mardi 31 mai 2005

814 - la marche implacable du Progrès

... infiniment plus sophistiquée (donc plus longue et coûteuse à produire) que la V1, et ancêtre de tous les missiles balistiques d'aujourd'hui, la fusée V2 transportait environ une tonne d'explosifs sur une distance équivalente à celle de la V1, mais à plusieurs fois la vitesse du son, ce qui la rendait impossible à intercepter.

Faute de bombe atomique, que les ingénieurs allemands ne purent jamais mettre au point à temps, ni la V1 ni la V2 n'eurent la moindre influence sur la guerre, et coûtèrent au contraire fort cher au Troisième Reich, que ce soit en Reichsmarks, en énergie, en carburant ou en ressources diverses.

Paradoxalement, cette invulnérabilité constitua la principale faiblesse des V2 qui, lancées à plusieurs milliers d'exemplaires, ne mobilisèrent aucune défense alliée.

Pour atteindre l'efficacité d'un seul grand raid de "mille bombardiers" britanniques ou américains, qui transportaient chacun de quatre à cinq tonnes de bombes à chaque vol, et notamment sur Hambourg, Berlin ou Dresde, il aurait en effet fallu lancer plus de 5 000 V1 ou V2 à la fois.

A la capitulation allemande, moins de 30 000 avaient été tirés, qui pour plus de la moitié n'atteignirent jamais leur cible...

lundi 30 mai 2005

813 - les "armes de représailles"

... N'ayant pas les capacités industrielles pour construire les milliers de bombardiers quadrimoteurs que les Anglo-américains utilisaient pour incinérer les villes allemandes, l'Allemagne nazie s'était (trop) vite convaincue qu'elle pourrait, grâce aux fusées, parvenir aux mêmes résultats sur les villes britanniques, voire même américaines.

De "l'idée du Führer" à sa mise en oeuvre, il n'y avait qu'un ordre qui, dans toute l'Allemagne et les territoires contrôlés par elle, mobilisa bientôt des centaines de savants, d'ingénieurs et de techniciens, mais aussi des dizaines de milliers d'ouvriers, de déportés et de travailleurs des camps.

Construit par Fieseler, le "Vergeltungswaffen -1", "arme de représailles 1" ou "V1" était un petit avion sans pilote transportant 800 kilos d'explosifs, qu'un pulsoréacteur Argus propulsait à plus de 600 kms/h pendant environ 300 kilomètres. Son imprécision était telle qu'elle ne lui permettait que de frapper des grandes villes, à l'exclusion de tout objectif exclusivement militaire.

Une fois en vol, le V1, précurseur des actuels "missiles de croisière", conservait une trajectoire immuablement rectiligne (qui constituait par ailleurs son plus gros handicap) jusqu'à ce qu'une minuterie programmée au sol interrompe l'alimentation du pulsoréacteur, entraînant la chute de l'engin

Sur plus de 25 000 V1 lancés sur Londres, Antwerpen ou Liège, plus de la moitié furent détruits en vol ou victimes de problèmes techniques.

Ils n'en causèrent pas moins la mort de plusieurs milliers de personnes...

dimanche 29 mai 2005

812 - le plus bel avion du monde















... à la plus grande satisfaction des militaires américains, toujours à la recherche de capacités d'emport supplémentaires les quadrimoteurs Douglas C54 (version militaire du DC4) épaulèrent bientôt les C47 (DC3) dans l'inventaire du transport aérien.

Lockheed fit encore mieux en janvier 1943, en faisant voler pour la première fois le plus bel avion de transport de tous les temps : le célèbre "Constellation" qui, agrandi, deviendrait "Super-Constellation", puis "Starliner", et régnerait sur les cieux jusqu'à l'arrivée du Boeing 707, au début des années 1960.

Conçu comme avion de transport civil pressurisé, et financé par l'excentrique Howard Hughes, alors propriétaire de TWA, le Constellation intéressa immédiatement les militaires, qui en mobilisèrent les premiers exemplaires.

Tout a été dit du quadrimoteur Constellation, de son incomparable beauté,... comme de la propension de ses moteurs à tomber en panne, propension qui lui valut d'ailleurs le surnom de "plus rapide trimoteur du monde" tant il était fréquent qu'il arrive sur trois moteurs après avoir décollé avec quatre.

Avec les DC3 et autres DC4, les "Connie" militaires allaient participer au pont aérien sur Berlin (1948), puis céder progressivement la place à des avions de transport encore plus gros, comme le C124 "Globemaster", le C130 Hercules, ou le Lockheed C5 "Galaxy".

Avec eux, la guerre entra véritablement dans l'âge de la globalité.

Mais ceci est une autre histoire...

samedi 28 mai 2005

811 - l'avion, tout simplement

... les nombreuses parcelles de leur empire étant séparées par d'immenses étendues de mers et d'océans, les Britanniques et les Français se tournèrent tout naturellement vers les grands hydravions à coque, qui offraient l'avantage - du moins en théorie - de pouvoir se poser n'importe où en mer en cas d'avarie de moteur.

Les Américains - en particulier ceux de la Pan Am - n'étaient pas opposés à l'idée et, durant l'entre-deux-guerre, mirent d'ailleurs en service de nombreux gros "clippers" Sikorski, Martin ou Boeing sur les routes de Chine, du Pacifique, et enfin de l'Atlantique.

Pour le service intérieur, en revanche, et qu'ils soient militaires ou civils, tout opposait les Britanniques et les Français aux Américains. Là où les premiers pouvaient à la limite se contenter de prendre le train, les seconds, confrontés à l'immensité d'un territoire s'étendant sur plus de 6 000 kms d'un bord à l'autre, réclamaient un moyen de transport plus rapide.

L'hydravion n'étant d'aucune utilité au dessus des terres, c'est aux États-Unis que l'avion eut finalement le loisir de faire étalage de ses qualités et, bientôt, de supplanter l'hydravion, y compris au dessus de l'océan.

