mercredi 23 juillet 2003

136 - There's no business like death business

... naguère, les crimes, les génocides, les "épurations ethniques" se pratiquaient dans l'ignorance du plus grand nombre, qui n'apprenait leur existence que des mois ou des années plus tard, ou même jamais.

Aujourd'hui, n'importe quel journaliste nanti d'un téléphone cellulaire est capable de révéler à la planète entière la dernière panne de tank ou la dernière bavure de l'armée américaine à l'autre bout du monde.

Mais ce que l'on pourrait considérer comme un Progrès devient vite une régression dans l'information.

D'abord parce que tous les morts ne se valent pas sur l'échelle de la conscientisation médiatique : pour un millier d'articles sur un GI Joe trop nerveux en Irak, on en trouvera peut-être une dizaine sur un Ivan ivre mort en Tchétchénie, et probablement aucun sur un enfant soldat sierra-léonais en train de débiter ses compatriotes, ou des étrangers, à la machette.

On en vient vite à la conclusion que sur cet étrange marché de l'indignation sélective, un civil irakien tué par erreur vaut bien cent civils tchétchènes et mille civils sierra-léonais, et aussi que l'on aurait toutes les chances de retrouver les mêmes (dis)proportions si l'on se mettait à compter les journalistes présents en Irak, en Tchétchénie ou au Sierra-Leone

Mais le plus grave reste encore le comportement de nombreux gouvernements, qui n'hésitent pas à installer des postes de commandement dans les sous-sols des hôpitaux, des dépôts d'armes dans des édifices religieux, des batteries de canons dans les zones résidentielles, à distribuer des armes aux civils, ou à inciter des militaires à se déguiser en civils.

Pour le dictateur, le bénéfice est double. Craignant la "bavure" hautement médiatique, la démocratie occidentale (la Russie n'étant évidemment pas concernée) s'abstient d'attaquer ces objectifs pourtant militaires, ou se voit contrainte de les "traiter" avec des moyens technologiques si coûteux qu'ils rendent bientôt la guerre impossible

Et si par extraordinaire la démocratie occidentale bombarde malgré tout, le dictateur n'a plus alors qu'à inviter les innombrables journalistes présents à venir filmer tous les cadavres atrocement mutilés des pauvres civils innocents, victimes des affreux barbares qui ne savent même pas viser et faire la différence entre un tank et un hôpital...

There's no business like death business

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