6201 - surmonter l'échec

 Soldats allemands capturés à Anzio, 31 janvier 1944

… avec le limogeage de Lucas, bouc émissaire aussi obligé que finalement obligeant, Clark échappe donc une fois de plus au couperet et à un échec qui menaçait de ruiner sa carrière.

Pour autant - c’est bien le moins qu’on puisse en dire mais c’est aussi tout le problème - l’échec d’Anzio n’a certes pas amendé son état d’esprit, sa perception de la réalité du champ de bataille, ou encore sa propre manière de commander.

"Clark ne se ménageait pas lui-même, que ce soit physiquement ou mentalement. Le fardeau de commander une armée sur le terrain est très important, et il pesait lourdement sur ses épaules.

Chaque visite à Anzio représentait un risque. Par deux fois, son avion léger avait été impliqué dans des accidents, et à une autre occasion, alors qu’il voyageait par mer, sa vedette avait été prise pour cible, et lui-même forcé de venir en aide au skipper blessé. A Anzio, sous la mitraille, il s’était porté au secours d’un chauffeur britannique dont le camion de munitions avait pris feu, action qui lui avait valu de recevoir l’étoile de bronze (1) en plus de la DSC (2) qu’il avait gagnée à Salerne.

(…) tout ceci était à porter à son crédit mais avait l’inconvénient de nourrir son anxiété (…) Comme le révèlent ses carnets, il était pris dans un état constant d’agitation, aussi préoccupé par l’ennemi que par la manière dont le haut-commandement allait le traiter.

On n’y trouve pas une ligne d’autocritique ou la conscience d’avoir commis une erreur opérationnelle. Ses échecs étaient la faute des autres, généralement des Britanniques. Pire encore : il considérait chaque action de ceux-ci comme destinée à le frustrer, à réduire sa sphère d’influence et au bout du compte à le priver de son objectif de libérer Rome avec l’armée américaine" (3)


(1) dans l’armée américaine, la Bronze Star est la quatrième plus haute décoration pour bravoure, héroïsme et mérite
(2) Distinguished Service Cross
(3) Shelfold, op cit