mardi 31 mai 2011

3007 - antithétique...

... Kaesong, mars 1875

Le voudrait-on que l'on trouverait difficilement personnages plus dissemblables que Kim Il-Sung et Syngman Rhee

Né à Kaesong (Corée du Nord), le 26 mars 1875, Rhee, contrairement à Kim, est issu d'une famille de la petite aristocratie coréenne et, toujours à la différence de Kim, c'est aussi un élève appliqué et brillant qui, en 1897, est néanmoins arrêté pour des activités anti-japonaises qui lui valent sept ans d'emprisonnement mais aussi une conversion au christianisme, laquelle va par la suite s'avérer bien utile

Libéré en 1904, il s'exile alors aux USA et devient le premier Coréen à obtenir un doctorat en sciences politiques à l'Université Princeton.

Demeuré fervent nationaliste, il milite pour l'Indépendance de la Corée auprès de Théodore Roosevelt, chez qui il est régulièrement invité. Peine perdue : Roosevelt - comme nous l'avons vu - s'intéresse bien davantage aux Philippines qu'à la Corée, et bien davantage aux Japonais qu'aux Coréens.

Après un retour vite avorté en Corée en 1910, lors de l'annexion du pays à l'Empire japonais, il se retrouve finalement à Hawaï, comme simple directeur d'une école méthodiste...

lundi 30 mai 2011

3006 - vrai, faux, ou carrément mythique

... Pyongyang, avril 1912

Si Kim Il-Sung est LA figure incontournable de la Guerre de Corée, et si ses statues et portraits finiront par se retrouver jusque dans les recoins les plus incongrus des moindres villes et villages de Corée du Nord, bien malin celui qui, même près de 20 ans après sa mort, serait capable d'en rédiger la biographie ou, plus exactement, de démêler le vrai du faux et du carrément mythique dans une vie que l'intéressé n'a cessé de mettre en scène et de réécrire au fil des besoins et de son inspiration du moment.

On s'entend généralement pour considérer que Kim est né à Pyongyang en avril 1912, sous le nom de Song-Ju, dans un famille presbytérienne dont on sait très peu de choses sinon qu'elle se voit contrainte d'émigrer en Mandchourie en 1920, officiellement pour activités anti-japonaises mais plus que probablement pour échapper à la misère qui sévit en Corée.

Orphelin de père en 1926, Kim poursuit vaguement ses études secondaires jusqu'en 1929, lorsqu'il est arrêté pour avoir adhéré à un groupuscule marxiste. Libéré après quelques mois, il s'inscrit en 1931 au Parti Communiste Chinois et entame la lutte armée contre l'Occupant japonais

En 1935, après que ces derniers aient envahi toute la Mandchourie et placé Puyi sur le trône, il est commissaire politique, se fait désormais appeler Il-Sung, et participe à diverses actions de guérilla contre les troupes japonaises, actions que ses hagiographes, et lui-même, transformeront, plus tard, en authentiques épopées dignes des plus grands super-héros d'Hollywood.

Mais en 1940, à présent commandant de division, Kim traqué par les Japonais qui ont mis sa tête à prix pour 200 000 yens, n'a plus d'autre choix que de franchir le fleuve Amour pour se réfugier en URSS avec ses derniers combattants.

Réentraîné et rééquipé par l'Armée rouge, et désormais porteur d'un uniforme soviétique, c'est là qu'il va trouver les moyens de partir à la conquête du Pouvoir...

dimanche 29 mai 2011

3005 - s'adapter ou résister

... revenons à présent en Corée-même, où les dramatiques événements internationaux de ces trois décennies n'ont pas changé grand-chose, et probablement guère intéressé, les civils qui, depuis 1910, sont devenus des sous-citoyens, et le plus souvent des esclaves, d'un Empire japonais soucieux de tout mettre en œuvre pour rentabiliser un territoire qui, à l'instar de la plupart des colonies occidentales, coûte en réalité bien plus cher qu'il ne rapporte à ses Finances.

Si quelques Coréens - les plus riches ou les plus instruits - sont parvenus à tirer avantage de la situation, quitte à renier leur culture et leur langue, et à adopter des noms japonais, la plupart, et en particulier les paysans - soit 90 % de la population - se sont simplement efforcés de (sur)vivre aux diktats de leurs nouveaux maîtres, et à attendre des jours meilleurs toujours démentis par l'arrivée du lendemain et par le comportement des Japonais eux-mêmes, lesquels noient systématiquement dans le sang toute tentative de révolte, comme celle du 1er mars 1919, qui a fait près de 7 000 morts.

Malgré les risques, certains Coréens ont néanmoins choisi la résistance armée à l'Occupant.

Mais comme les puissances occidentales - en ce compris les États-Unis - ont toutes des intérêts et/ou des colonies en Asie, et aucune envie d'entrer en guerre contre le Japon, cette résistance, à l'instar de celle qui se développe au même moment au Vietnam contre les colonisateurs français, cette résistance passe nécessairement par l'aide, et la tutelle, de la Russie, devenue communiste depuis le succès de la révolution d'octobre 1917 et qui voit, dans ces groupuscules indépendantistes, le moyen le plus efficace, et aussi le plus économique, de remettre elle-même le pied dans cette région d'où elle a été évincée en 1905, après le désastre de la guerre russo-japonaise.

Grâce à Moscou, les résistants coréens vont donc se faire de plus en plus nombreux au fil des années, mais l'Histoire ne retiendra pourtant que le nom d'un seul d'entre eux.

Il s'appelle Kim Il-Sung...

samedi 28 mai 2011

3004 - le divorce

... Saïgon, août 1941

Rapidement réglé par les diplomates des deux camps - et par une confortable indemnité versée aux victimes par le gouvernement japonais - l'incident du Panay a néanmoins tendu encore un peu plus les relations americano-japonaises... mais aussi démontré que dans cette partie du monde qu'elle considère comme sa chasse gardée, Tokyo n'entend certes pas se laisser dicter sa conduite par Washington.

A Washington, où le neutralisme est encore - et de loin - le sentiment dominant, personne n'est d'ailleurs prêt à se lancer dans une nouvelle guerre, ce qui n'exclut pourtant pas de hausser le ton.

