mardi 31 décembre 2013

3952 - les coudées franches

.. nantis de l'indispensable blanc-seing du Reichstag, les Nazis ont à présent les coudées franches pour gouverner et imposer à l'Allemagne des réformes qui auraient encore paru inconcevables quelques mois auparavant.

De fait, dès le 1er avril suivant, le boycott des magasins juifs est organisé dans tout le pays; le 2 mai, les syndicats sont officiellement interdits et dissous; le 22 juin, le parti social-démocrate se voit à son tour interdit; le 14 juillet, le NSDAP devient  le seul parti politique autorisé en Allemagne, une réalité que de nouvelles élections, organisées le 12 novembre suivant, légitimeront a posteriori, en lui offrant quelque 92% des suffrages...

Dans le même temps, la traque aux "ennemis de l'Etat" peut désormais s'effectuer sans contrainte,... ou du moins sans autres limites que celles que les Nazis s'imposent eux-mêmes

En Bavière, Heydrich  exige ainsi de ses subordonnés qu'ils traitent les personnes arrêtées "avec la sévérité nécessaire mais jamais avec malice ou brutalité inutile"

(...) Ce qui motivait ses ordres n'était pas la compassion envers les détenus mais le désir d'une discipline plus stricte, et une préoccupation quant à l'image de la SS auprès du public. Il voulait que la police politique nazie soit crainte par ses ennemis pour son efficacité et son caractère implacable, mais il voulait aussi que le "bon citoyen" sache qu'il n'avait rien à craindre de son organisation. La perception par le monde extérieur lui importait bien davantage que l'amère réalité à laquelle étaient confrontés les détenus derrière les grilles fermées des camps" (1)

(1) Gerwarth, op cit, page 69

lundi 30 décembre 2013

3951 - "nous n'osons pas nous dérober"

... de tous les petits partis courtisés - ou plutôt menacés - par Hitler afin qu'ils lui octroient la majorité des deux-tiers, le Zentrum social-chrétien constitue sans conteste l'objectif principal.

(...) S'agissant de la position de l'Église catholique, [les promesses de Hitler] semblaient apporter les garanties qu'avait exigé le Zentrum dans ses discussions avec Hitler. Les députés de ce parti, qui se réunirent avant le vote, étaient malgré tout divisés. Si la loi d'habilitation ne passait pas, il était question de guerre civile, de recours à la force. 

Une fois encore, la tactique hitlérienne du chantage implicite avait payé. Le chef du parti, le prélat Ludwig Kaas, plaida que "la patrie courait les plus graves dangers. Nous n'osons pas nous dérober". 

Non sans formuler les plus grandes réserves, et exprimer leurs sentiments de responsabilité envers la Nation, d'autres personnalités de premier plan, tels Heinrich Brünning (ancien Chancelier) et Joseph Ersing (l'un des syndicalistes les plus éminents du parti) lui apportèrent finalement leur soutien, suivis par les autres députés du Zentrum

(...) Sous un tonnerre d'applaudissements des députés du NSDAP, Hitler regagna la tribune (...) "En cette heure, nous en appelons au Reichstag et lui demandons de nous accorder ce que nous aurions pu prendre de toute manière" (...) Kaas, pour le Zentrum, déclara que son parti était prêt à voter le texte; d'autres chefs de parti en firent autant, puis le projet fut mis aux voix. Par 441 voix contre 94, celles des socio-démocrates, le Reichstag, instance démocratique, avait voté sa mort" (1)

(1) Kershaw, op cit 663-664

dimanche 29 décembre 2013

3950 - la force de la persuasion...

... le 21 mars 1933, "Hindenbourg regarda défiler la troupe et les "associations nationales" SA, SS et Stahlhelm (...) Deux jours plus tard, c'est un Hitler, de nouveau en chemise brune et impérieux, qui entra au Kroll Opera de Berlin, où se tenaient désormais les séances du Reichstag. Sous les acclamations des rangs serrés des députés nazis en uniforme, il venait proposer la loi d'habilitation qu'il réclamait depuis novembre. 

Pour leurs adversaires, en particulier pour les députés du SPD, le climat était menaçant. Une svastika géante dominait la salle. Des hommes en armes de la SA, de la SS et du Stalhlen gardaient toutes les issues et cernaient l'édifice. Ils donnaient aux députés un aperçu de ce qui allait suivre si la loi d'habilitation ne recueillait pas suffisamment de voix. En l'absence des 81 députés communistes arrêtés ou en fuite, les Nazis avaient maintenant la majorité. Mais l'adoption d'une telle loi nécessitait une majorité des deux tiers" (1)

(...) "Afin d'obtenir la majorité des deux-tiers, Frick (2) avait calculé que, si l'on décomptait purement et simplement les députés communistes, il suffirait de 378 voix et non plus 432. Au besoin, ajouta Goering, on pourrait éjecter de la chambre quelques socio-démocrates. La "révolution légale" des nazis ne s'embarrassait guère de la légalité

(...) Le Ministre de l'Intérieur du Reich proposa également une manipulation éhontée de la procédure du Reichstag afin de s'assurer de la majorité qualifie requise. Les députés absents sans excuse seraient considérés comme présents (...) L'absentéisme comme forme de protestation était donc exclu.

(...) La voie était dégagée. Dans l'après-midi du 23 mars 1933, Hitler s'adressa au Reichstag. Après avoir dressé un tableau sinistre de la situation dont il avait hérité, le programme qu'il esquissa dans son discours tactiquement habile de deux heures et demie restait au niveau des généralités. (...) A la fin de son discours, Hitler fit des concessions apparemment importantes. Ni le Reichstag ni le Reichsrat, assura-t-il, n'étaient menacés dans leur existence (...) les droits des Églises ne seraient pas réduits, ni leurs relations avec l'État modifiées" (3)

(1) Kershaw, op. cit. page 661
(2) Ministre de l'Intérieur de 1933 à 1943, Wilhelm Frick joua un rôle-clé dans l'élaboration des lois raciales (dites "lois de Nuremberg") de 1935, et dans celles relatives à "l'action d'euthanasie" (ou "action T4") de 1939, avant de se voir confier le "Protectorat de Bohème-Moravie", en mai 1942, après l'assassinat de Reynhard Heydrich 
(3) Kershaw, ibid, 662-663

samedi 28 décembre 2013

3949 - Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich vom 24. März 1933

... avec 44% des suffrages aux élection du 5 mars, et l'appui des 8% de ses partenaires nationalistes, Adolf Hitler peut à présent gouverner seul et sans trop se soucier des convenances démocratiques. 

Mais le Führer vise bien plus haut : il veut le Pouvoir absolu et sans partage, un Pouvoir que le Reichstag nouvellement élu va lui offrir sur un plateau d'argent, en votant la Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich vom 24. März 1933, ou "Loi du 24 mars 1933 édictée en vue de remédier à la détresse du peuple et du Reich". ... 

Hitler pourrait sans doute s'emparer du dit Pouvoir par la force, mais l'armée régulière - celle de Weimar - demeure fidèle au vieux Président Hindenburg et, de toute manière, la désastreuse expérience du"putsch de la Brasserie" de novembre 1923 l'a convaincu de privilégier les moyens légaux,... à défaut d'être légitimes.

