lundi 31 juillet 2006

1240 - la résurrection d'un vieux sentiment bourgeois

... l'armée russe reculait pas à pas, mais elle reculait quand même.

Pour l'inciter à reculer plus lentement et, si possible, la convaincre de rester sur ses positions jusqu'à la mort, on pouvait certes - et les autorités soviétiques ne s'en privèrent pas - multiplier les commissaires politiques et les exécutions sommaires des déserteurs et autres soldats ayant manqué de "force morale" face à l'ennemi.

Mais la propagande psychologique était une arme aussi efficace, sinon plus, que la force brutale.

A côté des soldats et des officiers - comme le général Pavlov - que l'on fusillait pour l'exemple et à grand renfort de publicité, il fallait également trouver des héros "positifs", qui devinrent à la résistance armée contre le nazisme ce qu'Alexai Stakhanov était devenu à la réalisation des objectifs du plan quinquennal.

Et puisque Stakhanov était réputé avoir abattu à lui seul le travail de dix mineurs de fond ordinaires, la propagande s'empressa de monter en épingle les exploits de combattants valeureux, comme le tireur d'élite Vassili Zaïtsev, qui, à eux seuls, étaient censés avoir tué des centaines de soldats allemands, détruit des dizaines de chars ou abattu des dizaines d'avions frappés de la svastika.

Chaque soldat du Front connaissait les exploits - réels ou imaginaires - de ces fabuleux guerriers, et bon nombre d'entre eux étaient prêts à tout faire pour leur ressembler.

La peur des commissaires politiques et l'exaltation des héros ne pouvant suffire à elles seules, il fallut également modifier les slogans politiques en vigueur jusque-là. La défense du communisme et des idéaux de la Révolution bolchevique passèrent au second plan, et l'on vit renaître de ces cendres la glorification du nationalisme, ce nationalisme que Lénine lui-même avait pourtant qualifié de "vieux sentiment bourgeois".

S'il se battait encore pour Staline et la défense du communisme, le soldat russe se battait désormais avant tout pour la "Mère patrie" et la "Russie éternelle", tirant même exemple de héros anciens pourtant aussi peu plébéiens que les Princes Alexandre Nevski ou Mikhaïl Koutousov...

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