Les Boeing 247 et - surtout - les Douglas DC2 et DC3 ouvrirent rapidement la route. Le 18 février 1934, un DC2 rallia ainsi la côte ouest à la côte est des États-Unis dans le temps record de treize heures (avec escales). Quelques mois plus tard, un DC2 de la compagnie néerlandaise KLM stupéfia le monde en terminant second de la course Londres-Sidney, en quatre-vingt-dix heures, juste derrière un pur monoplan de course de Havilland (!)

Il n'en fallait pas plus pour éveiller l'intérêt des compagnies aériennes du monde entier,... et aussi des militaires qui, dès le déclenchement de la 2ème Guerre mondiale, se précipitèrent sur le bimoteur Douglas, qui fut construit à plus de 10 000 exemplaires et transporta des dizaines de milliers de combattants et leurs approvisionnement sur tous les théâtres d'opération avant de se reconvertir dans le transport civil.

Avec les DC4 et Constellation quadrimoteurs qui suivirent, et les progrès en matière de fiabilité des moteurs, la cause était définitivement entendue : l'hydravion de transport avait vécu.

vendredi 27 mai 2005

810 - l'empire inutile

... plus que de bravoure ou de stratégie, la guerre est d'abord et avant tout affaire de logistique. Les Américains n'ayant pas d'empire, mais beaucoup de sens pratique, comprirent très vite la nécessité de posséder une importante flotte d'avions de transport s'ils voulaient acheminer et ravitailler leurs troupes aux quatre coins du globe. Les Japonais, en revanche, avaient conquis un immense empire, mais ne s'étaient jamais beaucoup préoccupés de logistique, arme par trop défensive pour une nation de samouraïs. Lorsqu'ils réalisèrent leur erreur, et le risque d'une rupture totale des routes maritimes par les sous-marins américains, il était déjà trop tard, et la chute devenue inévitable.

Deux chiffres suffisent à illustrer le propos : de 1930 à 1945, le Japon fabriqua moins de 2 500 appareils de transport de tout type; dans le même temps, l'Amérique construisit plus de 10 000 exemplaires du seul Douglas DC3/C47 (!) Encore les avions de transport japonais comme le Ki-56 étaient-ils souvent plus petits et bien moins performants que leurs rivaux américains.

Impossible, dans ces conditions, d'espérer ravitailler les garnisons assiégées. En octobre 1943, l'armée impériale japonaise en fut même réduite aux solutions purement administratives pour résoudre ses problèmes de transport : "S'il n'y a pas de place d'avion disponible, les officiers contraints de se déplacer impérativement vers les théâtres d'opération seront autorisés à voyager debout si le commandant d'aéronef est d'accord" (*).

Les avions de chasse et de bombardement conservant la priorité, la fabrication d'avions de transport plus performants dépassa rarement le stade du prototype, à l'image du Kokusaï Ki-111, un "avion-pétrolier" tout en bois, conçu pour transporter sur près de 10 000 kms une citerne de carburant d'environ 3 000 litres, c-à-d pour acheminer au Japon, par la voie des airs, de l'essence raffinée aux Indes néerlandaises (!)

Une idée absurde, qui mobilisa pourtant les ingénieurs pendant six mois, jusqu'à l'annulation totale du programme, au début 1945. Une idée qui en disait long sur le désarroi d'un empire aux abois. Un empire inutile, qui disposait encore des immenses richesses des pays conquis, mais ne pouvait plus rien en faire...

(*) Le Fana de l'Aviation no 425, page 38

jeudi 26 mai 2005

809 - la voie du sacrifice















... à elle seule, la tragédie de Stalingrad illustre la débâcle inéluctable du transport aérien allemand, et bientôt de l'Allemagne elle-même.

Conçu à la fin des années 1920, totalement obsolète dès 1939, le trimoteur Junkers 52 constituait encore - avec quelques rares et très fragiles Focke-Wulf 200 "Condor" - l'essentiel d'une flotte d'avions de transport qui ne s'était jamais véritablement remise de la Campagne de Hollande, lorsque plusieurs centaines de Ju-52 s'étaient brisés à l'atterrissage dans les polders inondés.

Trop lent, trop exigu, trop vulnérable, le disgracieux Junkers aurait déjà dû être remplacé depuis longtemps lorsque la Vième armée du Général Paulus se retrouva encerclée à Stalingrad. Pour de pures raisons de prestige, et contre l'avis de ses généraux, Hitler donna l'ordre de tenir la ville plutôt que de battre en retraite quand c'était encore possible. Il est vrai que le propre chef de la Luftwaffe, le très immodeste Hermann Goering, s'était engagé à ravitailler par la voie des airs les 300 000 soldats allemands bloqués dans la poche.

Mais pour ravitailler ces 300 000 hommes, il aurait fallu transporter 600 tonnes de munitions, de nourriture et d'équipements divers chaque jour. En grattant les fonds de hangars, en transformant en avions-cargo improvisés tous les bombardiers disponibles, on parvint péniblement, les premiers jours, à rassembler 400 avions. Mais comme il n'y en eut jamais plus de 150 opérationnels en même temps, il fut impossible, par beau temps et en dehors de toute intervention de la chasse ou de la DCA soviétiques, de transporter plus de 289 tonnes par jour.

Le 31 janvier 1943, ce fut la fin. Sur les quelque 300 000 soldats allemands qui s'étaient présentés devant Stalingrad, 210 000 étaient morts de froid, de faim, d'épuisement, ou sous la mitraille russe. Et sur les 90 000 soldats faits prisonniers et internés dans des conditions véritablement inhumaines, seuls 5 000 revirent finalement l'Allemagne,... dix ans après la fin de la guerre.

Quant à la Luftwaffe, elle avait perdu, sur cette simple obsession hitlérienne, 800 appareils et plus de 2 500 aviateurs et mécaniciens.

Ce fut le début de la fin du "Reich de Mille ans"...

mercredi 25 mai 2005

808 - le parent pauvre

... conquérir un empire est une chose. Parvenir à le conserver et à s'en approprier les richesses en est une autre, infiniment plus essentielle.

