... Dans "Le Grand Amour", qui marqua l'apogée de la carrière de Zarah Leander, le moment le plus surréaliste est assurément celui où la star, au moment d'entonner sa chanson "Je sais qu'un jour surviendra un miracle", apparaît sur scène au milieu de femmes au visage dissimulés par des boas en plumes.
"Le problème (...) était de trouver des femmes aussi volumineuses que Zarah elle-même pour produire une image homogène et esthétique", expliqua le comédien Wolfgang Preiss. Mais on ne les a pas trouvées. Alors on est allé chercher les SS de la Leibstandarte Adolf Hitler [la garde personnelle du Führer] : ils avaient une stature de garde du corps et mesuraient tous la même taille (...) il suffisait de signer un ordre de mission pour les envoyer sur le plateau, et cela permettrait d'éviter de payer des figurants. Voilà pourquoi on ne trouve qu'une seule femme dans ce plan : Zarah, au milieu du ballet. Tous les autres étaient des travestis".
Des travestis recrutés parmi la fine fleur de la SS, celle qui s'était taillée une réputation de cruauté implacable en traquant notamment les homosexuels et... les travestis !
"Comme comédien, j'étais un parfait inconnu", raconta Wolfgang Preiss. "Alors que j'avais déjà revêtu mon uniforme de colonel, je suis passé devant le vestiaire des figurants (...) L'adjudant m'a vu et a hurlé "Garde à vous !", et ils se sont tous immobilisés comme ils étaient, en robe, avec leurs perruques, de travers, à moitié maquillés ou en sous-vêtements (...) J'ai dit aussi naturellement que possible "Repos, continuez", mais intérieurement, j'étais mort de rire".
Aussi grotesque et idéologiquement absurde que fut cette scène, elle n'empêcha pas le film d'obtenir la mention "de grande valeur pour la politique de l'État, l'Art et la Nation".
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