Pour obtenir ce qu'il veut, le Führer va donc réclamer du Reichstag une "loi spéciale d'habilitation" qui ne peut cependant être octroyée que moyennant un vote aux deux-tiers de l'assemblée, tâche a priori impossible puisque les Nazis, même avec le soutien de leurs alliés nationalistes, ne représentent qu'un peu plus de la moitié des parlementaires. 

Même l'éviction des députés communistes, à présent emprisonnés ou en fuite, ne modifie pas suffisamment la donne. 

Et comme le ralliement des socio-démocrates du SPD - que Hitler haït presque autant que les Juifs et les communistes - est par principe exclu, ne reste donc plus aux Nazis qu'à "persuader" les nombreux petits partis siégeant au Reichstag à voter en faveur du projet...

vendredi 27 décembre 2013

3948 - l'heure d'Heydrich

... 5 mars 1933

En Bavière, le succès des élections du 5 mars permet enfin à la SS - jusque-là extraordinairement discrète - de jouer un rôle : après s'être vu confié le poste de chef de la police de Munich, Himmler prend bientôt le contrôle de toute la police politique de Bavière, qu'il confie immédiatement à Heydrich (9 mars), lequel, avec sa détermination coutumière, entreprend alors de la transformer en appareil répressif modèle, recrutant avec soin ses subordonnés, parmi lesquels figure un certain Heinrich Muller qui, dans quelques années, deviendra le patron de la tristement célèbre Gestapo.

Muller n'est pas nazi (1) mais qu'importe : Heydrich, dont le nazisme et l'antisémitisme véritables sont pour le moins sujets à caution, Heydrich - et c'est une autre de ses particularités - s'intéresse bien davantage aux compétences et à l'efficacité de ses collaborateurs qu'a leurs opinions idéologiques...

Dans le même temps, le premier véritable "camp de concentration" est inauguré à Dachau, à une quinzaine de kilomètres de Munich, ouvrant la voie, et servant de modèle, à tous ceux qui vont suivre dans les années à venir.

Si l'ordinaire de ce premier camp est déjà extraordinairemnt brutal, et si les décès par maladie, inanition ou "accident" n'y sont pas rares, Dachau n'est cependant pas un "camp de la Mort" puisque les détenus finissent toujours - du moins à cette époque - par en sortir, mais après un délai plus ou moins long et surtout parfaitement arbitraire, allant de quelques jours  à... plusieurs années !

Celui qui entre à Dachau connaît la date de son incarcération, mais jamais celle de sa possible libération qui, lorsqu'elle survient, le pousse - et c'est bien là l'intérêt du système - à se montrer reconnaissant envers ses geôliers et le régime politique qui l'a pourtant expédié en enfer et qui peut à tout moment l'y renvoyer sans jugement et pour une durée tout aussi indéterminée...

(1) Heinrich Müller ne deviendra membre du parti nazi qu'en mai 1939

jeudi 26 décembre 2013

3947 - un rôle mineur

... si son nom glacera bientôt d'effroi l'Europe entière, Heydrich, comme du reste la SS dans son ensemble, ne joue paradoxalement qu'un rôle mineur dans les premières semaines qui suivent l'assermentation d'Hitler, se contentant fort modestement de préparer le déménagement du siège central du SD vers Berlin.

Dans un premier temps, l'incendie du Reichstag ne modifie en rien la situation puisque ce n'est pas la SS mais bien la police régulière - celle de Weimar - aidée de bataillons entiers de volontaires SA qui se charge de traquer, d'arrêter et d'incarcérer des dizaines de milliers de communistes et de sympathisants supposés.

Organisées immédiatement dans la foulée de l'incendie et du décret légalisant la "chasse aux rouges", les élections au Reichstag du 5 mars vont cependant propulser le NSDAP  à un niveau historique de 44% des suffrages, et constituer pour Hitler un véritable plébiscite légitimant a posteriori sa politique et ses actions.

Dans les années qui vont suivre, cette forme très particulière de gouvernement, où un coup de force liberticide et/ou contraire au Droit international et aux traités se trouve immédiatement suivi d'un plébiscite populaire qui l'entérine, cette forme très particulière de gouvernement va en quelque sorte devenir la "marque de fabrique" du régime.

Mais en ce début de mars 1933, la principale préoccupation du Führer et  de ses séides est plutôt de consolider de toute urgence un Pouvoir encore fragile, que continuent de menacer sinon les communistes du KPD, du moins les socio-démocrates du SPD ainsi que, plus généralement, tous ceux qui, à l'image de von Papen, et parce qu'ils n'ont jusque-là soutenus le nazisme que de bout des lèvres et uniquement comme bouclier contre le bolchevisme, risquent à tout moment, cette menace désormais écartée, de se retourner contre eux...

mercredi 25 décembre 2013

3946 - "un asile d'aliénés"

... 28 février 1933

A côté du Reichstag en flammes, l'anarchie règne en maître. 

"Lorsque Rudolf Diels, plus tard premier chef de la Gestapo prussienne, voulut informer Hitler de l'interrogatoire de Van der Lubbe, il trouva le Chancelier du Reich dans un état voisin de l'hystérie. Il essaya de lui expliquer que l'incendie était l'oeuvre d'un "détraqué", mais Hitler lui coupa brutalement la parole, hurlant que c'était un coup préparé de longue date. Il fallait pendre les députés communistes séance tenante, affirma-t-il d'un ton rageur. Il fallait être aussi impitoyable envers les socio-démocrates et le Reichsbanner. 

 (...) Si bon acteur fut-il, Hitler ne simulait pas. Il n'était pas non plus assez maître de ses nerfs pour lui donner des ordres clairs. C'est Goering qui inonda Diels d'un flot anarchique d'instructions, ordonnant la mise en état d'alerte maximale de la police, l'emploi sans restriction des armes à feu, et l'arrestation massive des communistes et des socio-démocrates. A en croire Diels, on se serait cru dans un asile d'aliénés" (1) 

Le 28 février 1933, un décret d'urgence "pour la protection du peuple et de l'État" est enfin rédigé en bonne et due forme, lequel suspend toutes les libertés fondamentales, dont la liberté d'expression et d'association, et permet l'arrestation - légale - des communistes, ...y compris de ceux siégeant comme députés au Reichstag ! 

L'heure d'Heydrich vient de sonner... 

(1) Kershaw, op cit, page 651

mardi 24 décembre 2013

3945 - le momentum


...  Hitler est  sans doute bien moins intelligent, et sans conteste bien moins instruit, que von Papen et la plupart des Conservateurs allemands.

Mais c'est aussi un homme qui, depuis l'échec du putsch de la brasserie, a toujours fait preuve de flair et d'un remarquable sens de l'opportunisme.

De fait, sitôt Marinus Van der Lubbe arrêté, et son passé de militant communiste  connu, le Führer y voit l'occasion rêvée pour obtenir enfin ce Pouvoir absolu après lequel il court depuis des années,

Après guerre, beaucoup considéreront évidemment la réaction foudroyante d'Hitler et de ses partisans comme la preuve indubitable d'un complot qu'ils auraient eux-mêmes orchestré.