En juillet 1939, le gouvernement Roosevelt va ainsi dénoncer le traité commercial de 1911 avec le Japon, puis soumettre l'archipel nippon à un premier embargo pétrolier (1) après que ce dernier, profitant de l'effondrement de la France, se soit emparé du Tonkin, en septembre 1940.

Hélas, loin de calmer le jeu, les menaces ne font qu'exacerber l'agressivité des Japonais qui, en juillet 1941, occupent toute l'Indochine et, début août, font leur entrée à Saïgon.

Cette fois, le divorce est prononcé : le 26 juillet, l'intégralité des avoirs nippons aux États-Unis est gelé, et un embargo total sur le pétrole, décrété. Les Britanniques et les Hollandais - dont le gouvernement est réfugié à Londres depuis l'été 1940 - emboîtent immédiatement le pas aux États-Unis, privant ainsi le Japon de plus de 80% de son pétrole.

Le retour à l'approvisionnement normal étant subordonné à l'évacuation de l'Indochine, donc à l'aveu d'une défaite inacceptable pour les militaires japonais, la voie de Pearl Harbour, et de la Guerre du Pacifique, est à présent grande ouverte.

Pendant quatre ans, elle va néanmoins épargner une Corée où la résistance à l'occupant nippon est désormais solidement implantée...

(1) essentiellement sur l'essence à haut indice d'octane, pour l'Aviation
(2) les États-Unis sont alors le premier producteur et exportateur mondial de pétrole

vendredi 27 mai 2011

3003 - vers l'affrontement

... Nankin, 12 décembre 1937

jusqu'au début des années 1920, le Japon avait eu les mains libres en Asie, et particulièrement en Corée où personne, et certainement pas les chancelleries occidentales, n'osait condamner sa politique coloniale.

Mais la montée en puissance des États-Unis dans cette partie du monde va progressivement changer la donne.

Devenue la deuxième marine du monde - et la première ex-æquo avec la Grande-Bretagne à partir de 1927 - la Navy ne cesse en effet de se renforcer dans le Pacifique où elle peut désormais, depuis l'ouverture du Canal de Panama, en 1914, très facilement faire passer ses cuirassés d'un océan à un autre, selon les besoins du moment.

Les Philippines, qui jusqu'à la Première Guerre mondiale n'étaient défendables qu'en vertu d'un gentlemen's agreement conclu avec le Japon en 1905, sont elles-mêmes devenues une importante place-forte militaire : en Baie de Manille, Cavite est à présent la principale base navale de la région, et se trouve elle-même défendue par de nombreux ouvrages fortifiés, à commencer par l'impressionnante citadelle de Corregidor, qui abrite une soixantaine de pièces de gros calibre.

A mesure qu'ils se dotent de nouveaux moyens, les Américains vont progressivement hausser le ton contre les Japonais qui, de leur côté, n'ont nullement renoncé à leurs ambitions impérialistes.

En 1934, ils vont même parachever leur conquête de la Mandchourie, en plaçant sur le trône de cet État-fantoche le dernier empereur de Chine, le très insignifiant Puyi, entièrement dévoué sinon à leur cause, du moins à leur service.

Trois ans plus tard, profitant de "l'incident du Pont Marco-Polo" - qu'ils ont eux-mêmes organisé - les soldats japonais bousculent les faibles défenses chinoises, s'emparent de Pékin, de Tientsin, de Shangaï, et finalement de Nankin, n'hésitant pas au passage à couler, le 12 décembre 1937, une petite canonnière américaine, le USS Panay, occupée à évacuer les civils occidentaux...

jeudi 26 mai 2011

3002 - la grande rupture

... Washington, février 1922

Même si elle ne s'est faite que sur le tard, l'intervention américaine dans la Première Guerre mondiale a eu pour effet de propulser les États-Unis au rang de puissance militaire mondiale.

C'est surtout vrai dans le domaine naval : dopée par un programme de réarmement massif voté avant-même le début du conflit, la Navy, quasiment symbolique lors de la guerre hispano-américaine de 1898 est devenue, vingt ans plus tard, la deuxième marine du monde.

A Washington, les partisans de la "Big Fleet" ne font d'ailleurs pas mystère de leur intention de ravir la première marche du podium à la Grande-Bretagne... ni de leur conviction de se retrouver prochainement en guerre contre le Japon qui, depuis 1905, est la puissance dominante en Asie et dans le Pacifique.

Reste que si l'économie américaine est bien plus florissante que celles de la Grande-Bretagne et du Japon, le contribuable américain, lui, n'a aucune envie de financer pareilles ambitions, ce pourquoi les diplomates ont jugé plus sage de réunir, en novembre 1921, une grande conférence internationale sur la limitation des armements navals, une conférence qui, en février 1922, va aboutir à un compromis propre à alimenter toutes les rancœurs.

Dans le domaine des cuirassés - les seuls navires qui comptent vraiment à cette époque où les porte-avions sont encore au berceau - la Grande- Bretagne pourra en conserver 22 dans l'immédiat et seulement 18 à dater de 1927; les USA, 18; mais la France, l'Italie... et le Japon, 10 seulement.

Chez les Nippons, cet accord, signé le 6 février 1922, est immédiatement perçu comme une insupportable humiliation : même si l'économie nationale ne permettrait pas d'en financer davantage, et même si Anglais et Américains vont quant à eux devoir partager leurs navires entre plusieurs mers et océans, cela revient, de facto, à proclamer - et à maintenir - le Japon comme une puissance de second rang.

C'est le début de la grande rupture...

mercredi 25 mai 2011

3001 - le "fardeau de l'Homme blanc"

... Versailles, juin 1919

jusqu'au début des années 1920, le Japon va ainsi avoir les mains libres en Corée.

Et d'ailleurs, comment les chancelleries occidentales, bien que parfaitement au courant des exactions qui s'y commettent, pourraient-elles lui reprocher quoi que ce soit ?