Il faut en effet amener en métropole l'or, le pétrole, le blé, les matières premières et les produits finis des pays conquis. Mais il importe également de ravitailler les garnisons isolées ainsi que les armées qui combattent de plus en plus loin et réclament en permanence renforts, approvisionnements, munitions et évacuation de leurs blessés.

Le transport aérien constitue évidemment un atout-clé de ce programme. Pourtant, paradoxalement, c'est ce dernier qui resta le plus négligé chez les conquérants allemands autant que japonais, chez lesquels il fit constamment figure de parent pauvre.

Pionnière du transport aérien militaire, ayant réalisé un des premiers "pont aérien" de l'Histoire en permettant aux troupes du général Franco de franchir la Méditerranée au milieu des années 1930, la Luftwaffe allemande n'accorda cependant aucune priorité à la constitution et au renouvellement de sa flotte d'avions de transport, surtout composée de vieux trimoteurs Junkers 52 qui s'époumonèrent jusqu'à la fin à tenter de satisfaire les illusions hitlériennes, lesquelles se brisèrent définitivement à Stalingrad.

La situation était encore pire au Japon, dont la marine peinait déjà, avant guerre, à assurer les besoins. Lorsque les sous-marins américains coupèrent les routes maritimes, l'archipel se retrouva privé de ses sources d'approvisionnement sans que l'aviation de transport - quasiment inexistante - soit en mesure de prendre le relais.

L'Allemagne et le Japon avaient beau disposer à leur guise des immenses ressources des pays conquis, celles-ci ne leur servaient à rien, faute de moyens pour les transporter.

La chute était inévitable

mardi 24 mai 2005

807 - l'avion parasite

... lorsqu'on se rendit compte que les bombardiers, aussi robustes et puissamment armés fussent-ils, resteraient vulnérables à la chasse ennemie, il fallut se résoudre à les faire escorter.

Mais les appareils d'escorte ne disposaient pas toujours d'une autonomie suffisante pour accompagner leurs protégés tout au long du parcours. Il pouvait aussi arriver que, pour des raisons diverses et notamment météorologiques, les escorteurs ratent le rendez-vous prévu avec les bombardiers, lesquels se retrouvaient alors livrés à eux-mêmes et à la merci des chasseurs ennemis.

Certains eurent alors l'idée d'utiliser les capacités d'emport des bombardiers pour leur faire transporter non pas des bombes, mais bien un chasseur d'escorte qui, installé en soute ou accroché sous les ailes, pourrait ainsi effectuer tout le trajet et, en cas de besoin, s'arracher à son avion porteur et se lancer à l'attaque des chasseurs ennemis

Bien que séduisants sur le papier, les "avions-parasites" -qui avaient déjà été expérimentés dans l'entre-deux-guerres (*) - s'avérèrent pourtant très vite l'équivalent aérien de la quadrature du cercle. Il fallait en effet concevoir un appareil suffisamment petit et léger pour qu'il ne handicape pas exagérément son avion porteur. Mais il fallait aussi que cet appareil soit en mesure d'affronter victorieusement des chasseurs ennemis qui, n'étant pas soumis aux mêmes contraintes de poids et d'encombrement, seraient toujours plus lourds et plus puissamment armés.

Dans les faits, cette voie, intensément testée par les Américains et tout aussi intensément copiée par les Russes, s'avéra une impasse totale, à l'image du minuscule McDonnel XF85 "Goblin" dont tout le monde comprit, après seulement quelques minutes de vol, qu'il n'aurait jamais les capacités des appareils qu'il était censé combattre...

(*) notamment sous des dirigeables

lundi 23 mai 2005

806 - bella machina

... avant guerre, l'aviation italienne faisait encore bonne figure. Elle avait accumulé les records de vitesse et d'endurance, conquis l'Éthiopie, puissamment contribué à la victoire de Franco sur les Républicains espagnols, et livré quantités d'avions de combat à plusieurs pays européens, dont la Belgique et la France.

Pourtant, lorsque l'Italie entra dans le conflit, son aviation, mais aussi sa marine et son armée, devinrent bientôt la risée des Britanniques, puis celle du monde entier.

Dans le domaine aérien, outre la confiance trop longtemps accordée à la formule biplan, la faute en revenait principalement à des moteurs dépassés (particulièrement en puissance), et à des normes de fabrication qui tenaient d'avantage de l'artisanat d'art que de la production industrielle. Les avions italiens étaient de purs délices à piloter, mais c'était bien leur seule qualité.

Si l'allié allemand parvint sans trop de peine à résoudre le problème des moteurs, en livrant ses excellents DB-601 puis 605 (les mêmes que ceux des Messerschmitt 109), puis en autorisant leur fabrication sous licence en Italie-même, rien en revanche ne put mettre un terme aux dramatiques carences de l'industrie italienne qui, jusqu'à la fin du conflit, fabriqua des appareils désormais modernes - à l'image du FIAT G-55 (*) -, mais continua à les livrer au compte-gouttes à des unités bien incapables de s'en prendre aux bombardiers alliés occupés à ravager l'Italie.

(*) les Macchi C202 et 205, et Reggiane 2001 et 2005 connurent exactement le même sort

dimanche 22 mai 2005

805 - l'échange des bons procédés

... lorsqu'on est confronté à un ennemi commun - le bombardier stratégique quadrimoteur - il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on s'échange les meilleures recettes et techniques pour s'en défaire.

En échange des fréquentes visites effectuées durant la guerre par des sous-marins allemands venus au Japon pour y charger du Wolfram, du caoutchouc ou de l'étain, les ingénieurs japonais héritèrent de quantités de plans d'armes allemandes, mais aussi d'armes complètes, qu'ils n'eurent plus qu'à copier.