Mais pas plus qu'il n'existe de preuve de l'implication directe du KPD dans l'incendie du Reichstag - tous les indices recueillis démontrant au contraire que Van der Lubbe avait agi seul et de sa propre initiative - il n'existe à ce jour aucune preuve impliquant directement Hitler ou le NSDAP dans ce même incendie.

"Les chefs nazis étaient tous convaincus que l'incendie était le signal d'un soulèvement communiste : une "ultime tentative", selon les mots de Goebbels, pour semer la confusion par le feu et la destruction afin de s'emparer du Pouvoir à la faveur de la panique générale. Parmi les dirigeants du parti nazi, comme parmi les membres non-nazis du gouvernement national, avait grandi la peur que les communistes ne demeurent pas les bras croisés et ne tentent un coup de force avant les élections" (1)

Et puisque, selon la célèbre maxime de Lovecraft, "la plus puissante et la plus ancienne émotion humaine est la peur", ces chefs ne vont certes pas laisser passer l'occasion de l'exorciser une fois pour toutes !

"C'était le début du soulèvement communiste, prétendit Goering. Il n'y avait pas une minute à perdre. "C'est un signe de Dieu, Herr Vice-Chancelier, confia Hitler à Papen. "Si ce feu, comme je le crois, est l'oeuvre des communistes, nous devons écraser cette peste meurtrière d'une poigne de fer !" (2)

(1) Kershaw, op. cit., page 649
(2) ibid, page 651

lundi 23 décembre 2013

3944 - un plan bien trop optimiste

... Berlin, 27 février 1933

En politique comme à la guerre, la première victime de la bataille est toujours le plan de la bataille.

Le plan de Papen et des conservateurs implique en effet qu'Hitler et son parti vont à présent se comporter exactement comme ils "doivent" se comporter et, surtout, qu'aucun événement aussi majeur qu'imprévisible ne viendra brouiller les cartes dans les semaines et les mois à venir.

Compte tenu des passions et des violences qui, depuis des années, déchirent la fragile République de Weimar, et ont déjà fait des milliers de morts et de blessés, c'est tout de même un pari extraordinairement risqué et, de fait, c'est un pari que ces joueurs vont perdre moins d'un mois plus tard, et plus précisément dans la soirée du 27 février 1933...

Arrivé à Berlin une dizaine de jours plus tôt, Marinus Van der Lubbe est un obscur militant communiste dont l'Histoire n'aurait jamais retenu le nom s'il n'avait décidé de commettre un acte spectaculaire destiné à "galvaniser la classe ouvrière [allemande] et l'inciter à se battre contre la répression dont elle était victime" (1),

"Dans la soirée du 27 février, Putzi Hanfstaengl (2) (...) avait dû garder le lit dans sa chambre de la résidence officielle de Goering, où il s'était temporairement installé, au voisinage immédiat du Reichstag. En milieu de soirée, il fut réveillé par les cris du gardien : le Reichstag était en feu (...) il se rua sur le téléphone pour appeler Goebbels. Essoufflé, il lui expliqua qu'il devait parler d'urgence à Hitler (...) "Dites-lui que le Reichstag brûle" "C'est une blague ?", demanda Goebbels. Convaincu que ce n'était qu'une "élucubration", celui-ci refusa d'abord d'en faire part à Hitler. Mais, vérification faite, la nouvelle était vraie. Sur ce, Goebbels et Hitler traversèrent Berlin en trombe. Sur place, ils y trouvèrent Goering "dans tous ses états"" (3)

Le Reichstag, ultime symbole de la sociale-démocratie tant haïe des Nazis, le Reichstag est en flammes...

(1) et (3) an Kershaw, Hitler, volume 1, page 649
(2) Ernst ("Putzi") Hanfstaengl était un amateur d'Art et un riche éditeur germano-américain, devenu l'un des favoris de Hitler dès le début des années 1920. Tombé en disgrâce à partir de 1933 à la suite de ses fréquentes disputes avec Goebbels, il fut finalement contraint à l'exil, puis emprisonné par les Britanniques de 1939 à 1942. Libéré, il retourna aux États-Unis où, pour le compte de l'OSS, il dressa alors la biographie et les portraits psychologiques des nombreux leaders nazis qu'il avait côtoyés durant une quinzaine d'années

dimanche 22 décembre 2013

3943 - le "gouvernement de concentration nationale"

... 30 janvier 1933

En ce mois de janvier 1933, la droite traditionnelle allemande ressemble à s'y méprendre au bottin mondain : aristocrates, grands bourgeois, banquiers, industriels, tous sont convaincus de ne faire qu’une bouchée de ce fils de paysans autrichiens, de cet obscur caporal de 1914, de cet arriviste nommé Adolf Hitler !

Le 30 janvier 1933, Hitler, après deux tentatives avortées, accède enfin au but et se voit nommé Chancelier par le Président Hindenburg, au sein d’un "gouvernement de concentration nationale" dominé par les Conservateurs, tous gens très intelligents ayant, malheureusement pour eux, tous gravement sous-estimé le flair et le sens tactique de ce petit moustachu atrabilaire qui, loin de se laisser manœuvrer par eux, les manœuvre en réalité depuis des années !

Trois ans plus tôt, devant un tribunal de Leipzig, Hitler a affirmé sur l’honneur que le NSDAP ne cherchait nullement à parvenir au Pouvoir par des voies illégales. 

Maintenant qu’il y est parvenu par des moyens légaux, à défaut d’être entièrement légitimes, il pourrait sans doute, et sans se parjurer d'aucune façon, faire remarquer qu’au fond, il n’a jamais promis d’y demeurer légalement par la suite...

samedi 21 décembre 2013

3942 - la solution du pis-aller

... 4 janvier 1933 

En ce 4 janvier 1933, c'est un Adolf Hitler sûr de lui et de sa "bonne étoile" qui rencontre l'ancien Chancelier Franz von Papen au domicile du banquier Kurt Von Schröder, à Cologne. 

D'emblée, Von Papen, qui, pensant se défaire du NSDAP avait démissionné de son poste le 17 novembre précédant, propose la Chancellerie à Hitler, lequel, dubitatif, lui fait aussitôt observer que le Président Hindebourg a déjà, et par deux fois, refusé sa candidature à ce poste, qu'il a d'ailleurs confié au général Von Schleicher à peine deux mois auparavant ! 

Von Papen se fait pourtant fort de convaincre le premier à démissionner, et le second à accepter la candidature du Führer du NSDAP. 

Dans son esprit, et dans celui de la plupart des conservateurs, cette solution ne constitue il est vrai qu’un pis-aller transitoire, destiné à ramener le calme et un peu de stabilité politique dans un pays déchiré et qui ne cesse de voguer de crise en crise. 