En Afrique, mais aussi en Indochine, en Indonésie, en Malaisie, aux Samoa, aux Philippines et en maints autres endroits du monde, Belges, Français, Néerlandais, Britanniques, Allemands et, bien entendu, Américains, ne se privent nullement eux aussi, et au nom du "fardeau dévolu à l'Homme blanc", de pressurer les populations locales, nécessairement sauvages et arriérées, afin, affirment-ils, de les guider sur le dur chemin qui conduit à la Civilisation.

Dans ce contexte, le "méchant colonisateur", c'est nécessairement l'autre ou, plus exactement, la puissance coloniale - comme l'Espagne, la Russie et bientôt l'Allemagne - qui, ayant le malheur de perdre une guerre contre une autre puissance coloniale, se voit aussitôt dépossédée de ses colonies par celle-ci.

Ayant eu la clairvoyance de se ranger dans le camp des futurs vainqueurs de la Première Guerre mondiale, le Japon va ainsi se voir récompenser par le Traité de Versailles qui, en 1919, lui offre sur un plateau les îles Mariannes, Marshall et Carolines, jusque-là allemandes, ainsi que les comptoirs commerciaux allemands en Chine.

Mais trois ans plus tard, la belle entente entre le Japon et l'Occident, et particulièrement avec les États-Unis, et qui prévaut depuis un quart de siècle, va commencer à se fissurer...

mardi 24 mai 2011

3000 - entre gentlemen

… en politique internationale, les intérêts du jour sont rarement ceux du lendemain.

Dix ans après avoir triomphé des Russes, on verrait les Japonais combattre aux côtés de ceux-ci lors de la Première Guerre mondiale, et même leur restituer les navires - comme le cuirassé Peresvet - saisis après leurs victoires à Port-Arthur et Tsu-Chi-Ma.

Et cinq ans plus tard, on verrait aussi la Navy américaine devenir la première marine de guerre du monde,... et les Japonais se demander à quoi leur avait servi de se lancer dans un coûteux conflit contre la Russie si c’était pour finalement se retrouver sous la menace d'un autre Port-Arthur, américain cette fois, à Manille.

Mais en septembre 1905, à la signature du Traité de Portsmouth consacrant la suprématie nippone en Asie du Sud-Est, on n’en est certes pas encore là.

Et comme Tokyo s’intéresse alors bien davantage à la Corée qu’aux Philippines, et comme Washington n’entend pas, de son côté, dépenser des fortunes pour mettre les Philippines à l’abri des appétits coloniaux japonais, les diplomates des deux camps, en authentiques gentlemen, vont très rapidement trouver un terrain d’entente : en échange de la tranquillité aux Philippines, les Américains vont tout simplement laisser les Japonais faire ce qu’ils veulent en Corée, c-à-d mettre le pays en coupe réglée et imposer à sa population une colonisation d'une brutalité inouïe et rapidement traduite sur le plan formel puisque, de simple protectorat en 1905, la Corée sera tout simplement annexée à l'Empire japonais en août 1910.

Totalement ignorés par l'opinion publique internationale, expropriés en masse, réduits en esclavage, privés de tout droit, et bientôt de celui de s'exprimer dans leur propre langue, les Coréens entrent alors dans une des périodes les plus noires de leur Histoire...

lundi 23 mai 2011

2999 - six ans auparavant...

... en 1898, six ans avant le conflit entre le Japon et la Russie, l'Amérique s'est elle aussi retrouvée en guerre contre une nation européenne, en l’occurrence l'Espagne, suite à l'explosion, dans des circonstances demeurées mystérieuses, du cuirassé USS Maine près de Santiago de Cuba, alors colonie espagnole.

Promptement déclarée entre Washington et Madrid, cette guerre a tout aussi promptement été gagnée par les États-Unis, dont la Marine, bien que minuscule, a écrasé sa rivale espagnole dans deux affrontements décisifs tenus devant Manille et Santiago, soit à des milliers de kilomètres l'un de l'autre (1)

Après ces deux désastres successifs, et plutôt que de subir ensuite un éventuel débarquement américain sur ses côtes, le gouvernement espagnol a préféré jeter l'éponge : le Traité de Paris du 10 décembre 1898 a ainsi accordé l'indépendance à Cuba, et permis aux États-Unis d'annexer les colonies espagnoles de Porto-Rico, Guam et des Philippines

Mais si Cuba et Porto-Rico, situées à quelques encablures seulement des côtes américaines, paraissent facilement défendables par la petite Navy américaine, il en va tout autrement de Guam et, surtout, des Philippines, bien plus proches du Japon que de la côte Ouest américaine, et même d'Hawaï (2)

Les États-Unis du moment n'ayant pas les moyens de rivaliser avec le Japon dans cette partie du monde, l'idée d'un troc, ou plutôt d'un "gentlemen's agreement" sur la Corée et les Philippines, va s'imposer de lui-même...

(1) Saviez-vous que... 612 à 616
(2) Hawaï était devenue un protectorat américain en 1893

dimanche 22 mai 2011

2998 - "les Japonais ont le droit d'être sur un pied d'égalité avec tous les autres peuples du monde civilisé !"

... Washington, septembre 1905.

Même si cette action lui vaudra bientôt le Prix Nobel de la Paix, ce n'est certes pas par grandeur d'âme que le Président Théodore Roosevelt s'est impliqué dans les négociations, puis le traité de paix, que viennent de signer, à Portsmouth, les délégués russes et japonais.

Comme la plupart des Occidentaux, Roosevelt se sent en effet maintes affinités avec ces Nippons certes différents et d'une autre couleur de peau, mais eux aussi fiers, disciplinés, entreprenants... et à la recherche de terres à conquérir et à coloniser pour le plus grand bien - personne n'en doute à l'époque - des populations autochtones elles-mêmes.

"Les Japonais m'intéressent, je les aime bien", dira Roosevelt. [Seuls] "les Japonais ont le droit de se dresser sur un pied d'égalité avec tous les autres peuples du monde civilisé !"... ce qui dans son esprit, et celui de tous ses contemporains occidentaux, désigne exclusivement les Blancs et les Chrétiens et vaut donc tous les compliments du monde.

