dimanche 24 juin 2018

5598 - au coeur de l'ouragan

Le porte-avions léger Langley, dans la tempête
… 17 décembre 1944, 15h30

A 15h30, la mer se creusant de plus en plus, Halsey décide d’abattre vers le sud-ouest et des eaux qu’il imagine plus calmes.

Mais en pratique, ce changement de cap revient à expédier la Troisième Flotte sur une trajectoire parallèle à celle d’un typhon qu’il imagine, suite à l’erreur de ses météorologues,… bien plus éloigné qu’il ne l’est en réalité.

A l’aube du lendemain, la houle ne faisant qu’empirer, l'amiral ordonne un nouveau changement de cap, cette fois vers le sud, ce qui, sans qu’il le sache, l’amène donc en plein sur la route du typhon !

A 08h00, la vitesse du vent est montée à 80 kms, la visibilité est tombée à moins de 500 mètres, et la mer est à présent si agitée que les premiers messages de détresse ne tardent pas à tomber.

A 10h00, le vent atteint 100 kms/h; à 13h00 la marque des 150 kms/h est franchie, et l’on enregistre même des pointes à plus de 170 kms/h !

Malgré ses 55 000 tonnes, le New Jersey est balloté d’un bord à l’autre, tandis que, sur les porte-avions, les appareils sont arrachés des ponts et précipités par dessus-bord.

Mais le pire se produit évidemment sur les destroyers qui, à moins de 2 000 tonnes, ne sont que des jouets d’autant plus offerts à la furie des flots que, leurs réservoirs de mazout presque vides, ils sont devenus très légers d'en bas et très lourds d'en haut, donc particulièrement sensibles au chavirage...

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Bonjour, blog toujours très bien construit...une autre source de malheurs pour ces navires de guerre pris en plein typhon et dont certains ont chaviré comme de vulgaires lasers, 420, et autres dériveurs légers de régate (mais ceux là sont insubmersibles et naviguent dans des eaux abritées) c'est les rajouts dans les superstructures au fil des refontes: nombreux nids de mitrailleuses et canons de DCA supplémentaires dictés par l'obsession des attaques des kamikaze, antennes de radar toujours plus grandes et plus nombreuses (un grillage a presque la même prise au vent aérodynamique qu'une voile de surface égale) lance grenades anti sous marins perfectionnés, ou encore équipement pléthorique de dragagede mines..etc.

On aboutissait ainsi à déteriorer gravement la courbe de stabilité calculée à l'origine par l'architecte naval.

Qui plus est la plupart des des architectes navals "scientifiques" niaient dédaigneusement l'existence des vagues scélérates , lames folles, et autres "rogue Waves" en les traitant d'exagération de marins vantards alors qu'on sait aujourd'hui que sur des océans bien dégagés la probabilité statistique d'apparition de lames de plus de 12M de haut n'est pas du tout négligeable dans un typhon à grande étendue et fort gradient de pression.

L'histoire n'est pas nouvelle: à la fin du XIX° siècle les anglais avaient lancé un "révolutionnaire" cuirassé à vapeur et à voiles pourvu de tourelles et de canons énormes, le HMS Captain qui chavira et coula dans un fort coup de vent (force 8, rien à voir avec le force 12 du typhon Cobra) dans le Golfe de Gascogne, à peine un an après son lancement , noyant une brochette d'officiers d'élite de la royal Navy, en plus de son trop optimiste concepteur , un génie de l'artillerie navale nommé William Coles

Anonyme a dit...

Bonjour! excellent blog toujours très informatif.

Il y a quand même quelque chose de dérangeant das la stratégie météo de Halsey.

A l'époque des derniers grands voiliers (entre 1880 et 1920) sur les routes océaniques des trois caps (nickel de nouvelle calédonie, nitrate chilien, blés d'australie), à travers le Pacifique ou encore aux pêcheries d'Alaska, les capitaines de ces navires , qui ne disposaient pratiquement jamais de radio,évidemment pas de radar et seulement d'un baromètre, étaient capables d'éviter le "demi cercle dangereux" d'un ouragan et de choisir la bonne amure (côté recevant le vent) pour rester dans le "Demi-cercle maniable", cad s'éloigner de l' oeil du typhon. Leurs capitaines étaient loin d'être des vieux loups de mer incultes, empiriques et superstitieux.

Ils utilisaient la science de leur temps (les travaux de météo statistique -les fameuses pilot charts- de Matthew Fontaine Maury) et savaient tirer parti de la loi de Buys_ Ballot, découverte vers 1875 par un météorologue hollandais...et qui donne précisément la conduite à tenir pour éviter d'aller se fourrer au coeur de la tempête.

Certains de ces officiers de la marine marchande à voile (Come Pierre Thoreux, qui comanda ensuite le superbe paquebot normandie) avaient une vingtaine d'années en 1914, certains commandaient même des grands quatre mats à vingt cinq ans et étaient peu ou prou dans la même classe d'âge que Halsey.

Il est étonnant de constater à quel point ce savoir-faire de l'êre de la voile (alors à peine vieux de 25 ans) a manqué à l'amiral américain, qui avait certes d'autres impératifs que la stricte sécurité de ses navires et était pressé de casser du Jap partout, sans délai et sans merci.
Le service météo américain était pourtant en pointe à l'époque (Cf le roman "météorologique" maria la tempête" de l'écrivain George Stewart, également auteur du très étonnant roman de science fiction earth abides)

Beaucoup objecteurs de conscience américains avaient été expédiés dans des tribus indigènes du Pacifique sur des atolls perdus en compagnie des populations polynésiennes , pour transmettre des relevés météo (cas notamment de Woody Brown, le créateur du fameux Manu Kai, un des premiers catamarans de sport modernes (avec l'inspiration polynésienne), précurseur des non moins fameux Hobie cats de Hobart Alter)et l'US Navy avait un très bon réseau d'alerte pour l'époque.

Il est toujours facile pour un navigateur de salon installé dans un fauteuil avec un agréable cocktail en main de de critiquer les actions de tel ou tel marin qui a raté son coup mais on ne peut s'empêcher de penser que Halsey, au coeur d'une machine de très haute technologie , le summum de l'époque, avait le flair du marin un peu émoussé ...précisément par toute cette technologie ambiante.