mardi 4 septembre 2012

3469 - céder la première place

… passées à la moulinette de la censure britannique, les circonstances de la tragédie du PQ-17 ne seront connues que des années après la fin de la guerre.

Solidarité guerrière oblige, et ayant gagné sur l’essentiel – l’organisation de nouveaux convois… sans l’obligation de les protéger contre les attaques allemandes – les Soviétiques ne parleront plus du PQ-17.

Les Américains n’en diront pas davantage… même s’ils n’en penseront eux aussi pas moins : parce qu’elle représentait la plus grande partie du tonnage au départ du Hvalfjord, c’est en effet la bannière étoile qui a subi le plus de pertes, avec 14 navires marchands coulés, contre seulement 7 aux Britanniques.

Mais c’est cependant au sein de la Marine de guerre, au sein de l’US Navy, que l’émotion, et la colère, sont les plus grandes : à peine un mois après leur formidable victoire contre la Marine japonaise à Midway, les Américains, l’amiral King en tête (1), ne comprennent pas pourquoi toute leur Task Force 33, à commencer par le cuirassé Washington, s’est contentée de faire quelques ronds dans l’eau ni, surtout, pourquoi les croiseurs Wichita et Tuscalooga, ainsi que leurs destroyers d’escorte, ont dû, au pire moment possible, abandonner les cargos à une destruction certaine et retraiter à toute vapeur face à un ennemi qui n’existait en fait que dans l’imagination des Britanniques.

Même s’il ne l’exprimera pas ouvertement - pour la même raison que les Russes - King, comme du reste la plupart des responsables américains, est convaincu que la Royal Navy, autrefois maîtresse des mers, n’est plus aujourd’hui que l’ombre de ce qu’elle fut du temps de Nelson, et qu’il est grand temps qu’elle cède la première place à une US Navy à la fois plus jeune et plus agressive.

Et puisqu’il n’y a plus rien à espérer des Britanniques dans cet Océan Atlantique où les Allemands, de toute manière, ont très peu de chances d’encore se montrer, autant rapatrier dans le Pacifique, où ils seront assurément bien plus utiles, les navires de cette Task Force 33, ce qui, jusqu’à la fin de la guerre, laissera donc à la seule Royal Navy le soin de protéger les convois vers la Russie...

(1) Chef des Opérations navales de l'US Navy

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