Mais si les Japonais sont donc dignes d'être Américains, le véritable enjeu pour les États-Unis, et pour Roosevelt, ce sont les Philippines...

samedi 21 mai 2011

2997 - le premier partage au 38ème

... Séoul, 1896

Tout comme la Belgique, la Corée s'est toujours située - pour son plus grand malheur - sur le chemin de nations bien plus grandes et puissantes qu'elle.

Longtemps sous influence de la Chine, elle a fini par se retrouver, à la fin du 19ème siècle, prise entre les ambitions dévorantes de deux empires : la Russie de Nicolas II d'un côté, le Japon de Meiji, de l'autre.

En 1896, après des mois de politique de la canonnière, Russie et Japon vont néanmoins s'entendre - quoique de manière informelle - sur un partage de la Corée organisé - déjà - de part et d'autre du 38ème Parallèle.

Entente éphémère : dans cette partie du monde, le gâteau colonial s'avère vite trop petit pour satisfaire l'insatiable appétit de ces deux empires, lesquels, de février 1904 à mai 1905, vont alors s'affronter dans une guerre impitoyable, qui se termine par la défaite totale de la Russie, terrassée, sur terre, à Port Arthur (Mandchourie) et, sur mer, à la Bataille de Tsu-Chi-Ma (1) (entre la Corée et le Japon)

Après ces deux désastres, la Russie n'a plus d'autre choix que d'accepter enfin la médiation que lui propose, depuis deux ans, un quatrième larron : les États-Unis.

Le 5 septembre 1905, à Portsmouth (Maine), la Russie reconnaît la suprématie du Japon en Asie du Sud-Est, et lui cède ses possessions coréennes et mandchoues dans un traité qui consacre également le triomphe de la diplomatie américaine et qui vaudra d'ailleurs au Président Théodore Roosevelt de recevoir le Prix Nobel de la Paix.

Ce n'est pourtant pas par idéal que l'Amérique et son Président ont accepté de jouer les bons offices...

(1) Saviez-vous que... Tsu-Chi-Ma

vendredi 20 mai 2011

2996 - Ciels de Corée

... ce fut un guerre de trois ans, une guerre qui impliqua les armées d'une vingtaine de nations, une guerre qui se termina sans vainqueur ni vaincu, et aussi une guerre qui tua ou blessa plus de trois millions de personnes, majoritairement civiles.

Pour autant, la Guerre de Corée est probablement une des guerres les plus mal connues.

Car s'il existe des milliers d'ouvrages et de films consacrés à la 2ème G.M., et un nombre quasiment équivalant ayant pour cadre la Guerre du Vietnam, rien ou presque n'a été écrit, ni surtout réalisé sur la Guerre de Corée, laquelle, intercalée entre les deux précitées fut cette "forgotten war", cette "guerre oubliée" que ni l'Est ni l'Ouest ne voulaient mener, et surtout pas mener à l'endroit où elle se déroula.

Il est d'ailleurs symptomatique de constater que le seul film (devenu plus tard série télévisée) qui popularisa véritablement la Guerre de Corée est le "MASH" de Robert Altman, lequel n'est d'ailleurs pas un film de guerre stricto sensu, mais plutôt un pamphlet antimilitariste mettant en vedette des médecins et des infirmières, et dénonçant en réalité une autre guerre - celle du Vietnam - que les grands patrons d'Hollywood jugèrent néanmoins plus prudent de camper en Corée et ce à une époque - 1970 - où l'engagement des États-Unis au Vietnam déchirait la société américaine en deux factions irrémédiablement opposées.

Car contrairement à celui du Vietnam, l'épisode coréen ne suscita jamais la moindre passion aux États-Unis, mais seulement une parfaite indifférence à l'égard d'une guerre qui se déroulait au loin et dont personne n'appréhendait ni la finalité ni les enjeux, sinon qu'elle se menait sous l'égide - au moins théorique - des toutes jeunes Nations-Unies, dont c'était la première "opération de police" d'une quelconque importance...

Mais pour comprendre cette guerre que nul - et surtout pas les Américains - ne voulut jamais traiter ainsi il faut remonter plusieurs années en arrière...

jeudi 19 mai 2011

2995 - avec des si...

... les bombes s'avérant inefficaces, il ne restait plus qu'à envisager un débarquement précédé d'une vaste opération aéroportée, dont le prix parut cependant si élevé, et le résultat final si aléatoire, que Mussolini et Hitler préférèrent en définitive y renoncer.

Après guerre, ce renoncement fut sévèrement jugé par les anciens généraux italiens et allemands, et en particulier par Kesselring, qui le considéra comme une erreur monumentale

Mais au vu des difficultés et des pertes rencontrées par les Alliés dans des opérations analogues, en Normandie, en Hollande, ou encore en Allemagne-même, rien ne permet d'affirmer qu'un assaut aéroporté sur Malte ne se serait pas transformé, pour reprendre l'expression de Student après l'affaire crétoise, en un nouveau "cimetière des parachutistes allemands"

Un cimetière que l'Allemagne n'avait plus les moyens de s'offrir, après tous ceux déjà remplis en URSS...

Jusqu'à son indépendance, en 1964, Malte demeura donc territoire britannique, peut-être, tout simplement, parce que les Britanniques, durant ces trois années décisives, avaient été les seuls à en comprendre la valeur et à en accepter le coût...

mercredi 18 mai 2011

2994 - Churchill avait raison

... en Grande-Bretagne, seul un homme comme Churchill était sans doute capable non seulement de comprendre le véritable intérêt de la minuscule île de Malte, mais surtout d'imposer à ses concitoyens, l'idée de la défendre quel que soit le prix - et il fut exorbitant ! - qu'il faudrait payer.

En regard de cette constante et inébranlable volonté, les deux dictateurs de l'Axe firent au contraire pâle figure.

Mussolini laissa passer sa chance au début de la guerre, en négligeant cette île, alors désarmée et dont il aurait pourtant pu s'emparer facilement, au "profit" de rêves helléniques et africains que son armée n'avait pas les moyens de s'offrir, et que Malte contribua très vite à transformer en cauchemars.

