... aussi populaire que fut le régime nazi parmi le peuple allemand, la répression n'en était pas moins indispensable à sa survie.
Les médias désormais contrôlés par le Ministère de la Propagande, les syndicats supprimés, les églises sévèrement contrôlées, les principaux opposants politiques éliminés, emprisonnés ou contraints à l'exil, ne restait plus pour menacer la pérennité de l'Ordre nouveau que l'écrasante majorité des citoyens ordinaires.
Mais il n'était nul besoin de transformer l'Allemagne entière en une gigantesque prison, ni de placer un policier derrière chaque Allemand adulte : le traditionnel sens civique, le non moins traditionnel respect de l'Autorité, ainsi que les bonnes vieilles rivalités et jalousies, allaient faire de chaque Allemand l'auxiliaire passif, sinon volontaire,
de sa propre répression.
En 1937 par exemple, la Gestapo ne disposait que de 126 officiers pour surveiller les agissements des 500 000 habitants de Düsseldorf, de 43 à Essen pour 650 000 habitants, et... de 22 à Würzburg, pour les 840 000 habitants de toute la basse Franconie (!)
Impossible, dans ces conditions, de repérer les "éléments subversifs" en s'en remettant au seul flair des rares agents en place. La loi sur les
"comportements malveillants" du 21 mars 1933 allait s'en charger, et être à l'origine d'une gigantesque vague de dénonciations, le plus souvent anonymes.
Partout dans le Reich, des centaines de milliers de dénonciations furent ainsi collectées. Dans les archives de la seule Gestapo de Düsseldorf, on retrouva après guerre 72 000 dossiers de dénonciation, sans compter les quelque 30 000 qui auraient disparu (!)
Chacun dénonçait son voisin, son collègue, son copain de bistrot, qu'il
soupçonnait "d'activités subversives", ou dont il voulait, plus prosaïquement, se venger pour des raisons futiles.
Et puisque chacun se transformait en mouchard, tout le monde apprit à raser les murs, à garder profil bas, à éviter tout comportement ou propos susceptible de porter à controverses. Il suffisait désormais à la Gestapo d'opérer une descente de temps à autre, et de procéder à quelques arrestations quasiment au hasard, pour que chaque habitant suspecte son voisin d'en être l'instigateur, et se réfugie plus que jamais dans le plus grand conformisme et la plus grande soumission à l'Autorité.
Cette méthode s'avéra en vérité si efficace que les autorités, submergées par les dénonciations, durent immédiatement créer des tribunaux spéciaux, chargés d'appliquer une justice (très) accélérée.
Et quand vint le temps de la conquête de l'Europe, on vit des dizaines
de milliers de braves citoyens belges, français, hollandais, polonais, se mettre à leur tour à dénoncer leurs compatriotes juifs, communistes ou simplement "subversifs" aux autorités d'Occupation qui, bien entendu, n'en demandaient pas tant et étaient bien contentes d'un tel élan de civisme...
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