A tous égards, le Kawasaki Ki-61 "Hien" fut le résultat le plus abouti de ces fructueux échanges. Esthétiquement déjà, l'avion, qui n'évoquait en rien la production japonaise traditionnelle, ressemblait étonnamment à un... Messerschmitt 109. Comme lui, il était équipé d'un moteur en V inversé, refroidi par liquide, qui n'était autre... que le Daimler-Benz DB-601 de ce même Messerschmitt 109, moteur dont Kawasaki avait obtenu la licence de fabrication (*)

Toujours à l'image du Me-109, le Ki-61 disposait d'un puissant armement allemand, composé de deux (puis quatre) canons de 20mm, en l'occurrence des MG-151/20, dont un sous-marin... allemand avait obligeamment déposé 800 exemplaires au Japon.

Sur le papier, le fruit des amours germano-nippones se présentait donc sous les meilleurs auspices. Dans la pratique, la réalité fut hélas fort différente. Atypique à tout point de vue, le Ki-61 ne plaisait pas à ses pilotes qui, habitués aux légers "Zéro", lui reprochaient sa lourdeur et sa vitesse d'atterrissage très élevée, source d'innombrables accidents. Les canons allemands digéraient mal les munitions et le système électrique japonais, et le moteur allemand encore plus mal l'essence japonaise au trop faible indice d'octane.

En unités, dans le dénuement des îles perdues du Pacifique, s'y ajouta l'incapacité des mécaniciens, quant à eux habitués aux rustiques moteur en étoile refroidis par air, d'entretenir correctement le fragile et fort complexe V12 germano-nippon, par ailleurs généralement livré sans le moindre manuel d'entretien (!).

Il en résulta des taux d'indisponibilité records, et à vrai dire sans équivalent chez aucun autre belligérant, ainsi qu'un profond sentiment de découragement chez les pilotes qui, au moment de monter dans leur appareil, ne savaient jamais si celui-ci parviendrait ou non à prendre l'air, à intercepter ou non les bombardiers ennemis, et à les ramener ou pas à bon port...

(*) en 1945, le trop fragile V12 Daimler-Benz refroidi par eau fut remplacé - mais trop tard - par un classique moteur en étoile Mitsubishi refroidi par air, donnant naissance au remarquable Ki-100

samedi 21 mai 2005

804 - les bouts de ficelle

... ne disposant d'aucun bombardier stratégique, ni du moindre espoir d'en obtenir un, les Japonais, qui assistaient impuissants à l'incinération de leurs villes, n'en réclamaient pas moins vengeance contre les villes américaines.

En étudiant soigneusement le sens et la force des vents, certains se convainquirent qu'il était possible - au moins théoriquement - de construire des ballons libres qui, emportés par les courants aériens, finiraient par atteindre les forêts de la côte Ouest des États-Unis. Un mécanisme d'horlogerie libérerait alors de petites bombes incendiaires au dessus de celles-ci. De fait, quelques-uns de ces ballons atteignirent les côtes américaines avant la capitulation japonaise, mais n'y causèrent que des dégâts insignifiants.

Plus sérieuse aurait été l'attaque, toujours menée par des ballons, mais transportant cette fois les bacilles mortels étudiés en Mandchourie depuis le début des années 1930 par la tristement célèbre "Section 731" de guerre bactériologique (Saviez-vous que... 393 et 394). Cependant, et pour autant qu'on le sache, une telle attaque n'eut jamais lieu.

Une autre approche, finalement plus conventionnelle, visait à utiliser les sous-marins géants de la classe I-400, des monstres de 5 000 tonnes (trois fois plus gros que leurs homologues américains de l'époque), conçus pour transporter deux ou trois hydravions de bombardement Aichi M6A1 avec lesquels les Japonais se proposaient de bombarder le Canal de Panama, voire les villes américaines de la côte ouest...

Trois de ces sous-marins étaient terminés en août 1945, mais aucun n'entra jamais en service.

vendredi 20 mai 2005

803 - l'obsession anti-américaine














... puisque les bombardiers britanniques déversaient nuit après nuit leur chargement sur les villes allemandes, les bombardiers allemands se devaient, par représailles, d'en faire de même sur les villes anglaises. Peu importaient les pertes encourues, ou le simple fait qu'étant moins nombreux et beaucoup moins gros, les bombardiers frappés de la croix gammée n'aient jamais été en mesure d'infliger aux villes anglaises un traitement semblable à celui subi par les villes allemandes : on ne discutait pas les "ordres personnels du Führer", surtout lorsque ceux-ci exigeaient vengeance.

Contre les bombardiers américains, en revanche, l'affaire était plus compliquée et la frustration d'autant plus grande qu'il n'existait en vérité aucun moyen de s'en prendre à une quelconque ville américaine, sauf à survoler d'une traite des milliers de kilomètres d'océan, ce que la technique aéronautique de l'époque ne permettait pas encore et ne permettrait pas avant longtemps.

Bombarder New-York, fut-ce avec un seul avion (!), était pourtant devenu une des nombreuses lubies hitlériennes, de celles qui devaient impérativement mobiliser les bureaux d'études toutes affaires cessantes. Mais pour y arriver, il ne s'agissait pas seulement d'imaginer un gros avion pourvu d'immenses réservoirs d'essence, il fallait aussi qu'il soit en mesure de se défendre contre les chasseurs que l'ennemi ne manquerait pas de placer sur sa route, ce qui imposait la présence de nombreuses armes de bord, fort pénalisantes en poids et en traînée.

De fait, le cahier des charges était d'autant plus irréaliste que même en cas de réussite du prototype, l'industrie allemande, déjà fort occupée ailleurs, n'aurait de toute manière disposé ni du temps ni des moyens nécessaires pour construire la version de série (!)

Mais on ne discutait pas les "ordres personnels du Führer",... a fortiori lorsqu'ils permettaient de couler des jours paisibles dans des ateliers ou des bureaux d'études plutôt que d'être envoyé combattre sur le Front de l'Est.

Jusqu'à la fin de la guerre, des centaines d'ingénieurs, de techniciens et d'ouvriers qualifiés de Messerschmitt et Junkers perdirent ainsi leur temps à réaliser de véritables "prototypes de salon" dont ils savaient pourtant qu'ils ne répondraient jamais aux attentes hitlériennes.