Des moyens, Hitler en avait bien davantage. Mais comme le Führer ne s'intéressait qu'à l'URSS, la Méditerranée ne fut jamais, pour lui qu'un concours de circonstances, et Malte, rien de plus qu'un rocher gênant qui méritait tout juste quelques bombes.

Des bombes, les deux dictateurs finirent par en larguer des milliers de tonnes sur l'île ainsi que sur les navires britanniques qui tentaient de la ravitailler, mais sans parvenir pour autant à la réduire au silence...

mardi 17 mai 2011

2993 - un bilan impressionnant

... la guerre, certes, n'est pas terminée : les Allemands, qui ont envahi l'Italie aussitôt l'armistice proclamé, continuent à se battre au Nord de la péninsule et dans les Balkans, et continueront à le faire jusqu'en mai 1945

A Malte-même, l'activité militaire demeure intense, mais sa finalité a complètement changé. Plus question à présent de se défendre contre les bombardiers ennemis, ou de répliquer en s'en allant bombarder ses terrains ou ses navires : l'ïle est désormais une simple - mais importante - plateforme de ravitaillement et de transit pour les bâtiments ou les avions alliés en route vers d'autres Fronts.

Pour les Maltais, qui en trois ans ont supporté plus de 3 000 alertes aériennes, et vu 75 % de leur habitat réduit en poussière, ce changement de vocation est assurément le bienvenu, mais il permet aussi de mieux comprendre le rôle capital joué en Méditerranée par cette île en apparence insignifiante.

En trois ans, le "porte-avions" maltais a coulé plus de 700 000 tonnes de navires germano-italiens en Méditerranée ou dans les ports d'Italie, de Sicile ou d'Afrique du Nord, et a également détruit, en l'air ou au sol, plus d'un millier d'avions allemands et italiens.

Ses propres pertes ont également été très élevées : plus de 600 avions au total, auxquels il faut évidemment ajouter les deux véritables porte-avions, les quatre croiseurs, la trentaine de destroyers et, bien entendu, la quarantaine de cargos et de pétroliers coulés ou irrémédiablement endommagés entre juin 1940 et août 1942, et dans le seul but de ravitailler cette île assiégée par les forces de l'Axe...

lundi 16 mai 2011

2992 - la délivrance

... septembre 1943

Après trois ans de guerre, la population de Malte n'en croit toujours pas ses yeux : la Regia Marina, ou du moins une bonne partie de celle-ci, mouille dans le port de La Valette !

Le 8 septembre, en application de la convention d'armistice signée cinq jours auparavant, les navires de guerre capables de naviguer ont en effet pris la mer à destination du port allié le plus proche - autrement dit, Malte - et ce afin d'y être désarmés.

Le 13 septembre, soucieux de plaire à ses vainqueurs, le nouveau gouvernement du Roi Victor-Emmanuel III et du maréchal Badoglio a même officiellement déclaré la guerre à l'Allemagne et, dans la foulée, proposé de remettre ces navires en service et au profit des Alliés.

Mais Britanniques et Américains n'ont que faire des anciens joyaux italiens et, en attendant une opportunité qui ne se présentera jamais, vont plutôt les envoyer rouiller en Égypte, cette Égypte que Mussolini était certain de conquérir, trois ans auparavant.

En trois ans, énormément de choses ont changé en Méditerranée, et surtout pour l'Italie qui, en en cherchant à accroître son Empire, a tout simplement perdu celui qu'elle possédait !

Et alors que tout semblait la destiner à passer sous le joug italien, la minuscule île de Malte fait au contraire partie de ses vainqueurs.

dimanche 15 mai 2011

2991 - défense sicilienne

... Juin 1943

La reddition des derniers éléments de l'Afrika Korps en Tunisie, début mai, n'a nullement mis un terme aux activités du "porte-avions maltais" qui, après avoir coulé tous les navires de l'Axe à destination de l'Afrique du Nord s'est aussitôt vu confier la tâche "d'amollir" les défenses germano-italiennes d'Italie et, surtout, de Sicile, où les Alliés vont débarquer le 9 juillet, dans le cadre de l'Operation Husky.

Cette fois, les quelque 100 kms qui séparent Malte des côtes siciliennes jouent en faveur des Alliés qui, jour après jour, font décoller bombardiers et chasseurs-bombardiers avec pour mission de s'en prendre aux ports, aux terrains, aux infrastructures, aux voies ferrées et, bien entendu, au trafic maritime de l'adversaire.

Et une fois les troupes enfin au sol, l'aviation maltaise ne cessera plus d'appuyer leur progression tout au long des six semaines que va durer cette campagne, laquelle se terminera le 17 août, par une large victoire alliée, malheureusement gâchée par "l'affaire de la gifle", qui va coûter son commandement au très impulsif George Patton (1)

Mais la principale victime du débarquement allié en Sicile, sera Benito Mussolini lui-même : piégé le 25 juillet à sa sortie de la Villa Savoia après sa visite au Roi Victor-Emmanuel III, le Duce sera arrêté par les carabiniers, poussé dans une ambulance jusqu'à un poste de police, puis promené pendant des semaines d'une cellule à une autre, jusqu'à ce qu'il échoue finalement dans les Appenins, et plus précisément dans un hôtel du Gran Sasso, d'où Hitler, qui ne l'a pas oublié, le fera néanmoins sortir, dix jours après la capitulation italienne...

(1) alors qu'il visitait un hôpital de campagne, Patton n'avait pu s'empêcher de coller une gifle, devant témoins, à un soldat qui, bien que ne souffrant d'aucune blessure physique, refusait de retourner au combat. Anecdotique dans n'importe quelle autre armée, cette affaire fit scandale aux État-Unis, Patton se voyant sommé de présenter des excuses publiques à l'armée américaine toute entière, et ne retrouvant un commandement opérationnel qu'en Normandie, en août 1944

samedi 14 mai 2011

2990 - l'effondrement final

... en Tunisie, les forces de l'Axe, malgré quelques succès locaux, s'acheminent inexorablement vers une défaite sans gloire.

Côté américain, après le désastre de Kasserine (19 au 25 février), Lloyd Fredendall, commandant du IIème Corps d'armée, est renvoyé aux États-Unis et remplacé par un général aussi compétent que controversé : George Patton, lequel écrase les Germano-Italiens à El Guettar, le 23 mars.

