... Il s'appelle Sinovie Petrovitch Rojesvensky.
Ne cherchez pas son nom dans les dictionnaires : l'Histoire, celle avec un grand "H", est toujours écrite par les vainqueurs. Il n'y a donc pas sa place.
Il se voudrait l'égal de Nelson ou Ruyter. Pourtant il est celui qui, dans quelques heures, alors que l'aube point à peine en ce jour maudit du 27 mai 1905, va conduire la Marine impériale russe vers le plus grand désastre de son histoire, vers une défaite plus cinglante, plus irrémédiable, plus catastrophique encore que celle de Villeneuve au large du cap Trafalgar, le 21 octobre 1805, vers une débâcle si totale qu'elle marquera pour quarante ans l'arrêt de l'expansion russe en Extrême Orient, et fera découvrir aux nations occidentales stupéfaites que le Soleil se lève à l'Est.
Initialement prévu en juillet 1904, l'appareillage de son escadre - censée briser le blocus japonais autour de Port Arthur - n'a pu avoir lieu que... le 14 octobre suivant (!), et encore a-t-il fallu se passer de plusieurs bâtiments - dont un cuirassé flambant neuf - ce qui laisse tout de même une escadre forte de 5 cuirassés et d'une quarantaine de navires plus petits.
Pour Rojesvensky, le principal adversaire n'est pas le marin japonais, le manque d'entraînement des hommes, l'ennui ou la longueur de la traversée.
Le véritable ennemi, c'est le charbon (!), que sa flotte engloutit quotidiennement par dizaines de tonnes. Ce charbon qui va rapidement poser d'insurmontables problèmes et devenir une véritable obsession pour les équipages.
Du golfe de Finlande jusqu'à Port Arthur en passant par le Cap de Bonne Espérance), il y a plus de trente mille kilomètres... sans une seule base russe (!)
Sur le papier tout est pourtant simple : des accord ont été conclus avec le gouvernement allemand, et des navires charbonniers de la Hamburg America Linie doivent en principe s'échelonner tout au long du trajet suivi par l'escadre afin de la ravitailler.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.
Et d'ailleurs, il est manifeste que personne, dans les salons feutrés de Saint Petersbourg, n'a réalisé que jamais pareil périple n'avait été tenté auparavant.
Il s'agit pourtant d'une première mondiale, d'un authentique exploit, que les marins russes vont mener jusqu'à son terme, dans des conditions qui paraîtraient inimaginables aujourd'hui à tous ceux qui ne connaissent que le ronron rassurant et inépuisable des diesel, des turbines à gaz ou de la propulsion nucléaire.
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