande ne manque pas d’inquiéter responsables politiques et militaires.

Mais plutôt que de se relancer dans une ruineuse course aux armements navals, pourquoi ne pas tenter de négocier avec Herr Hitler un accord de limitation semblable à celui du Traité de Washington de 1922 ?

L’Allemagne, après tout, est le pays le plus peuplé d’Europe et, même s’ils ne l’admettent pas ouvertement, les diplomates britanniques sont prêts à reconnaître que les clauses navales du Traité de Versailles de 1919 - qui lui interdisent de posséder une flotte sous-marine et des navires de surface de plus de 10 000 tonnes - sont injustes et ont puissamment contribué à l’arrivée d’Hitler au Pouvoir.

Ce dernier, qui de toute manière n’a aucune intention de rebâtir une flotte aussi importante qu’en 1914, ne demande évidemment pas mieux que de négocier une "limitation" de celle-ci,… laquelle lui permettra de surcroît de rendre légaux a posteriori les Panzerschiffe et Schlachtschiffe que sa marine de guerre a déjà construit ou est occupée à construire,... mais aussi d’enfoncer un coin dans la traditionnelle alliance entre la Grande-Bretagne et la France..

samedi 1 novembre 2014

4257 - meilleurs mais insatisfaisants

… sur le papier, ces deux Schlachtschiffe sont supérieurs en tout point à leurs prédécesseurs

A 32 000 tonnes, ils sont en effet 2,5 fois plus lourds (ce qui autorise l’installation d’un blindage enfin convenable), mais aussi plus rapides d’au moins six nœuds (les diesel ayant été abandonnés au profit de traditionnelles turbines à vapeur), et dotés d’un armement bien plus puissant (9x280mm et 12x150mm contre 6x280mm et 8x150mm)

En pratique, pourtant, ils ne donneront jamais satisfaction à la Kriegsmarine (1)

Dès leur mise en service, en mai 1938 et juin 1939, on se rendra  en effet compte qu’ils tiennent très mal la mer, et en particulier qu’ils n’apprécient pas la forte houle, laquelle noie régulièrement la tourelle "A".

Il faudra donc les renvoyer d’urgence en chantier naval pour qu’ils se fassent tous deux poser une nouvelle étrave qui, bien qu’efficace, ne résoudra jamais complètement le problème.
Et dans les rares combats dans lesquels ils seront engagés, on s’apercevra également que leurs canons de 280mm, bien que modernes et à longue portée, "manquent de punch" par rapport à ceux des "vrais" cuirassés et croiseurs de bataille anglais (2)

Des "vrais" cuirassés, du reste, la Kriegsmarine est déjà occupée à y songer…

(1) la Reichsmarine était devenue Kriegsmarine le 21 mai 1935
(2) pour l’analyse des Scharnhorst et Gneisen : Saviez-vous que… Auf einem seemannsgrab da blühen keine rosen