Mais plus que l'arrivée de Patton, c'est - encore et toujours - le ravitaillement qui pose le plus de problèmes aux forces de l'Axe : la Sicile a beau n'être qu'à environ 200 kms, ces 200 kms doivent obligatoirement être franchis par bateaux, sur une mer désormais survolée en permanence par des avions maltais qui bombardent et torpillent tout ce qui bouge.

Et pas question de compter sur la Luftwaffe pour assurer ne serait-ce qu'un semblant de protection : le Blitz raté d'octobre 1942 sur Malte, et la catastrophe qui vient de se produire à l'Est - où la VIème Armée a capitulé à Stalingrad (2 février) - interdisent tout véritable renforcement aérien.

Rentré en Allemagne, Rommel s'efforce de convaincre Hitler d'abandonner la Tunisie, ce qui permettrait au moins d'en rapatrier les troupes. Mais le Führer, fidèle à ses habitudes, ne veut pas entendre parler de retraite, ne veut pas d'un nouveau Dunkerque, allemand cette fois, et préfère donc condamner ses soldats, et ceux de Mussolini, à une défaite désormais inéluctable.

Le 7 mai, les Britanniques entrent à Tunis pendant que les Américains s'emparent de Bizerte. Encore une semaine, et plus de 200 000 hommes sont faits prisonniers.

En moins de trois ans, l'empire italien, que Mussolini rêvait d'étendre d'un bord à l'autre de la Méditerranée, cet empire a purement et simplement cessé d'exister...

vendredi 13 mai 2011

2989 - comme un boxeur sûr de sa victoire

... Janvier 1943


Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Maltais ont pu passer les fêtes dans la joie : la partie est sur le point d'être gagnée en Afrique du Nord, où les Américains ont débarqué; la Luftwaffe, très affaiblie, a pour ainsi dire disparu du Ciel; et, surtout, le ravitaillement de l'île depuis Gibraltar ou Alexandrie s'effectue désormais sans problème.

Fin novembre, et malgré quelques attaques aussi sporadiques qu'inefficaces, un grand convoi de ravitaillement parti d'Égypte a en effet pu rallier La Valette sans subir la moindre perte et - plus important encore - aucun bombardier germano-italien n'a ensuite tenté de s'en prendre aux navires occupés à déchargé leur précieuse cargaison.

La guerre, bien sûr, n'est pas finie mais, pour la première fois depuis juin 1940, Malte se retrouve dans l'agréable position du boxeur sûr de sa future victoire et qui se contente de distribuer des coups sans plus avoir à les subir.

L'île est même devenue ce grand porte-avions stratégique dont rêvait Churchill, et un porte-avions sur lequel les appareils ne cessent de se multiplier : d'environ 200 en novembre 1942, ceux-ci vont passer à plus de 600 en mai 1943 !

Et comme la menace allemande a disparu, même les chasseurs peuvent désormais être lancés dans des opérations de bombardement ou de mitraillage des terrains, des ports et, bien entendu, des navires germano-italiens qui tentent encore de ravitailler une Tunisie où les forces de l'Axe vivent leurs dernières semaines...

jeudi 12 mai 2011

2988 - feu de paille

... comme beaucoup d'autres, et particulièrement dans le désert, la victoire de Montgomery à El-Alamein est d'abord et avant tout une victoire par attrition : inférieurs en nombre, et souffrant plus que leurs adversaires de problèmes de ravitaillement, Allemands et Italiens étaient bel et bien condamnés à perdre.


Sous la lente mais inexorable poussée de la VIIIème Armée, ces derniers n'ont d'ailleurs plus d'autre choix que de retraiter toujours plus loin vers l'ouest : le 11 novembre 1942, Tobrouk, perdue le 22 janvier 1941 mais reconquise le 21 juin 1942, tombe à nouveau - cette fois définitivement - aux mains des Britanniques. Le 13 décembre, c'est au tour d'El-Agheila, et le 23 janvier 1943, celui de Tripoli.


Dans le même temps, la Luftwaffe, étrillée à Malte et désormais réduite à peau de chagrin, n'a rien pu faire, le 8 novembre, contre les cinq porte-avions, les trois cuirassés et la dizaine de croiseurs mobilisés par les Anglo-Américains pour appuyer leur débarquement en Algérie et au Maroc dans le cadre de l'Operation Torch


Pris en sandwich, ce qui reste du contingent germano-italien n'a eu d'autre choix que de retraiter jusqu'en Tunisie, où il va d'ailleurs recevoir des renforts car Hitler - aussi incroyable cela puisse-t-il sembler - n'a toujours pas renoncé à l'Afrique du Nord qui, il est vrai, peut aussi servir de bouclier contre un éventuel débarquement allié en Italie.


Avec son relief tourmenté, la Tunisie se prête certes mieux que la Libye à des manoeuvres défensives, et entre la Sicile et la Tunisie, il n'y a guère que 200 kilomètres, ce qui - en principe - doit permettre d'acheminer bien plus facilement des renforts par air ou par mer.


Dès le 10 novembre 1942, la Regia Aeronautica s'installe donc à Tunis. A la fin novembre, Allemands et Italiens disposent de cinq divisions sur place. Encore deux mois, et leurs effectifs dépasseront les 100 000 hommes, lesquels vont bîentôt recevoir leurs premiers chars Tiger, dont les 50 tonnes, et le canon de 88mm, vont écraser sans problème la très novice infanterie américaine à la Passe de Kasserine (19 au 25 février 1943).


Ce n'est pourtant qu'un feu de paille...

mercredi 11 mai 2011

2987 - 48 heures de plus...

... El Alamein, 23 octobre 1942

Déclenchée dans la soirée, l'attaque de la VIIIème Armée britannique ne progresse que fort lentement - ce sera pour ainsi dire la "marque de fabrique" de Montgomery dans les trois années qui viennent - mais du moins s'agit-il d'une progression, et bientôt d'une victoire.