Du reste, cet aristocrate, diplomate puis politicien de carrière est convaincu de parvenir à manœuvrer facilement ce petit parvenu autrichien, naturalisé allemand à peine un an auparavant : ne prendra-t-il pas lui-même le poste de vice-chancelier, tandis que le NSDAP devra se contenter, en plus d’Hitler, de deux uniques porte-feuilles ministériels, pour Wilhelm Frick et Hermann Goering ?

vendredi 20 décembre 2013

3941 - l'impasse

... avec un NSDAP incapable de prendre le Pouvoir seul mais parfaitement en mesure de faire tomber n'importe quel gouvernement quand bon lui semble - ce dont il ne se prive d'ailleurs pas - la situation politique paraît sans issue, ce pourquoi, en août 1932, le Président Hindenburg, surmontant ses réticences et son aversion personnelle envers Hitler, a-t-il décidé de proposer la Vice Chancellerie au Führer, lequel, parce qu'il ne rêve que de la première place et n'entend certes pas se contenter d'un strapontin, l'a dédaigneusement rejetée. 

Le mois suivant, le Chancelier Von Papen a alors dissout le Reichstag, pensant ainsi, à la faveur de nouvelles élections, se débarrasser du NSDAP,... lequel, malgré un important recul, est pourtant demeuré premier parti d’Allemagne !

Face à cet échec, c'est maintenant au tour de Von Papen de présenter sa démission, le 17 novembre suivant !

Deux jours plus tard, plusieurs industriels menés par Hjalmar Schacht (futur Président de la Reichsbank), supplient alors Hindenburg de nommer Hitler au poste de Chancelier.

Mais ce dernier refuse une fois de plus d’en entendre parler et porte plutôt son choix sur le général Von Schleicher, lequel, comme il fallait s'y attendre, s'avère à son tour incapable de former un gouvernement.
  
L’impasse est donc totale, et l’interminable succession d’élections depuis 1928 n’a certes pas redoré le blason de la Démocratie auprès des électeurs allemands qui, par ailleurs pris à la gorge par la Crise économique mondiale, sont désormais mûrs pour un changement radical de régime...

jeudi 19 décembre 2013

3940 - tout n'est pas encore joué...

... automne 1932

En cet automne 1932, le parti nazi est à son apogée : profondément restructuré en 1925 après le lamentable échec du putsch de l’année précédente, progressivement expurgé des derniers cadres contestant le leadership d’Hitler, ce parti, qui n’avait remporté que 2.6% des suffrages aux élections de 1928, a en effet multiplié son score par sept - à 18.3% - aux élections de 1930, et l’a encore doublé - à 37.3% - à celles de juillet 1932 !

Mais les choses ne pourtant pas si simples car, lorsqu'il s'est présenté en personne à la présidentielle de mars-avril 1932, Adolf Hitler a été largement battu par le vieux maréchal Paul von Hindenburg - ne recueillant que 37% contre 53% - et, aux élections législatives de novembre 1932, le NSDAP, bien que demeurant premier parti politique d’Allemagne, a reculé pour la première fois, à seulement 33% des suffrages.

Dit autrement, les nazis ont désormais "fait le plein" de voix, en sorte que  la perspective de prendre le Pouvoir par le biais d’élections régulières risque bel et bien de demeurer un rêve à jamais impossible.

Tout cela ne manque évidemment pas d'inquiéter Heydrich et un SD qui, faute d'argent (1), éprouve à présent les pires difficultés à rétribuer son personnel, et voit même brièvement son téléphone coupé pour causes de factures impayées ! 

Reste que s'il ne peut plus guère espérer prendre le Pouvoir seul, le NSDAP conserve néanmoins un importance pouvoir de nuisance, c-à-d la capacité d'empêcher par sa seule présence la constitution d’un gouvernement raisonnablement stable...

(1) les dépenses de fonctionnement du SD étaient en effet payées par le parti et la SA



mercredi 18 décembre 2013

3939 - l'épée de Damoclès

… dans quelques années les Lois de Nuremberg définiront le statut légal - et racial - des Juifs mais aussi, et peut-être surtout, celui des Mischlings, autrement dit des métis dans les veines desquels coule une proportion variable de "sang juif".

Au terme des dites Lois, et si le grand-père paternel de Reinhard Heydrich avait réellement été un serrurier juif du nom de Gustav Robert Süss, Reinhard lui-même aurait alors été catalogué comme "Mischling au second degré" (un seul grand-parent juif), ce qui ne l'aurait certes pas expédié dans un camp d'extermination mais l’aurait sans nul doute chassé de la SS, tout en l’empêchant par ailleurs de poursuivre quelque carrière que ce soit au sein du Troisième Reich.

On a coutume d’affirmer - mais sans preuve irréfutable - qu'à partir de 1931 et de son intronisation comme chef du SD, cette rumeur "d'être un Juif", contre laquelle il se défendait d'ailleurs depuis l'enfance, aurait constamment aiguillonné Heydrich - dont l'antisémitisme personnel n'avait jusque-là jamais été démontré - à redoubler d'efforts pour identifier, expulser, déporter, et finalement exterminer jusqu'au dernier représentant de cette race honnie.

On tient également pour acquis - mais peut-être à tort - que cette rumeur persistante de "judéité" était en fait savamment entretenue et encouragée par Himmler, voire par le Führer en personne, l'un et l'autre ayant de forts bonnes raisons de craindre le Pouvoir, et l'appétit de Pouvoir, de ce subalterne ô combien zélé et capable dont ils ne voulaient cependant - parce qu'ils en avaient besoin et qu'il était tout simplement le meilleur dans son domaine - se débarrasser en l'expulsant purement et simplement hors du mouvement nazi.

Dans ce contexte, la "judéité" d'Heydrich aurait alors constitué une bien commode épée de Damoclès constamment suspendue au-dessus de la tête de ce dernier, comme pour lui rappeler jusqu'où ne pas aller trop loin à l'égard de ses maîtres...

mardi 17 décembre 2013

3938 - quant la rumeur reprend vie

… mais l'ascension fulgurante d'Heydrich n'est pas sans susciter bien des jalousies au sein d'un parti nazi qui, à l'image de son chef suprême Adolf Hitler, est régi par les préceptes on-ne-peut-plus darwinistes du chacun pour soi et du triomphe du plus fort.

Rien d'étonnant dès lors à ce que les rumeurs sur la "judéité" d'Heydrich repartent de plus belle : le 6 juin 1932, citant la fameuse édition de 1916 du Musik Lexikon d'Hugo Riemanns, le Gauleiter de Halle-Magdeburg affirme en effet que le père d'Heydrich est un juif.

Dans cette République de Weimar qui jette ses derniers feux, être un quart, un demi, ou même un Juif entier, tout cela ne constitue pas un crime, et l'on trouve d'ailleurs de nombreux Juifs dans la Fonction publique, la Magistrature ou encore la Police.

Mais au sein d'un mouvement politique - le parti nazi - qui prône la pureté raciale et prêche déjà un antisémitisme forcené, et au sein d'une formation paramilitaire - la SS - qui se définit elle-même comme la crème de la crème, l'élite morale et raciale du dit parti, pareille tare serait en revanche inconcevable, a fortiori pour un homme occupant une position-clé comme celle d'Heydrich !