Naquirent ainsi les Messerschmitt 264 construits à... trois exemplaires (!), Junkers 290 - patrouilleurs maritimes construits à trente et un exemplaires, et leurs dérivés transatlantique Junkers 390, construits à... deux exemplaires, tous détruits au fil des divers bombardements alliés...

jeudi 19 mai 2005

802 - faute de grives

... A la fin de la guerre, ne disposant toujours d'aucun bombardier lourd véritablement opérationnel, les ingénieurs allemands reprirent à leur compte l'idée britannique de "l'avion-gigogne", développée quelques années auparavant par les gens de chez Short, lesquels, confrontés au manque d'autonomie des avions transatlantiques de l'époque, avaient imaginé un gros hydravion sur le dos duquel on en installait un plus petit, qui poursuivait son vol sur ses seuls moteurs une fois le premier parvenu à la limite de son autonomie.

Avec les "Mistel", les Allemands inversèrent tout simplement les termes de la formule. Il s'agissait cette fois d'installer un petit chasseur chasseur monomoteur (Messerschmitt 109 ou Focke-Wulf 190) sur le dos d'un bombardier Junkers 88 périmé, vidé de ses équipements mais bourré de 4 à 5 tonnes d'explosifs.

Le pilote prenait place dans le chasseur, assurait le décollage et le pilotage de l'ensemble. Parvenu à proximité immédiate de la cible, le chasseur se détachait du bombardier, qui continuait seul sur sa trajectoire et percutait la cible quelques secondes plus tard.

Sur le papier, la formule promettait d'obtenir à moindre coût une puissance de destruction équivalente aux gros bombardiers quadrimoteurs anglais et britanniques.

Dans les faits, et malgré la construction de plusieurs centaines de Mistel, ce curieux assemblage n'obtint que de très médiocres résultats. Bien trop vulnérables à la chasse alliée, la majorité d'entre eux furent tout simplement abattus avant d'atteindre leur objectif...

mercredi 18 mai 2005

801 - camouflé... mais pas trop

... "par deux fois, dans le mauvais temps, mes yeux m'ont trahi", raconta Erich Hartmann, "experten uber alles" avec 352 victoires... qu'il se reconnaissait (*). "J'ai attaqué et descendu des avions, mais ce n'est que pendant leur chute que j'ai distingué les croix allemandes sous leurs ailes. Bien entendu, à l'époque, je n'ai rien dit, autour de moi de moi, de ces erreurs".

En combat aérien, rien ne ressemble en effet plus à un avion ennemi qu'un avion ami, a fortiori lorsqu'il est recouvert de peintures de camouflage. Avant la généralisation des transpondeurs (ou IFF), reconnaître l'ami de l'ennemi, et en une fraction de seconde, ne dépendait en vérité que du talent - ou de la fatigue - du pilote.

Si les pilotes allemands n'éprouvaient aucune difficulté à reconnaître dans tout quadrimoteur un appareil allié, les pilotes alliés, eux, peinaient souvent à distinguer un Typhoon anglais ou un Thunderbolt américain d'un Focke-Wulf 190 allemand. Quant aux artilleurs de la défense anti-aérienne, ils canonnaient indistinctement tout ce qui passait à portée de leurs pièces, et ce dans les deux camps.

Il en résulta un nombre incalculable d'accidents tragiques, comme lors de l'opération Bodenplatte (1er janvier 1945), lorsque les artilleurs de la Flak allemande abattirent par erreur plusieurs dizaines de leurs propres avions... qui avaient décollé dans le plus grand secret pour bombarder les aérodromes alliés de Hollande et de Belgique.

En prévision du débarquement de Normandie, les Alliés innovèrent néanmoins, en imposant l'application sur tous les avions de bandes noires et blanches dites "d'identification rapide", qui s'avérèrent si efficaces que bon nombre d'entre eux les portaient encore des semaines après l'évènement.

Bénéficiant d'une supériorité aérienne écrasante, la nécessité de dissimuler leurs appareils aux regards ennemis n'avait il est vrai plus autant d'importance...

(*) le palmarès réel des "experten" de la Luftwaffe a toujours fait l'objet de controverses passionnées. Celui de Hartmann n'y fait pas exception : 352 victoires pour les uns, 80 seulement pour les autres

mardi 17 mai 2005

800 - la signature qui trahit

















... à mesure que l'on se remettait à camoufler les avions sous de nombreuses couches de peinture, les ingénieurs abordèrent le camouflage de façon enfin scientifique, testant des centaines de pigments, de schémas et de nuances différents, afin de les dissimuler de la manière la plus efficace possible, mais aussi pour les protéger des intempéries, favoriser leur aérodynamique, réduire leur signature radar, voire les transformer en "caméléons" qui seraient capables, sous l'effet de la lumière, de la pluie, du soleil, ou de la volonté du pilote, de changer constamment de couleur, et de se fondre ainsi plus facilement avec le décor (nuages, ciel bleu, forêts, déserts,...) dans lequel ils évoluent.

Outre la réduction de signature visuelle (peintures de camouflage) et de signature radar (avions "furtifs"), on tente également de réduire la signature sonore et thermique des avions de combat. Si d'importants progrès ont déjà été réalisés en matière de réduction du bruit des réacteurs, l'avion totalement silencieux n'est hélas pas pour demain.

Il en va de même pour la réduction de la signature thermique. Face à des capteurs infrarouge aujourd'hui capables de discerner la chaleur d'une cigarette derrière un mur, la protection des avions contre les missiles infra-rouges s'appuiera encore longtemps sur l'éjection de leurres thermiques (flares) et - découverte plus récente - sur la "super-croisière".

Jusqu'au début des années 1990, les avions de combat n'évoluaient en effet au dessus de la vitesse du son que grâce à des réacteurs équipés d'une post-combustion, laquelle entraînait non seulement une augmentation vertigineuse de la consommation (et donc une réduction tout aussi conséquente de l'autonomie de vol) mais aussi un accroissement de la température de la tuyère, qui rendait l'avion plus vulnérable aux missiles infra-rouges.

C'est pourquoi, la plupart du temps, un appareil supersonique évolue en dessous de la vitesse du son, à sa "vitesse de croisière",... où il est le plus vulnérable à la DCA classique et aux missiles à tête radar.

