mardi 15 octobre 2019

6176 - "Je me consolais en me disant qu'au moins, le véritable débarquement ne pourrait être pire"

Soldats marocains et mules, à Castel Nuovo, 12 janvier 1944
... 19 janvier 1944

On ne peut comprendre ce qui va suivre, on ne peut comprendre Anzio, sans tenter de se mettre à la place de cet homme, Lucas, à qui l'on demande aujourd'hui rien moins que de mener à bien, et avec seulement deux divisions, un plan que l'on estimait difficile à réaliser avec cinq (!) à peine quelques semaines auparavant; un plan conçu et exigé par un politicien, Churchill, qui, à Gallipoli, lors de la guerre précédente, a inutilement envoyé des dizaines de milliers d'hommes à la mort; et un plan au bout du compte endossé par un commandant-en-chef, Clark, dans le but essentiel de mieux paraître... et ainsi de se voir transféré, en cas de réussite, à la tête du futur Débarquement de Provence, autrement dit de participer lui aussi au bien plus prestigieux "Championnat de France" !

"Les yeux de Churchill étaient rivés sur Rome et Clark l'avait tout aussi irrévocablement choisi comme objectif (...) Si Rome tombait rapidement, il pouvait chérir l'espoir de se voir offrir le commandement d'Anvil (1). Lucas n'avait rien de tout cela pour le réconforter. Il n'était pas ambitieux et n'appréciait pas ce qu'il appelait "ces batailles de Little Big Horn" (2) "Elles n'ont rien de drôle", plaisantait-il, "et un échec maintenant
[à Anzio] ruinerait la carrière de Clark, me tuerait probablement, et prolongerait certainement la guerre. Des perspectives désagréables, surtout la seconde, qui ne m'attire pas du tout".

Lucas eut l'occasion d'entretenir son humour caustique tout au long des répétitions du débarquement, qui se déroulèrent fort mal. La dernière, le 19 janvier, se solda par la perte de 40 DUKW (des camions amphibies de 2.5 tonnes) et de 19 obusiers (...) "Pas une seule unité ne débarqua sur la bonne plage, pas une seule dans le bon ordre, pas une seule avec moins d'une heure et demi de retard. Un début décourageant. Je me consolais en me disant qu'au moins, le véritable débarquement ne pourrait être pire"" (3)


(1) nom de code du Débarquement de Provence
(2) célèbre bataille de la Conquête de l'Ouest où le 7ème régiment de cavalerie du lieutenant-colonel George A. Custer fut anéanti par une coalition amérindienne menée par Sitting Bull
(3) Shelfold Bidwell, op cit

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Le DUKW faisait 10 tonnes (2,5 T c'était la charge utile en mer)
Fait rare pour un amphibie militaire il étit presque "marin" (en tous cas beaucoup plus que les tanks amphibies Sherman DD, des coule-tout-seul qui font maintenant le bonheur des clubs de plongée de Basse Normandie) et capable d'évoluer sans trop de risques en mer pas trop mauvaise (à condition que les puissantes pompes de cale soient fonctionnelles).
Ces "presque brillantes" qualités nautiques étaient dues aux architectes navals Rod et Olin Stephens, par ailleurs régatiers multi-vainqueurs de la fameuse coupe de l'America, qui avaient marinisé le camion GMC Chevrolet.
J'en ai encore connu un , rescapé du Débarquement d'Arromanches, qui servait à un ostréiculteur de Coutainville - Le Passous dans le Cotentin, au nord du Mont Saint Michel...c'était l'attraction de cette station balnéaire familiale à la fin des années 60 mais le propriétaire l'a remplacé par une paire de tracteurs agricoles diesel russes (ou tchèques) beaucoup moins gourmands en essence (40 litres de super au 100Km !!!!)après le choc pétrolier de 73...
Ceci dit ce n'était quand même pas un canot de sauvetage "tous temps" et s'il était pris en travers par une bonne vague (avec au volant un camionneur pas trop marin ) il pouvait quand même couler (on en a même récemment retrouvé fort bien préservé un par 500 m de fond dans le...lac de Garde en italie, qui peut parfois être assez agité.)