Immédiatement mis sur l'affaire, le généalogiste en chef du parti blanchit officiellement l’intéressé deux semaines plus tard, mais la rumeur, elle, ne s'éteindra jamais complètement et, jusqu'à sa mort, en 1942, reviendra même régulièrement le hanter, le poussant peut-être - comme beaucoup l’affirment - à déployer encore plus d'efforts pour persécuter les Juifs, histoire de bien démontrer à chacun qu'il n'en est pas un...

lundi 16 décembre 2013

3937 - un avancement météorique

... Printemps 1932

Et le bonheur de Reinhard Heydrich ne s'arrête pas là : déjà promu Hauptsturmführer-SS (capitaine) le 19 décembre, le voilà catapulté Sturmbannführer-SS (major) à peine une semaine plus tard, à l'occasion de son hyménée !

Pour l'heure, et bien qu'assortie d'une légère augmentation de salaire, cette nouvelle nomination demeure largement honorifique - la République de Weimar ne reconnaissant pas, et pour cause (!), les grades d'organisations paramilitaires plus ou moins interdites par la Loi - mais pour cet ancien Lieutenant chassé de la Marine pour inconduite, elle passe à bon droit pour une douce revanche sur le Destin.

Dans le même temps, le SD, ce service né au coin d'une table et par le seul souvenir de la lecture de romans d'espionnage, le SD continue, lentement mais sûrement, d'étoffer ses effectifs, à peine gêné par la décision du Chancelier Heinrich Brüning d'interdire tant la SA que la SS en avril,... une interdiction que le nouveau Chancelier Franz Von Papen lève dès le mois de juillet suivant !

De nouveau légal, le SD dispose à présent de huit employés à temps plein à son quartier-général munichois, des employés qui s'empressent de célébrer la nouvelle promotion de leur chef au rang de Standartenführer-SS (colonel) 

Dans le même temps, la situation politique générale ne cesse de se détériorer : en prévision des élections générales du 31 juillet, nazis et communistes s'affrontent désormais ouvertement dans les rues en véritables batailles rangées, lesquelles vont faire plus d'une centaine de morts et plusieurs milliers de blessés...

dimanche 15 décembre 2013

3936 - un avenir enfin prometteur

... 26 décembre 1931

A la fin décembre, les incessants efforts d'Heydrich pour convaincre les hauts dirigeants du NSDAP, à commencer par Himmler, de la présence d'innombrables "ennemis de l'intérieur" au sein du mouvement, ces efforts ont commencé à porter leurs premiers fruits, puisque le SD dispose à présent d'une cinquantaine d'agents disséminés à travers toute
l'Allemagne.

Et si la paye d'Heydrich lui-même est encore modeste, ses perspectives d'avenir semblent en tout cas suffisamment prometteuses pour convaincre sa belle-famille de lui laisser épouser Lina, à qui il passe finalement la bague au doigt le 26 décembre 1931.

Comme Heydrich n'est déjà plus un inconnu chez les cadres et militants du NSDAP, le jeune couple bénéficie même d'une garde d'honneur de SS et de SA qui, pour la circonstance, et en dépit de l'interdiction officielle (1), n'ont pas hésité à endosser leur plus bel uniforme.

Et comme le nazisme se promet de créer bientôt une "Nouvelle Allemagne", c'est naturellement au son du Horst Wessel lied, et non de la marche nuptiale de Mendelssohn, que les nouveaux mariés sortent triomphalement de l'église.

Tout un symbole...

(1) à plusieurs reprises durant son existence, la République de Weimar, fit interdire les rassemblements en uniforme des militants communistes ou nazis dans une tentative désespérée pour rétablir la paix sociale en Allemagne. Ces interdictions furent à chaque fois aussi discrètement levées qu'elles avaient été bruyamment promulguées
(2) Obscur militant de la SA, Horst Wessel fut assassiné à Berlin le 23 février 1930 par des militants communistes pour une sombre affaire de proxénétisme auxquels les Nazis s'empressèrent bien entendu de donner une signification politique, érigeant en hymne semi-officiel du parti la chanson écrite un an auparavant par l'intéressé

samedi 14 décembre 2013

3935 - un défi colossal

... Munich, août 1931

En ce mois d'août 1931, Reinhard Heydrich se retrouve en tout cas confronté à ce qui constitue sans doute le plus grand défi de sa vie : bâtir un Service de Renseignements efficace à partir de rien, avec des moyens ridiculement modestes et, surtout,... sans aucune connaissance personnelle du domaine si ce n'est ce qu'il a pu glaner ici et là à la faveur de ses lectures de romans d'espionnage !

Ce "Service de Sécurité" - le Sicherheitsdienst, ou SD - a dores et déjà deux objectifs, à savoir, d'un côté, la collecte de tout renseignement utile sur les "ennemis" communistes du KPD ou socio-démocrates du SPD - et, de l'autre, la traque aux indicateurs de police, aux communistes, bref à tous les "traîtres" tapis au sein d'un parti nazi lui-même en pleine expansion.

Vaste programme, et objectif d'autant plus ambitieux que les effectifs du SD se limitent pour l'heure... à Heydrich lui-même qui, dans son minuscule bureau munichois, ne bénéficie que de l'aide fort limitée d'une secrétaire à temps partiel !

Mais non content d'être beaucoup plus intelligent que son chef en titre, Heydrich est aussi un homme obstiné et méthodique, qui a vite l'idée de constituer un système de classement des "ennemis politiques" basé sur des fiches cartonnées à index multiples.

Même si on est encore à des années-lumières de notions comme "l'informatisation" ou les "bases de données croisées", le système mis en en place par Heydrich dans les classeurs de son petit bureau munichois va rapidement prendre de l'ampleur et faire preuve d'une redoutable efficacité... 


vendredi 13 décembre 2013

3934 - un univers en expansion

... lorsque Himmler en avait pris le commandement, au début de 1929, la Schutzstaffel comptait moins de 300 hommes.

En juin 1931, au moment ou le nouveau "chef du renseignement" Heydrich rejoint ses rang, la SS a déjà connu une hausse considérable de ses effectifs, qui se chiffrent à présent à quelque 10 000 hommes.

Pour une simple milice privée toujours contrainte d'évoluer au sein des institutions légales de la République de Weimar, cette force paraît pour le moins impressionnante, mais elle demeure pourtant insignifiante en regard de la Sturmabteilung d'Ernst Röhm, autant partenaire obligée que rivale féroce, laquelle en aligne... dix fois plus !

Mais cette SS - nous parlons ici de la SS des débuts - bien plus élitiste dans sa philosophie et bien plus sévère dans son recrutement, s'avère en revanche bien plus facile à gérer au plan organisationnel et hiérarchique que la SA, constamment tiraillée entre diverses tendances, sans même parler des problèmes d’ego de ses membres.

Dit autrement, la SS, de par son homogénéité, sa discipline et son obéissance aveugle à Himmler - et à travers lui au Führer lui-même - la SS, bien que dix fois moins étoffée, constitue une arme autrement plus efficace et redoutable que la SA, ce qui, comme nous allons le voir,... et grâce à l'aide précieuse de Reinhard Heydrich, va bientôt précipiter la perte de cette dernière...

jeudi 12 décembre 2013

3933 - les jeux sont faits

... contrairement à ce que l'on aimerait croire tant cela s'avérerait plus rassurant pour l'idée que chacun d'entre nous se fait du genre humain et de son devenir, ce n'est donc ni une "prédisposition naturelle à faire le Mal", ni une "famille désunie et dysfonctionnelle", ni "l'influence de mauvais camarades", ni même une "mauvaise éducation" qui a finalement poussé le jeune Reinhard, enfant, adolescent puis jeune-homme romantique, sensible et doué pour les sports et la musique, à endosser l'uniforme noir du terrifiant Heydrich, celui que l'on surnommera bientôt "bourreau d'Hitler", "démon blond", "boucher de Prague" ou encore, et sans conteste le moins pire des qualificatifs jamais portés à son endroit, "homme au coeur de fer" : c'est, tout bonnement, le hasard pur et les circonstances du moment.