La "super-croisière" vise donc à concilier les avantages des deux formules, sans en supporter les inconvénients. En volant à une vitesse de croisière légèrement supérieure à celle du son, mais sans recourir à la post combustion, un avion comme le F22 "Raptor" peut ainsi voler plus longtemps tout en diminuant sa vulnérabilité face aux canons de DCA et aux missiles à guidage radar ou infrarouge.

lundi 16 mai 2005

799 - peintures de guerre

... au lendemain de la Seconde guerre mondiale, les progrès du radar, et l'accroissement vertigineux des performances des avions, persuadèrent les États-majors de ne plus camoufler leurs appareils de combat, qui conservèrent donc, des années durant, leur - rutilante - couleur "aluminium naturel".

A quoi bon en effet s'échiner à peindre des avions qui volaient si vite et si haut que l'oeil humain ne pouvait plus les apercevoir mais que le radar percevait en revanche sans problème, à des dizaines de kilomètres de distance, et que les missiles détruisaient - en principe - sans peine, même sous les camouflages les plus élaborés ?

Comme toujours, les réalités du terrain, et en particulier celles du Vietnam, mirent à mal les certitudes bureaucratiques : les missiles atteignaient rarement leurs cibles, les radars pouvaient se brouiller, et les avions passaient plus de temps à bombarder des fantassins à proximité du sol qu'à affronter leurs homologues à 10 000 mètres d'altitude.

Au Vietnam, contre toute attente, ce fut encore la DCA classique et ses canons russes de 20 à 57mm - héritiers de la Seconde Guerre mondiale - qui, loin devant les missiles ou l'aviation de chasse, enregistra les meilleurs résultats contre des appareils américains souvent supersoniques, mais contraints d'évoluer sous la vitesse du son, et à moins de 5 000 mètres d'altitude, s'ils voulaient conserver la moindre chance de toucher leurs cibles au sol.

Dans ces conditions, et dans tous les pays du monde, on se mit donc à recouvrir l'aluminium naturel de peintures de camouflage elles aussi héritées de la Seconde Guerre mondiale, et à offrir une retraite prématurée à des avions comme le Vought Crusader ou le F104 "Starfighter", lesquels, conçus comme intercepteurs "purs" à haute altitude, s'avérèrent totalement inadaptés aux missions de chasse-bombardement qui, aujourd'hui encore, constituent la norme pour les appareils de combat.

dimanche 15 mai 2005

798 - camouflages

... l'empirisme des camouflages de la Première Guerre mondiale était toujours de mise vingt-cinq ans plus tard, lors de la Seconde, où l'on se contentait de peindre en noir l'avion que l'on utilisait de nuit, en blanc celui appelé à survoler les plaines enneigées, en bleu celui s'aventurait au dessus de l'océan, et dans de multiples nuances et schémas de brun et de vert celui qui combattait au dessus des plaines et des forêts européennes.

A dire vrai, chaque pays avait sa propre "vision" du camouflage, et l'appliquait de manière plus ou moins formelle : très rigoureuse chez les Britanniques, de plus en plus brouillonne chez les Allemands, à mesure que le temps et les peintures se mirent à manquer.

A leur entrée en guerre, les Américains firent comme tout le monde, peignant leurs avions de la manière qu'ils estimèrent la plus efficace possible.

Cependant, la peinture complète d'un avion présente de nombreux inconvénients. Il faut du temps pour l'appliquer convenablement, en plusieurs couches, ce qui ralentit les cadences de production. Et sur les plus gros bombardiers quadrimoteurs, la peinture complète représente plusieurs centaines de kilos,... qui diminuent la vitesse de pointe, la vitesse ascensionnelle, l'autonomie ou tout simplement la charge transportable.

A mesure que leurs forces aériennes montèrent en puissance et s'approprièrent la maîtrise du ciel, les Américains en vinrent à ne plus camoufler leurs avions, qui évoluèrent donc dans leur "couleur" d'origine, offrant aux spectateurs - et en particulier à des centaines de milliers d'Européens occupés - l'incroyable spectacle de centaines d'appareils revêtus d'aluminium naturel, étincelants au soleil.

samedi 14 mai 2005

797 - un manque de transparence

..."Si un avion est camouflé, il est britannique; s'il ne l'est pas, il est américain; et s'il est absent, il est allemand", ironisaient les soldats allemands à l'été 1944.

Dès la Première Guerre mondiale, passé le premier engouement pour les peintures flamboyantes style "triplan rouge", l'on s'était déjà efforcé de réduire la visibilité des avions aux regards, en les recouvrant de peintures de camouflage plus ou moins empiriques.

L'idéal aurait évidemment été de les rendre... transparents. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, de nombreuses expérimentations furent pourtant menées en ce sens durant l'entre-deux-guerres - et notamment en URSS - en remplaçant une partie de l'entoilage du fuselage par un revêtement en celluloïd translucide.

Hélas, la vague "transparence" ainsi obtenue n'offrait que des avantages limités, puisque les membrures, les ailes, le gouvernail, et bien entendu le moteur, continuaient à se dessiner fièrement dans le ciel.

De plus, le revêtement en celluloïd résistait mal à l'humidité, jaunissait au soleil et se souillait rapidement, en sorte que les maigres gains obtenus disparaissaient très vite.

La formule fut donc abandonnée pour en revenir à la solution, plus classique, des peintures de camouflage qui, aujourd'hui encore, s'efforcent, avec des résultats divers, de réduire la visibilité de l'avion aux regards ennemis

vendredi 13 mai 2005

796 - l'assaillant invisible

... pour échapper aux avions et aux missiles ennemis, on peut certes tenter de voler plus vite et plus haut qu'eux. Mais la meilleure manière reste encore de se rendre sinon invisible, du moins difficilement détectable.

Logique de l'action-réaction oblige, les recherches visant à réduire la "signature radar" des avions furent entreprises dès la mise en oeuvre des premiers radars. Construit presque entièrement en bois, le célèbre De Havilland "Mosquito" constitua un des premiers exemples - quoique fortuit - de ce que l'on appelle aujourd'hui un "avion furtif".

