samedi 21 juin 2025

8933 - un bon entrainement

Firefly attaquant les raffineries de Pangkalan Brandan à la roquette, 04 janvier 1945
… Pangkalan Brandan (Sumatra), 04 janvier 1945

Le 04 janvier, une trentaine d’Avenger, et une douzaine de Firefly armés de roquettes, repartent à l’assaut des raffineries de Pangkalan Brandan.

La météo au-dessus de la cible est cette fois excellente, mais les Japonais, manifestement échaudés par l’attaque du 20 décembre, sont en revanche aux aguets et en mesure de mobiliser leurs canons anti-aériens, et même une poignée de vieux Nakajima Ki-43 "Hayabusa" (1), que l’escorte britannique écarte néanmoins sans difficulté, et en envoyant de surcroit cinq appareils au tapis.

Les raffineries ont été touchées, plusieurs réservoirs de carburant sont en flammes, et divers objectifs ont été détruits au sol, au prix d’un Avenger et d’un Firefly, qui se sont abimés en mer à leur retour.

Incontestable succès britannique, donc,… mais un succès qui ne veut toutefois pas dire grand-chose dans les conditions géostratégiques que nous venons d’évoquer, c-à-d compte tenu de l’incapacité des Japonais a simplement exporter en métropole le pétrole qu’ils continuent de produire en Indonésie ou en Malaisie !

Qu’importe, tout succès est évidemment bon à prendre et, dans ce cas-ci, a également le mérite de représenter un bon entrainement pour cette British Pacific Fleet qui, mission accomplie, a aussitôt remis le cap sur Ceylan, qu’elle rallie sans encombre le 07 janvier…

(1) le Nakajima "Hayabusa" était l’équivalant pour l’Armée du Mitsubishi "Zéro" de la Marine, et était pour cette raison fréquemment confondu avec lui

vendredi 20 juin 2025

8932 - plus que mitigé...

Corsair sur le pont d'un porte-avions britannique, au lendemain du raid sur Belawan Deli, 21 décembre 1941
… Détroit de Malacca, 20 décembre 1944, 07h15

Le 17 décembre, les porte-avions Indomitable et Illustrious ont donc quitté Ceylan en compagnie des croiseurs légers Newcastle, Argonaut et Black Prince et de cinq destroyers, qui ont tous pris la direction du Détroit de Malacca, où ils sont arrivés trois jours plus tard, sans avoir été repérés par les Japonais, dont les moyens de reconnaissance sont, il est vrai, à présent réduits à leur plus simple expression.

A 07h15, les derniers appareils de la force de frappe, soit 28 Avenger et 4 Corsair chasseurs-bombardiers ont pris l’air, escortés par une trentaine de Hellcat et Corsair.

Mais comme toujours, la première victime d’un plan de bataille est toujours le plan de bataille, et de fait, la météo sur site est à ce point désastreuse que les raffineries sont invisibles, ce qui contraint dès lors les uns et les autres à se détourner vers l’objectif secondaire, en l’occurrence le port de Belawan Deli, néanmoins guère plus identifiable, et que chacun entreprend donc de bombarder et de mitrailler comme il peut avant de s’en retourner aux porte-avions sans avoir perdu un seul appareil - à l’exception d’un unique Avenger, qui s’est abîmé en mer au décollage - mais aussi sans avoir aperçu un seul chasseur japonais…, au grand dam des pilotes de Corsair et de Hellcat, qui désespèrent d’arriver un jour à s’octroyer ne serait-ce qu’une petite fraction de l’incroyable palmarès de leurs cousins américains !

Bilan plus que mitigé donc, qui pousse à s’en retourner à Ceylan pour y planifier un nouveau raid, lancé le 04 janvier avec le renfort du porte-avions Indefatigable.

Trois porte-avions, et une dizaine de navires d’accompagnement, cela représente cette fois une force importante, et qui témoigne en tout cas des nouvelles ambitions britanniques.

Reste néanmoins à leur souhaiter un meilleur sort…

jeudi 19 juin 2025

8931 - condamnée à l'insignifiance

Le Mitsushima Maru ; ultime pétrolier à rallier le Japon, le 27 mars 1945
… et malheureusement pour l’Empire, la situation ne va faire qu'empirer : en décembre 1944, c-à-d au moment où la British Pacific Fleet se prépare à entrer enfin en scène, le tonnage coulé mensuellement par les sous-marins américains a commencé à chuter de manière spectaculaire… tant leurs proies sont à présent au bord de l’extinction !