Lorsque Rommel, rappelé d'urgence d'Allemagne (1), rentre à El-Alamein deux jours plus tard, le "Renard du Désert" ne peut que constater les dégâts : dans les champs de mines, et sous les tirs des 88mm, les Britanniques ont déjà perdu plus de 200 tanks, mais il leur en reste toujours... deux fois plus que les Allemands, et ils disposent par ailleurs - autre "marque de fabrique" de Montgomery - de munitions et d'essence en quantités quasi-inépuisables.

Le 2 novembre, la VIIIème, qui continue de progresser kilomètre par kilomètre, possède encore plus de 600 tanks contre seulement une centaine - majoritairement italiens - à l'Afrika Korps; le 4, malgré les ordres du Führer de tenir à tout prix, Rommel n'a plus d'autre choix que de battre en retraite le long de la côte.

Mais comme il n'a pas assez de véhicules ni d'essence pour tout le monde, ce sont surtout les Italiens qui vont en faire les frais : si certains d'entre eux - et en particulier les parachutistes de la Folgore, qui devaient à l'origine s'emparer de Malte - continuent à se battre avec acharnement, la plupart se rendent par bataillons entiers.

D'ailleurs, que peuvent-ils faire d'autre dans ce désert, à pieds, et bientôt sans eau ?

Le 8 novembre, ce qui reste de l'Afrika Korps a dû retraiter jusqu'à la Passe d'Halfaya, à la frontière libyenne et ne compte plus guère qu'une dizaine de milliers d'hommes et une vingtaine de tanks en état de combattre !

(1) malade, Rommel était parti début septembre pour se faire soigner en Allemagne

mardi 10 mai 2011

2986 - le dernier Blitz

... pour la première fois depuis plusieurs semaines, Malte va donc à nouveau être soumise à un Blitz de plus de 500 avions allemands et italiens hâtivement rassemblés sur les terrains de Sicile.

Mais cette fois, les résultats sont loin de correspondre à ceux du début de l'année...

"J'étais très conscient des difficultés de l'entreprise. Malte était tout à fait prête à se défendre et elle possédait, sur l'île même, une aviation de chasse notablement renforcée"

(...) "Le commandant en chef de la Luftwaffe [Hans Jeschonnek] soutenait le projet d'attaque dans une large mesure, mais toutes les demandes ne purent être satisfaites", souligna Kesselring avant d'ajouter, pour le moins perfidement, que "Il fallait à peine compter sur les bombardiers et chasseurs italiens, à cause de leur matériel démodé et de l'instruction insuffisante des équipages de bombardiers pour le vol de nuit"

De fait, face à une aviation de chasse et des défenses anti-aériennes notablement renforcées, les dommages causés se révèlent bien maigres, et surtout hors de proportion avec les pertes subies : en trois jours d'opérations intensives, la Luftwaffe à elle seule va ainsi perdre une cinquantaine d'appareils et autant d'équipages expérimentés.

(...) "l'attaque exécutée au milieu d'octobre ne donna pas le succès espéré. Je dus l'arrêter dès le troisième jour, en raison d'abord des trop fortes pertes, mais surtout en considération de l'invasion anglo-américaine (1), à laquelle il fallait s'attendre" (2)

Le 21 octobre, le ciel de Malte est vide de tout avion ennemi.

Deux jours plus tard, quelques centaines de kilomètres plus au Sud, à El Alamein, la VIIIème Armée britannique lance son offensive...

(1) la future Opération Torch, lancée en Algérie et au Maroc le 8 novembre suivant
(2) ibid, page 91

lundi 9 mai 2011

2985 - y croire encore

... bloqué devant El-Alamein depuis le début du mois de juillet, Rommel est à présent à la merci d'une contre-attaque de la VIIIème Armée britannique.

Kesselring, et même Hitler, en sont bien conscients et aussi de l'absolue nécessité de "faire quelque chose" si l'on veut éviter un complet effondrement des forces de l'Axe en Afrique du Nord et conserver l'espoir - aussi ténu soit-il - de repartir un jour à la conquête de l'Égypte.

"Faire quelque chose", soit, mais quoi ?

Impossible de s'en prendre au ravitaillement des troupes britanniques, désormais généreusement dopées par l'aide américaine (1), et plus question non plus d'envahir Malte, puisque les troupes, les tanks, les avions, mais aussi les navires et l'essence qui avaient été réunis à cette fin ont déjà été, dans une large mesure, ré-alloués à Rommel... ou coulés quelque part en Méditerranée.

Et avec ses moyens désormais principalement mobilisés sur le Front de l'Est - où l'offensive, comme l'année précédente, ne se déroule pas franchement comme prévu - la Luftwaffe n'est certes plus en mesure de rassembler contre Malte autant de bombardiers et de chasseurs qu'en début d'année.

A l'évidence, la nouvelle offensive aérienne que projettent les deux hommes ne pourra donc pas égaler la puissance de la précédente, laquelle s'était par ailleurs avérée incapable d'emporter la décision.

Et elle le pourra d'autant moins que Malte, en cet automne de 1942, est elle-même bien plus forte - en particulier en matière de chasseurs - que lors du premier semestre !

Kesselring, pourtant - mais a-t-il vraiment le choix ? - veut encore y croire : "il fallait, écrira-t-il, tenter d'arracher une amélioration de nos conditions de ravitaillement, même si cette amélioration ne devait être que passagère" (2)

(1) sur le millier de tanks dont dispose Montgomery en octobre 1942, plus de la moitié sont déjà des Grant, des Sherman ou des Stuart américains
(2) ibid, page 91

dimanche 8 mai 2011

2984 - "La situation devient franchement sérieuse"

... octobre 1942.

Ravitaillée en carburant grâce au sacrifice du pétrolier Ohio, et désormais à l'abri d'une invasion suite à l'annulation de l'Operation Herkules, Malte est rapidement repartie à l'attaque.

Dés le début de l'été, les "Wellington" ont repris leurs missions de bombardement des ports et terrains d'aviation italiens, remontant aussi loin que Naples. Dans le même temps, "Bleinheim", "Beaufort" et "Beaufighter" - les "Mosquitos" n'arriveront qu'en 1943 - ont recommencé à bombarder et à torpiller tous les navires germano-italiens passant à leur portée.