Les progrès enregistrés dans cette discipline furent néanmoins fort lents, et s'appuyèrent en priorité sur des dispositifs dits "de contre-mesures électroniques", ou de "brouillage". Plutôt que de chercher à rendre l'avion véritablement invisible au radar, il s'agissait en gros d'aveugler le radar lui-même, en le noyant sous les échos parasites, comme les Britanniques le firent dès 1943, en larguant des milliers de bandelettes d'aluminium qui saturaient les écrans radars.

En fait, il fallut attendre le milieu des années 1970 pour que les ingénieurs de la division "Skunk Works" de Lockheed - qui avaient déjà créé les U2 et autres SR71 - s'attaquent véritablement à la réduction de la "Signature Équivalent Radar" (SER) d'un appareil de combat.

Avec le Lockheed F117, ou l'aile volante Northrop B2), les Américains parvinrent ainsi à réduire le SER de leurs créations à l'équivalent, vu de face, d'une bille en aluminium, alors que le bombardier B52 - figure emblématique de la Guerre du Vietnam et conçu à la fin des années 1940 - présentait (et présente toujours), vu de face, la SER d'une sphère de... 50 mètres de diamètre (!)

Mais en aéronautique comme ailleurs, le mieux est souvent l'ennemi du bien. En dehors de leur coût faramineux (un Northrop B2 vaut plus de 2 milliards de dollars), les avions réellement "furtifs" volent plutôt mal, sont trop "exotiques", trop difficiles à entretenir, et trop spécialisés pour espérer les voir devenir un jour la norme en matière d'avions de combat.

En appliquant leurs acquis techniques sur des appareils de conception et de formes finalement plus classiques (comme le Rafale ou le futur F35), il est désormais possible de conserver les capacités opérationnelles des avions d'autrefois tout en leur offrant une "furtivité raisonnable" : le futur F35 aurait ainsi la SER d'une balle de golf.

jeudi 12 mai 2005

795 - mythique Aurore

... le retrait pour le moins hâtif des derniers SR-71, en 1999, étonna plus d'un observateur, qui se demandèrent pour quelle mystérieuse raison l'USAF et la CIA renonçaient à un appareil certes coûteux à mettre en oeuvre, mais toujours le plus performant au monde dans son domaine.

Le maintien en service d'une poignée de U2 - pourtant plus anciens et bien moins performants que les SR-71 - semblait d'ailleurs démontrer que, dans sa recherche constante de renseignements, la CIA ne se fiait toujours pas exclusivement aux satellites et aux drônes inhabités de type Predator ou Global Hawk.

Le satellite-espion manque en effet de souplesse d'utilisation, parce que son orbite quasiment immuable l'oblige à passer et repasser constamment au dessus des mêmes endroits - qui ne sont pas forcément les plus intéressants à observer. De son côté, le drône téléguidé reste très vulnérable à la chasse et à la défense anti-aérienne ennemies, et ne saurait donc violer impunément l'espace aérien d'un pays raisonnablement développé, comme le faisaient autrefois les SR-71.

C'est alors que l'on se mit à parler d'un successeur secret au SR-71. Un avion-espion encore plus performant, plus complexe, et - bien entendu - encore plus rare et coûteux que ce dernier, dont il aurait précipité la mise à la retraite..

Officiellement, cet avion - l'Aurora n'existe pas. Personne ne l'a jamais vu ni photographié. Sa silhouette, sa motorisation et ses performances sont autant sujets à spéculation. Des vitesses de Mach 6 à Mach 8, voire supérieures (!) sont régulièrement évoquées, ainsi qu'une propulsion par statoréacteurs.

Avec de telles caractéristiques, l'Aurora serait certes encore plus performant et insaisissable que le SR-71, mais l'on voit mal quelle en serait l'utilité pour l'Amérique actuelle, qui redoute bien davantage le moudjahidin kamikaze qu'une puissance rivale...

mercredi 11 mai 2005

794 - l'insaisissable oiseau noir

... si les U2 se montraient raisonnablement efficaces dans leur rôle d'avions espions, et si plusieurs d'entre eux sont encore en service aujourd'hui, leur trop grande vulnérabilité face aux missiles anti-aériens les empêchait de s'aventurer au dessus des zones trop âprement défendues... qui avaient toutes les chances de s'avérer les plus intéressantes pour les analystes de la CIA.

"Kelly" Johnson - également concepteur des chasseurs F104 - en était tellement convaincu qu'il s'était immédiatement attelé à dessiner le successeur des U2 dès leurs premiers vols pour le compte de la CIA. Ce successeur, le Lockheed A12 - et son dérivé SR71 "Black Bird"- volerait non seulement plus haut (25 000 mètres) mais surtout beaucoup plus vite (Mach 3) que le U2 originel.

Un pareil cahier des charges ne pouvait évidemment accoucher que d'un monstre aussi complexe que ruineux, qui ne serait par conséquent produit qu'en une poignée d'exemplaires. Avec leur revêtement en titane pour mieux résister à l'échauffement, les SR-71 accomplirent, dès le milieu des années 1960, plusieurs milliers de missions de reconnaissance - toujours entourées du plus grand secret - au dessus de l'URSS, de ses pays satellites ou encore du Vietnam, et sans jamais être descendus.

Leur coût opérationnel, les progrès en matière de satellites-espions, puis l'effondrement de l'URSS, entraînèrent néanmoins leur retrait progressif au début des années 1990. En octobre 1999, le dernier SR-71 en état de vol rejoignit lui aussi ses congénères au musée.

La mise au rebut, et sans successeur, des SR-71 laissa le renseignement américain orphelin, à l'exception de quelques vieux U2, certes modernisés et bien plus économiques à l'usage, mais infiniment moins performants que les "Black Bird"

A moins d'imaginer l'existence de quelque chose d'autre...

mardi 10 mai 2005

793 - U2

... "de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l'Adriatique, un rideau de fer est tombé sur le Continent", déclara Winston Churchill lors d'un discours à Fulton (Missouri) le 5 mars 1946.