Et l’anecdote vaut plus que son pesant d’or noir : dans trois mois, soit le 27 mars 1945, au port de Tokuyama, chacun fêtera bruyamment l’arrivée du Mitsushima Maru, un tanker parti de Singapour le 22 février et qui, de manière quasi-miraculeuse, aura réussi à franchir le blocus des navires, sous-marins et avions américains pour livrer quelque 10 000 tonnes de carburant en métropole,…  

… 10 000 tonnes de mazout et de pétrole brut qui seront aussi les dernières qui parviendront au Japon avant la Capitulation, et l'arrivée des Américains,... à peine six mois plus tard !

Dans un rapport de 1946, l’US Strategic Bombing Survey, soulignera d’ailleurs que la guerre contre le trafic maritime aura constitué le facteur le plus décisif dans l'effondrement de l'économie japonaise, ainsi que dans celui du soutien logistique à leurs forces terrestres et navales, et que ce sont bel et les sous-marins américains qui sont les principaux responsables de cet effondrement.

Dans ces conditions, avant-même qu’elle ne soit lancée, et quand bien-même se solderait-elle par un immense succès, l’attaque britannique contre les raffineries de Sumatra est donc condamnée à l’insignifiance, mais dans une guerre totale qui dure depuis plus de cinq ans, il ne saurait être question de ne plus frapper l’ennemi partout où il se trouve, et avec tous les moyens dont on dispose…

mercredi 18 juin 2025

8930 - mon empire pour quelques cargos et pétroliers...

Les raffineries de Palembang, en 1942, peu avant leur capture par les Japonais
… car l’ironie veut qu’après avoir conquis d’immenses territoires, et s’être emparé, en définitive très facilement, de tout le pétrole, de tout le caoutchouc, de tout l’étain, de toutes les matières premières dont il avait besoin, le Japon a presque immédiatement été confronté à l’impossibilité de les expédier en métropole,... faute de moyens de transport !

Dès les premières semaines du conflit, la flotte de commerce japonaise, qui avant-guerre suffisait à peine à assurer les besoins essentiels du pays, et n’avait jamais suscité le moindre intérêt chez les militaires, s’est en effet retrouvée confrontée à une mission d’autant plus impossible qu’elle a elle-même a très vite attiré l’attention des Alliés, et particulièrement des Américains, lesquels, à la torpille, à la bombe, au canon ou encore à la mine, se sont acharnés à en réduire le nombre, et avec des résultats spectaculaires puisque, de 1942 à 1945, plus de 4 millions de tonnes de navires japonais, soit 2 106 des 2 337 navires de commerce nippons repris au Lloyd's Register de 1939, auront été envoyés par le fond !

Et la situation est particulièrement dramatique pour le pétrole, ce pétrole sans lequel aucun navire, aucun avion, aucun tank, aucun véhicule japonais ne saurait opérer !

"Le Japon était entré en guerre avec un tonnage de pétroliers de seulement 575 000 tonnes. La construction de nouveaux navires avait certes porté le tonnage total à 834 000 tonnes en novembre 1943, mais les nouvelles constructions, et le tonnage capturé ou récupéré ici et là ne purent jamais compenser le rythme des pertes.

À la fin de 1944, 156 pétroliers japonais, victimes de sous-marins américains, de mines, d’attaques aériennes terrestres ou embarquées, et d'autres causes, avaient été perdus, pour un total de 934 000 tonnes.

En raison des retards des convois et des pénuries de transport, le tonnage total de pétrole importé au Japon était passé d'un pic de près de deux millions de tonnes en 1943 à seulement 625 000 tonnes en 1944" (1)

 (1) Winton, op cit, page 78

mardi 17 juin 2025

8929 - si tu passes par Sumatra...

Armuriers au travail sur un Avenger de l'Illustrious en vue du raid sur Palemnbang
… mais puisqu’il faut quitter l’Océan indien, et Ceylan, pour rallier le Pacifique, ou plus exactement, et dans un premier temps, l’Australie, autant le faire en beauté ! 

"Lors de la réunion avec Fraser à Pearl Harbor, l'amiral Nimitz avait demandé que, lors de sa traversée de Ceylan vers l'Australie, la flotte britannique lance une série de frappes contre les raffineries de pétrole de Sumatra.

Il s'agissait de cibles stratégiques importantes. Les mettre hors d'état de nuire impliquait non seulement de frapper à la porte de derrière, mais aussi de frapper au nez de celui qui l'ouvrirait.

(…) Les champs pétrolifères de Sumatra avaient un potentiel de production annuel de trois millions de tonnes de pétrole brut et leurs raffineries étaient de loin les plus importantes productrices d'essence d'aviation pour l'effort de guerre japonais.