Et les résultats de ces attaques n'ont pas tardé à se faire sentir.

"Rommel est arrêté en Égypte faute de carburant", se lamente le Comte Ciano, Ministre des Affaires étrangères italiens". "Trois de nos pétroliers ont été coulés en deux jours".

"La situation devient franchement sérieuse",
renchérit l'amiral allemand Weichold, (...) "en septembre, les pertes en bâtiments ont atteint de nouveau un seuil élevé, avec 23 000 tonnes envoyées par le fond".

(...) "en octobre, presque tous nos convois ont été survolés par des avions de reconnaissance partis de Malte et attaqués avec succès. Près de 24 000 tonnes ont été coulées"

(...) "Sur les 32 000 tonnes de fret et les 940 véhicules allemands dépêchés en Afrique du Nord, seulement 19 000 tonnes et 580 camions et chars sont arrivés à bon port. Les pertes dans le domaine du carburant sont encore plus importantes : 3 300 tonnes réceptionnées sur les 10 000 expédiées"

Et Kesselring lui-même n'a plus d'autre choix que de reconnaître que la force de "surveillance" tant vantée en juin est désormais incapable d'assurer la sécurité des approvisionnements de l'Axe à destination de l'Afrique du Nord.

"Je ne pouvais, écrira-t-il après la guerre, me résigner à assister dans l'inaction à ce lent effondrement" (1)

Mais entre la parole et l'action, la marge est maintenant considérable...

(1) ibid, pages 90-91

samedi 7 mai 2011

2983 - une pénurie de plus en plus préoccupante

... pour expliquer l'échec de Rommel devant El Alamein, puis Alam el Halfa, on peut bien sûr évoquer la résistance de la VIIIème Armée des généraux Auchinleck puis Montgomery.

Mais il y a surtout, et une fois de plus, le problème du ravitaillement qui, en Afrique du Nord, transite presque entièrement par la voie maritime, à travers la Méditerranée.

Sans nourriture, sans essence, sans pièces détachées, les fantassins ne peuvent plus combattre, les avions décoller, et les tanks circuler dans le désert. Sans troupes de renfort, sans appareils et blindés de remplacement, les unités perdent rapidement toute efficacité et n'ont plus d'autre choix que de camper sur leurs positions avant de devoir finalement battre en retraite.

"Les conséquence de toutes ces faiblesses, dira Rommel, furent graves. J'en veux pour exemple le fait que, du 1er au 20 août [soit entre les batailles d'El-Alamein et d'Alam el Halfa] les unités allemandes de l'armée blindée consommèrent à peu près le double du carburant qui leur parvint à travers la Méditerranée durant cette même période; il nous fallut réduire notre consommation, déjà extrêmement restreinte.

Le 20 août, il nous manquait encore 16 000 hommes, 210 Panzer, 175 chars d'accompagnement d'Infanterie et automitrailleuses, soit, au total, un minimum de 1 500 véhicules compte tenu de l'équipement théorique des unités allemandes.

(...) Quant au ravitaillement en vivres, il était au-dessous de tout et l'ordinaire d'une monotonie écœurante. L'état de nos stocks de munitions et de carburant était une source de soucis perpétuels. Force nous était parfois d'interdire le tir d'artillerie (alors qu'il aurait fallu troubler les préparatifs de l'ennemi ou le harceler" (1)

Rommel, pourtant, n'a que lui-même à blâmer en cette affaire...

(1) ibid, page 87

vendredi 6 mai 2011

2982 - l'enterrement

... les réticences italiennes, les craintes hitlériennes, ainsi que les besoins militaires des autres Fronts - et en particulier l'URSS - ont assurément joué un grand rôle mais, en définitive, le report, et finalement l'abandon, d'Herkules s'explique surtout par les succès d'Erwin Rommel en Afrique du Nord... c-à-d par les actes et décisions d'un homme qui, après n'avoir cessé de réclamer l'invasion de Malte tout au long de l'année 1941, estime, un an plus tard, qu'il ne s'en portera que mieux en s'en passant !

Saisissant paradoxe : alors qu'il connaît, pour l'avoir douloureusement vécue en 1941, la menace que l'aviation maltaise fait courir sur ses approvisionnements - approvisionnements dont il a un besoin vital pour sa conquête de l'Égypte - Rommel en est venu, à l'été 1942, à réclamer, pour cette même conquête, les tanks, les fantassins, les avions, mais aussi les navires et, bien entendu, l'essence, nécessaires à l'invasion de Malte !

Grisé par sa victoire de Tobrouk, le "Renard du désert" est convaincu que l'Égypte est à portée de mains et, rien n'étant plus communicatif que l'enthousiasme, Hitler n'a évidemment eu aucun mal à s'en persuader lui-même.

Kesselring, qui s'entend du reste fort mal avec Rommel, est bien sûr d'un avis différent, mais comme personne n'ose déjà plus discuter les "ordres personnels du Führer", la quasi-totalité des moyens aériens encore disponibles en Méditerranée à été mise à la disposition d'un Rommel qui, contre toute attente, va pourtant buter contre une ligne de résistance que la VIIIème Armée britannique a hâtivement improvisée à seulement 100 kms d'Alexandrie, et plus précisément autour d'une petite bourgade égyptienne connue sous le nom d'El Alamein.

Tout au long du mois de juillet, Rommel va multiplier les attaques contre les positions du général britannique Auchinleck, sans résultat aucun.

Une tentative de contournement, menée début septembre à Alem el Halfa, quelques kilomètres plus au sud, n'est pas plus probante : soldats allemands et italiens étant en effet à nouveau repoussés par une VIIIème Armée désormais commandée par un certain Bernard Montgomery (1)

Rommel, et aussi Hitler, ne renoncent pourtant pas, mais l'issue de la guerre en Afrique du Nord ne dépend déjà plus d'eux...

(1) le commandement de la VIIIème Armée devait à l'origine revenir au général William Gott, dont l'avion fut malheureusement abattu, et lui-même mortellement blessé, avant qu'il puisse entrer en fonction.