Sans la Grande Guerre qui l'a empêché de poursuivre une carrière de musicien et de perpétuer ainsi la tradition familiale, sans la Grande Dépression qui a ruiné sa famille en même temps que  l'Allemagne toute entière, sans sa rencontre avec Lina von Osten, jeune-fille aussi charmante que nazie convaincue, sans celle, tout aussi décisive, avec Heinrich Himmler, chef d'une minuscule SS alors en quête d'un "spécialiste des Renseignements" alors qu'il n'était lui-même qu'un modeste officier radio, sans son incroyable succès à un examen d'embauche pour lequel il n'était pourtant nullement qualifié, et sans, finalement, son renvoi de la Marine, qu'il jugeait, à tort ou à raison, si injuste et si insultant qu'il ne pouvait chercher qu'à en tirer revanche, sans tout cela, donc, Reinhard ne serait jamais devenu Heydrich, et le cours de l'Histoire aurait été, sinon radicalement changé, du moins profondément modifié.

Mais désormais, les jeux sont faits et, à moins d'un événement exogène et qui ne se produira pas - c-à-d l'échec d'Hitler lui-même à s'emparer du Pouvoir en janvier puis, surtout, en mars 1933, après le mystérieux et spectaculaire incendie du Reichstag - la "fusée Heydrich" ne déviera plus de la trajectoire où elle vient d'être lancée et sur laquelle elle va petit-à-petit prendre de la vitesse...

mercredi 11 décembre 2013

3932 - la chute du côté obscur

... à  seulement 180 Reichsmarks par mois, et à une époque où un travailleur qualifié peut espérer en gagner plus de 220, le salaire du nouveau "Chef " d'un "Service de Renseignement de la SS" qui n'existe même pas encore, ce salaire peut sembler modeste et, du reste, Reinhard, n-a-t-il pas, et à plusieurs reprises, refusé des offres financièrement plus avantageuses ?

Mais contre toute attente, ce jeune-homme romantique qui, il y a encore quelques semaines, n'éprouvait que mépris pour les partis politiques et qui considérait Adolf Hitler comme rien moins qu'un simple "caporal de Bohème", Reinhard, donc, s'empresse pourtant d'accepter l'offre d'Himmler en raison "de son désir d'impressionner sa [future] femme et sa belle-famille avec un travail dans le mouvement politique qu'ils soutenaient, de la nature quasi-militaire du poste, et de l'attrait d'un nouveau défi au sein d'une organisation révolutionnaire qui rejetait ce même système politique [la social-démocratie de la République de Weimar] qui, de son point de vue, venait précisément de mettre un terme définitif à sa carrière jusque-là assurée d'officier de Marine (2)

Le 14 juin 1931, dans un petit élevage de poulets près de Munich, le destin futur de millions d'hommes, de femmes et d'enfants vient de basculer.

Sans le savoir lui-même et, surtout sans jamais l'avoir voulu, Reinhard a chuté du côté obscur.

Il est devenu Heydrich...

(1) ibid, page 52

mardi 10 décembre 2013

3931 - l'examen d'embauche

... "Depuis qu'il avait pris la tête de la SS (a l'époque encore peu nombreuse), le désir d'Himmler de la transformer en une organisation vouée à l'élite raciale s'était matérialisé dans l'introduction de critères physique de recrutement. Il considérait "l'Aryen" comme le summum du genre humain, qui se distinguait de lui-même des malades et des "races inférieures". Il voulait des hommes grands et aux yeux bleus, capables de présenter un arbre généalogique exempt de toute "origine raciale inférieure".

(...) sans surprise, Himmler fut fort impressionné par le jeune candidat qui se présenta devant lui dans l'après-midi du 14 juin 1931. Grand blond aux yeux bleus de près d'un mètre quatre-vingt-dix, Heydrich surpassait même les stricts critères de recrutement de la garde personnelle d'Hitler : la Leibstandarte Adolf Hitler" (1)

Reste que le premier est à la recherche d'un "spécialiste du Renseignement" alors que le second n'est qu'un officier radio. Qu'importe : en vingt minutes, et avec un aplomb inouï, le second entreprend de dresser le schéma organisationnel du service de Renseignement que lui réclame le premier !

"Sans aucune expérience préalable dans le domaine de l'espionnage, Heydrich se basa sur les connaissances minimales acquises lors de ses années de lecture de romans bon marché et réussit à emballer ses suggestions pour le futur service de Renseignement de la SS dans une phraséologie militaire convenable. 

(...) le Reichsführer-SS fut impressionné et décida de l'engager au détriment du second candidat, un ancien capitaine de Police nommé Horninger" (2)

(1) Gerwarth, op.c cit, page 50
(2) ibid, page 51

lundi 9 décembre 2013

3930 - numéro 554 916

...  Munich, 14 juin 1931

Il était peut-être inévitable, finalement, que le petit et très myope Heinrich Himmler, complexé par son physique ingrat, ses carences sportives, son peu d'assurance avec les femmes, et son consternant manque de charisme, il était peut-être inévitable qu'il ait immédiatement succombé au charme de Reynhard Heydrich et à son profil de demi-dieu aryen lorsqu'il le rencontra, à son élevage de poulets près de Munich, le 14 juin 1931.

Himmler, déjà en proie à la folie des grandeurs, et donc bien décidé à développer "sa" SS dans toutes les directions possibles et imaginables, Himmler, donc, était alors à la recherche d'un "spécialiste du renseignement" même si cela impliquait - mais n'anticipons pas - d'entrer en concurrence, et même en conflit, avec des officines - comme l'Abwehr - déjà bien établies et ayant précisément cette mission dans leurs attributions.

Pour entrer dans la SS, la première condition - du moins à cette époque - était cependant d'être membre en règle du parti national-socialiste, ce qui avait d'ailleurs poussé le très apolitique Reinhard a s'y affilier (1) deux semaines plus tôt, soit le 1er juin 1931, sous le numéro 554 916.

Mais il fallait aussi des lettres de recommandation, qu'un ami de la famille bien introduit dans la SS avait présenté à Himmler en insistant lourdement sur le fait que l'officier des transmissions Reinhard était en réalité un "expert du renseignement" avec "trois ans d'expérience à l'Etat-major" (2)...

