mercredi 20 février 2019

5939 - "partout s’élevaient soudain des drapeaux, s’agitaient des rubans, montaient des musiques"

La scène de liesse la plus connue : Hitler, à Munich, fêtant la déclaration de guerre
… pourtant, et aussi incroyable cela puisse-t-il nous sembler aujourd’hui, la chute de ces innombrables dominos suscite presque toujours des mouvements de liesse parmi les populations ! 

"A Vienne, la musique résonnait et je trouvai toute la ville en délire. (…) Des cortèges se formaient dans les rues, partout s’élevaient soudain des drapeaux, s’agitaient des rubans, montaient des musiques; les jeunes recrues s’avançaient en triomphe, visages rayonnants parce qu’on poussait des cris d’allégresse sur leur passage à eux, les petites gens de la vie quotidienne, que personne, d’habitude, ne remarquait ni ne fêtait.

Je dois à la vérité d’avouer que dans cette première levée des masses, il y avait quelque chose de grandiose, d’entraînant et même de séduisant. (…) Une ville de deux millions d’habitants, un pays de près de cinquante millions éprouvaient à cette heure qu’ils participaient à l’histoire universelle, qu’ils vivaient un moment qui ne reviendrait plus jamais.

(…) Le petit employé de la poste qui, d’ordinaire, ne faisait que trier des lettres du matin au soir, qui triait et triait sans interruption du lundi au samedi, le commis aux écritures, le cordonnier avaient soudain dans la vie une autre perspective, une perspective romantique, ils pouvaient devenir des héros.

Les femmes célébraient déjà tous ceux qui portaient un uniforme, et ceux qui restaient les saluaient avec vénération, par avance, de ce nom romantique.

(…) Mais peut-être une puissance plus profonde, plus mystérieuse, était-elle aussi à l’oeuvre sous cette ivresse. Cette houle se répandit si puissamment, si subitement sur l’humanité que, recouvrant la surface de son écume, elle arracha des ténèbres de l’inconscient, pour les tirer au jour, les tendances obscures, les instincts primitifs de la bête humaine, ce que Freud, avec sa profondeur de vues, appelait « le dégoût de la culture », le besoin de s’évader une bonne fois pour toutes du monde bourgeois des lois et des paragraphes et d’assouvir les instincts sanguinaires immémoriaux" (1)

(1) Zweig, op. cit, pages 277-278

1 commentaire:

Anonyme a dit...

en deux mots...la guerre Fraîche et Joyeuse....

On a dit aux allemands : 'En avant, pour la guerre fraîche et joyeuse ! Nach Paris et Dieu avec nous., pour la plus grande Allemagne' Et les lourds allemands paisibles, qui prennent tout au sérieux, se sont ébranlés pour la conquête, se sont mués en bêtes féroces.

On a dit aux français 'On nous attaque. C'est la guerre du Droit et de la Revanche. A Berlin !' Et les français pacifistes, les français qui ne prennent rien au sérieux, ont interrompu leurs rèveries de petits rentiers pour aller se battre.

(...) Vingt millions, tous de bonne foi, tous d'accord avec Dieu et leur Prince... Vingt millions d'imbéciles... Comme moi !"

"La Peur" (août 14) - Gabriel Chevallier (immortel auteur de Clochemerle, entre autres)