Les raffineries de Pangkalan Brandan, au nord de l'île, et de Soengei Gerong, la plus petite des deux raffineries de Palembang, étaient capables de produire ensemble les trois quarts des besoins totaux du Japon en essence d'aviation" (1)

D’un intérêt militaire évident, cet objectif a d’ailleurs déjà retenu l’attention des nouveaux bombardiers américains B-29 qui, partis de Ceylan, ont pilonné Palembang en aout 1944, mais, comme le savent les habitués de ce blogue, il n’y a rien que des bombardiers détruisent qu’un ennemi déterminé ne puisse reconstruire dans un délai plus ou moins bref (2)

Sur le chemin de l’Australie, la British Pacific Fleet va donc s’en prendre à son tour aux raffineries de Sumatra qui, certes, sont techniquement en mesure de produire tout le pétrole dont les Japonais ont besoin,... mais un pétrole qu’ils ne savent déjà plus exporter jusqu’en métropole…

(1) Winton, ibid. page 77
(2) sur le sujet : Saviez-vous que… La Grande Illusion

lundi 16 juin 2025

8928 - s'en retourner dans le Pacifique

Marins de l'Indomitable, poussant un Barracuda au retour d'une mission, aout 1944
… car dans l’immédiat, la British Pacific Fleet se trouve encore… dans l’Océan indien, et plus précisément à Ceylan,... ce même Ceylan que sa devancière, l’Eastern Fleet, avait dû - rappelons-nous - fuir précipitamment en avril 1942 pour chercher refuge au Kenya, et qu’elle avait progressivement rallié en 1944 à la faveur des déboires japonais dans le Pacifique.

Mais comme nous l’avons vu également, non contentes d’avoir été menées sans véritable opposition, les quelques opérations de diversion réalisées par l’Eastern Fleet au cours de l’année 1944 n’avaient guère ému les autorités japonaises !

"(…) les archives nippones montrent clairement que les Japonais étaient totalement accaparés par le Pacifique et que seule une opération amphibie de grande envergure [ce dont l’Eastern Fleet était  totalement incapable] lancée contre Rangoon ou Singapour les aurait contraints à un redéploiement stratégique de leurs forces navales. 

Les activités de l’Eastern Fleet constituaient
[certes] un excellent entraînement et étaient bonnes pour le moral, mais ne représentaient que des nuisances mineures pour l'ennemi. 

Comme l’exprima un correspondant de guerre : "On pourrait dire, et avec une certaine justesse à cette époque, que les attaques navales des Britanniques contre les Japonais étaient du type hit and run, et que les quelques efforts isolés se résumaient
[en pratique] à frapper à la porte arrière des Japonais puis à s’enfuir avant même qu'elle ne s’ouvre"" (1) 

(1) Winton, op cit, pages 76-77
 

dimanche 15 juin 2025

8927 - ... et inutile

Les Kamikazes :: 90% d'entre-eux disparaîtront sans avoir endommagé un seul navire américain
... de plus, si le fait de piloter un avion-suicide pour un vol unique et sans retour n'exige pas, en soi, de compétences extraordinaires ni, surtout, des centaines d'heures d'entraînement préalable, réussir malgré tout à trouver, puis à frapper, en pleine mer, un navire de (relativement) petites dimensions, et surtout à le frapper alors qu'il zigzague lui-même à pleine vitesse et projette un feu d'enfer, tout cela constitue en revanche un exercice autrement plus difficile pour les pilotes kamikazes qui doivent de surcroît composer avec les chasseurs mais aussi avec la DCA des autres navires américains.

De fait, avec seulement 15% de coups au but en moyenne, le pourcentage de réussite des avions-suicide est finalement très faible, ce qui, en pratique, et n'en déplaise à l'amiral Onishi, signifie donc que l'immense majorité des jeunes kamikazes ne connaîtra aucune mort glorieuse, mais succombera tout simplement dans l'anonymat et sans avoir réussi à endommager - et souvent même à apercevoir ! - le moindre porte-avions ou navire allié.

Et même lorsqu’elles se retrouveront couronnées de succès, les attaques kamikazes seront loin de provoquer des dégâts irréversibles : à la Capitulation japonaise, moins de 10% des navires frappés, soit une soixantaine au total, par ailleurs tous de petit tonnage et dépourvus du moindre blindage, auront en effet été envoyés par le fond !

A l'instar d'Onishi, on pourra toujours dire - et le fait ne saurait être contesté - que le bilan aurait encore été bien moins favorable si ces attaques avaient été menées de manière conventionnelle, donc en laissant un certain espoir de survie aux pilotes et à leurs avions, mais du point de vue strictement militaire, et en particulier du point de vue des porte-avions, c-à-d des seuls bâtiments véritablement vitaux pour l'effort de guerre allié, l’échec est en revanche aussi cuisant que sans appel, puisque seuls trois petits porte-avions d'escorte seront finalement coulés par les attaques suicide qui, à la Capitulation, auront également coûté à l'Aviation japonaise près de 4 000 avions, et autant de pilotes !

Mais n’anticipons pas…