(1) bien qu'en progression constante depuis 1920, où le parti ne comptait que quelque 2 000 membres, les affiliations au NSDAP ne décollèrent vraiment qu'après l'arrivée d'Hitler au Pouvoir, passant de 800 000 membres à l'été 1932 à 1 600 000 le 30 janvier 1933 et à 2 500 000 le 1er mai de la même année. En mai 1939, le NSDAP comptait 5 300 000 adhérants, et 8 500 000 au début de 1945 !
(2) Robert Gerwarth, op. cit., page 48

dimanche 8 décembre 2013

3929 - aucune chaleur, aucune séduction

.... autant Hitler suscite l'adulation des foules par son charisme personnel, et autant Heydrich incarne l'idéal aryen par son physique de demi-dieu blond, autant Himmler s'avère insignifiant et provoque l'ennui chez tous ceux qui le rencontrent.

Le Gauleiter du NSDAP de Hambourg se souviendra ainsi longtemps des six heures de voyage qu'il dut passer en sa compagnie dans un compartiment de chemin de fer.

"Himmler ne dégageait aucune chaleur ni aucune séduction (...) il se comportait d'une manière extrêmement abrupte et directe : il fanfaronnait avec des manières de soudard en tenant des propos antibourgeois, alors qu'il était visible qu'il ne cherchait qu'à masquer son manque d'assurance et sa maladresse.

Mais c'était supportable à la rigueur. En revanche, ce qui a fait de lui un compagnon de voyage presque insupportable, c'est le flot d'idioties et de paroles sans queue ni tête qu'il m'a infligé à jet continu.

Aujourd'hui encore, je crois pouvoir dire sans exagérer que jamais un homme de formation supérieure ne m'a servi un tel concentré d'inepties politiques. Ses développements étaient un étrange méli-mélo de rodomontades martiales, de verbiage de Café du Commerce, et de prophéties dignes d'un prédicateur illuminé" (1)

(1) Knopp, op. cit. page 100

samedi 7 décembre 2013

3928 - un bien étrange chef

... si la SS est vite devenue le vecteur-par-excellence de l'image du mâle aryen sûr de lui et dominateur, son chef en est pourtant l'antithèse absolue.

A vrai dire, la vie sexuelle d'Himmler est presque aussi étrange que celle d'Hitler lui-même (1) 

Tout le monde s'accorde en effet à penser que le petit chef brun de cette formation de grands et virils guerriers blonds n'a en effet connu sa première expérience sexuelle qu'à l'âge de 28 ans, à l'occasion de son mariage avec Margarete Siegroth, par ailleurs de 7 ans son aînée, et qu'il a rencontrée en 1926.

Autre et saisissant paradoxe : alors qu'Himmler et sa SS commencent à faire trembler l'Allemagne, et bientôt l'Europe entière, le Reichsführer-SS est, dans l'intimité de son foyer, et s'il faut en croire Henriette von Schirach (2), un homme effacé et sous la domination totale de son épouse, laquelle, il est vrai, a maintes raisons de lui en vouloir, et notamment celle d'avoir englouti sa dot dans un élevage de poulets qui finira par faire faillite...

De leur union est née une fille, Gudrun, qui restera leur unique enfant, et envers qui Himmler a toutes les qualités du père et même de l'époux-modèle, ce qui ne l'empêchera pourtant pas, en 1940, devenu de facto le numéro deux de l'Allemagne nazie, de se commettre avec une de ses secrétaires, Hedwig Potthast, dont il aura deux enfants, lesquels, et comme il n'est évidemment pas question d'envisager le divorce, resteront illégitimes...

(1) Saviez-vous que... "Hitler et les femmes"
(2) épouse de Baldur von Schirach, chef des Jeunesses hitlériennes, et, peut-être, ancienne maîtresse d'Hitler

vendredi 6 décembre 2013

3927 - "faire partie de l'Histoire"

... le 9 novembre 1923, à Munich, devant l'ancien Ministère de la Guerre bavarois, Himmler a brandi fièrement l'étendard de la révolte.

Mais si le "putsch de la brasserie" a lamentablement échoué,  et valu à son chef et instigateur, Adolf Hitler, un procès public et plusieurs mois d'incarcération à la prison de Landsberg, Himmler en a pourtant tiré une intense satisfaction personnelle : pour la première fois de sa vie, il a en effet eu l'impression de "faire partie de l'Histoire" et d'avoir participé à un "grand événement".

Laissé libre en raison de son jeune âge et de son insignifiance, il n'en est pas moins retourné  à l'anonymat durant quelques mois, avant de réintégrer le NSDAP à la libération d'Hitler.

Ayant profité de son incarcération pour réfléchir sur les causes de son échec, qu'il a attribué en grande partie au manque de professionnalisme de la SA, le Führer s'est juré d'en extrapoler une version plus réduite - la future Schutzstaffel - cette fois entièrement dévouée à sa cause.

Cette conception élitiste convient parfaitement à Himmler qui, en 1926, et un peu par hasard, s'est retrouvé chef-SS du district de Haute-Bavière. 

S'il n'est nullement impressionnant sur le plan physique, Himmler est en tout cas un homme loyal, qualité qui lui a valu d'obtenir, un an plus tard, sa nomination comme Reichsführer-SS adjoint et, en janvier 1929, Reichsführer-SS, suite à la démission de Ehrard Heiden.

A cette date, la SS compte moins de 300 hommes, toujours subordonnés à la SA d'Ernst Röhm, qu'Hitler a par ailleurs sorti de son exil bolivien, où il se morfondait depuis l'échec du putsch de 1923...

jeudi 5 décembre 2013

3926 - dispensé de bière

.. frustré par l'Armistice, le jeune Himmler, a alors décidé, faute de mieux, d'épouser la cause des Freikorps tout en poursuivant des études d'agronomie.

Bien qu'il se soit inscrit dans une dizaine d'associations étudiantes, il n'est pourtant pas parvenu  à s'y faire un nom,... sauf en ce qui concerne son consternant manque de résistance à la bière qui, dans ces milieux à la fois virils et très arrosés, lui a à nouveau valu les railleries de ses condisciples, auxquels il a fini par présenter un certificat médical "d'irritation à l'estomac" qui, s'il lui a valu "dispense de bière", n'a certes pas contribué à le rendre plus populaire.

Pour compenser, Himmler a commencé à lire, en particulier la littérature antisémite : commentant en 1924 un pamphlet de la Ligue nationale-raciste allemande de protection et de défense, il a noté "Une brochure magnifique. La dernière partie surtout, qui dit comment il est possible de corriger la race, est d'une magnifique, d'une haute valeur morale" (1)

Sorti ingénieur agronome en 1922, il a continué de fréquenter divers cercles politiques mais manquant toujours de repères personnels, a fini par frapper à la porte du NSDAP, qu'il a intègré en 1923 tout en continuant à fréquenter d'autres cercles politiques, en particulier l'Artamanenbund, ou "Ligue des Artamanen", une des nombreuses composantes de la culture völkisch (2)

Dans son journal, il a déjà exposé sa propre vision du paradis terrestre, ou plus exactement des colonies germaniques qu'il conviendrait d'implanter à l'Est : "Entre les villages militaires des gens "de sang nordique", on trouverait des camps de "travailleurs esclaves qui, quelles que soient les pertes, construisent nos villes, nos villages, nos fermes" (3)

On n'est pas très loin de la "Solution finale au problème juif"...

(1) Knopp, op. cit. page 92
(2) bien que jamais démontrée, l'appartenance de Himmler à la Société de Thulé, autre groupuscule politico-ésotérique de la culture völkisch, est également fréquemment évoquée
(3) Knopp, page 94

mercredi 4 décembre 2013

3925 - la quintessence de l'abjection

... à la tête de la SS, un petit homme chétif, myope, affublé d'une moustache aussi ridicule que celle du Führer - auquel il a juré obéissance.

Heinrich Himmler

Quintessence-même de l'abjection, Himmler est né à Münich en 1900, dans une famille de la petite bourgeoisie.

Élève appliqué et très sensible, sa constitution fragile l'a fréquemment exposé aux railleries de ses condisciples, et au mépris de ses professeurs d'éducation physique. 

Enthousiasmé, comme tant d'autres Allemands, par le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il a cependant dû attendre 1917 pour rejoindre les rangs d'une école d'officiers, où l'Armistice l'a surpris avant qu'il ait eu le temps de rejoindre le Front, ce qui, pour lui, a constitué une double humiliation, puisqu'en plus de faire naître la conviction "d'avoir été trahi par les Juifs et les Communistes", cet  Armistice l'a constamment l'exposé aux railleries de ses futurs camarades du NSDAP qui pour la plupart, et à l'image de Röhm, Goering, et bien entendu Hitler lui-même, ont combattu durant la Grande Guerre.

Cette mortification "d'être arrivé trop tard" a rapidement poussé Himmler à s'inventer une biographie imaginaire, et à se présenter publiquement comme un "ancien combattant" d'un Front où il n'a pourtant jamais mis les pieds...

mardi 3 décembre 2013

3924 - deux lettres blanches sur fond noir

... la première SS était née en 1923, sous le nom de Stosstrupp Hitler (ou"peloton de choc de Hitler") lorsque le parti nazi, dont ce dernier avait pris la tête deux ans plus tôt, s'était rendu compte que la personne de son chef constituait un capital aussi précieux que fragile, donc à protéger à tout prix.

A l'origine, sa seule fonction était donc d'assurer en permanence la sécurité personnelle du "Chef" dans ses moindres déplacements.

"Seuls étaient acceptés ceux qui "avaient fait leurs preuves" en tombant à bras raccourcis sur les opposants dans les meetings du Munich post-révolutionnaire. "La force est notre droit", telle était leur devise sans équivoque, et ils convainquaient leurs adversaires à coups de "gommes" et de "briquets" ainsi qu'ils baptisaient cyniquement leurs matraques et leurs pistolets. Un symbole spécifique décorait leurs uniformes (…) la tête de mort avait été empruntée aux troupes d'élite de l'armée. Depuis des siècles, il passait pour un signe d'indéfectible loyauté envers le chef de corps" (1)

Dévouée à Hitler jusqu'à la Mort, n'obéissant qu'à lui, et opérant déjà en marge des "chemises brunes" (les militants armés de la SA), cette poignée d'hommes, véritables gardes prétoriens, avait constitué l'embryon de la célèbre Schutsztaffel, ou SS, dont les effectifs avaient considérablement augmenté tout au long des années suivantes, mais dont la tâche essentielle était toujours d'assurer la sécurité d'Hitler contre ses ennemis, de l'intérieur comme de l'extérieur.


"La SA, c'est la troupe; la SS, c'est l'élite", disait-on à l'époque. Et de fait, les critères de recrutement dans la SS étaient bien plus sévères que dans la SA ou même l'armée régulière de la petite République de Weimar.

Pour entrer dans la SS, il ne fallait pas seulement satisfaire à des critères de taille et d'aptitude physique. Il fallait aussi, du moins à cette époque, être en mesure de démontrer son attachement personnel au nazisme ainsi que son"aryanité" sur plusieurs générations. Le verdict final en cette matière revenant toujours au déjà grand-maître de la SS (et ancien de la SA) Heinrich Himmler, qui épluchait personnellement chaque dossier de candidature...

(1) Guido Knopp, La SS, page 27

lundi 2 décembre 2013

3923 - faute de mieux

.... depuis le milieu des années 1920, la Sturmabteilung (1) ou SA avait vu croître ses effectifs de façon spectaculaire, passant de quelques milliers à soixante mille hommes en 1930, puis à plus de cent cinquante mille l'année suivante.

Placés sous le commandement d'Ernst Röhm, un ancien capitaine de la 1ère G.M. puis des Freikorps, cette milice privée en uniforme brun jouait depuis toujours les "gros bras" au profit du parti nazi, assurant la sécurité lors des meetings, "persuadant" les indécis à voter pour le NSDAP en périodes d'élections,....et faisant régulièrement le coup-de-feu avec les communistes du KPD, qui disposait de milices semblables.

Pour une telle formation, un jeune et fringuant lieutenant comme Reinhard ferait sans nul doute une recrue de choix, c'est du moins ce que pensent plusieurs amis de la famille, qui sont prêts à le parrainer dans cette voie, et aussi Lina, qui commence à désespérer de voir un jour son beau promis en mesure de lui passer  la bague au doigt...

Mais Reinhard - soulignons-le à nouveau - est loin d'être enthousiaste et ne va finalement se rallier à l'idée qu'après s'être vu offrir un poste beaucoup plus prometteur au sein de la hiérarchie du parti nazi, un poste toujours paramilitaire, mais au profit cette fois d'une formation aux effectifs beaucoup moins étoffés mais beaucoup plus élitistes que la SA...

... la Schutzstaffel (2), plus connue sous son acronyme de SS...

(1) littéralement "section d'assaut"
(2) littéralement "échelon de protection"

dimanche 1 décembre 2013

3922 - un bien sombre avenir

... Pour Reinhard, ce renvoi de la Marine constitue sans doute ce que sa future épouse qualifiera plus tard dans ses mémoires de "coup le plus dur de toute sa vie" (1), et un coup aux conséquences si importantes pour la suite des événements qu'on peut le comparer à celui reçu par l'apprenti artiste Adolf Hitler le 8 octobre 1908, après son échec à l'examen d'entrée de l’Académie des Beaux Arts de Vienne.

Envolée la sécurité d'emploi et la belle ambition de devenir un jour amiral !

Après avoir vainement tenté une procédure d'appel auprès du Président Hindenburg, Reinhard doit se rendre à l'évidence et se chercher une nouvelle ambition et surtout un nouvel emploi dans une Allemagne qui, après le terrible coup de l'Armistice de 1919 subit à présent de plein fouet les effets de la gigantesque crise économique de 1929 : au printemps de 1931, soit au moment où Reinhard append son congédiement, le pays compte pas moins de 4,5 millions de chômeurs; encore six mois et ce chiffre atteindra la marque des 6 millions !

Et pas question de faire appel à la famille pour obtenir un quelconque soutien financier : en déclin continu depuis l'Armistice, le Conservatoire de Halle est à présent proche de la faillite, et Bruno Heydrich contraint de renoncer à sa maison et à toute domesticité.

Pour ne rien arranger, Reinhard lui-même s'ingénie à balayer du revers de la main les rares offres d'emploi qu'il reçoit et qu'il juge par trop indignes de lui, ce qui, par voie de conséquence, renvoie aux Calendes grecques toute idée de mariage et de félicité conjugale...

(1) cité par Robert Gerwarth, op. cit., page 44