Savoir ce qui se passait derrière ce "rideau de fer" devint très rapidement la préoccupation essentielle de l'État-major américain. Très isolationniste jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, l'Amérique ne pouvait hélas compter sur de puissants réseaux d'espions et d'agents dormants, déjà en place au sein des territoires à présent contrôlés par Moscou. Y expédier, ou y recruter, de nouveaux agents de renseignements était une entreprise certes indispensable, mais difficile, extrêmement risquée, et qui prendrait de toute manière de trop longues années. L'imagination étant fille de la nécessité, le recours aux avions d'observation s'imposa tout naturellement.

Puisque les bombardiers, aux altitudes où ils évoluaient désormais, étaient à présent hors d'atteinte des canons anti-aériens, il devait théoriquement être possible, en volant encore plus haut, de placer un avion espion spécialisé hors de portée des chasseurs russes. C'est du moins la conclusion à laquelle arrivèrent Clarence "Kelly" Johnson et les ingénieurs de Lockheed au début des années 1950, en créant pour le compte de la CIA le mythique U2, premier avion espion stratosphérique.

A près de 800 kms/h, et à plus de 20 000 mètres d'altitude, la machine aux ailes interminables resterait évidemment détectable par les radars russes, mais pourrait en revanche - du moins l'espérait-on - violer impunément l'espace aérien soviétique. Mis en service à partir de 1955, le U2 combla les espérances de la CIA,... mais attira aussi très vite l'attention des politiciens, des militaires et des ingénieurs russes, qui mirent tout en oeuvre pour l'abattre, ce qu'ils réussirent le 1er mai 1956, sur l'appareil piloté par le bientôt célebre Francis Gary Powers.

Mais si Powers fut très brutalement ramené sur terre par un missile anti-aérien soviétique, et emprisonné pendant deux ans (*), les U2 purent en revanche continuer leurs vols d'observation - du moins au dessus de territoires moins âprement défendus, ce qu'ils réussirent avec brio en octobre 1962, en photographiant l'installation des missiles russes à Cuba, précipitant le Monde au bord de la Troisième Guerre mondiale...

(*) Francis Gary Powers fut échangé le 10 février 1962 contre l'espion soviétique Rudof Abel. Il mourut en 1977, dans un accident d'hélicoptère

lundi 9 mai 2005

792 - des promesses jamais tenues

... le missile anti-aérien est stupide. Il ne sait faire la différence entre un bombardier et un avion commercial, et est incapable de rentrer à sa base après chaque mission, réussie ou non.

Cette simple évidence n'empêcha pourtant pas les technocrates de tous les pays occidentaux de réclamer, dès le début des années 1950, le remplacement des bombardiers stratégiques par des missiles intercontinentaux comme les Polaris, et celui des chasseurs par des missiles anti-aériens comme les Nike-Hercules

La publication, un peu partout dans le monde, de "Livre blanc" sur la Défense entraîna des révisions déchirantes en matière de programmes d'armements, forçant d'excellents avions comme l'Avro "Arrow" ou le BAC TSR-2 à rejoindre le parc à ferrailles sitôt leurs premiers vols, et d'autres à ne jamais sortir des planches à dessins.

Pour autant, en dépit de tous les espoirs placés en eux, les gros missiles anti-aériens tirés depuis le sol ne s'avérèrent pas plus infaillibles que leurs petits frères directement embarqués à bord des avions de combat. C'est ainsi que les SAM russes utilisés au Vietnam connurent de nombreuses défaillances techniques, et furent encore plus souvent leurrés par les systèmes de contre-mesures électroniques embarqués à bord des bombardiers américains.

Au total, une quinzaine de B52 furent abattus par les missiles nord-vietnamiens, un chiffre dérisoire si on le rapporte aux 120 000 missions de guerre qu'ils effectuèrent au dessus du Vietnam, ou aux soixante B17 abattus par la chasse et la DCA allemandes lors du seul raid sur Schweinfurth, le 14 octobre 1943 (!)

Aux Falklands (1982), lors de la première Guerre du Golfe (1991) ou de la seconde (2003), on vit également, et à de multiples reprises, des missiles de tout type rater leur cible ou, pire encore, en détruire une qui n'était pas du tout celle visée, en sorte qu'aujourd'hui encore, nul ne peut prédire quand le missile aura définitivement supplanté l'avion, et l'ordinateur remplacé l'Homme...

dimanche 8 mai 2005

791 - la flêche brisée













... L'intercepteur "pur" rendu obsolète par l'apparition des missiles et la disparition prévisible des gros bombardiers stratégiques, seul le chasseur-bombardier pouvait encore espérer un avenir.

L'Arrow CF-105 n'avait jamais été prévu pour ce rôle. Son éventuelle conversion - que dut également subir, quoique dans une moindre mesure, le McDonnell-Douglas "Phantom II" - aurait assurément coûté une fortune, que le gouvernement conservateur nouvellement élu voulait d'autant moins payer qu'il s'était engagé à acheter des missiles anti-aériens "Bomarc" auprès des Américains.

Le 20 février 1959, ce fut la fin. Cédant aux comptables qui n'avaient d'yeux que pour les dépassements de budget, aux "spécialistes" qui lui juraient que l'avenir n'appartenaient plus qu'aux missiles, et aussi aux sirènes des lobbyistes américains, le Premier Ministre du Canada, John Diefenbaker, décida d'annuler purement et simplement tout le programme du CF105.

Les concepteurs de l'Arrow furent licenciés, de même que les 14 000 ouvriers et employés d'Avro, dont la faillite survint peu après. Les prototypes déjà construits furent découpés au chalumeau et envoyés à la ferraille, tous les plans et documents techniques brûlés, et ce afin d'empêcher une résurrection éventuelle du programmes sous un autre gouvernement.

Au final, quatre cents millions de dollars partirent ainsi en fumée, et les ingénieurs et techniciens les plus qualifiés aux États-Unis, où on les accueillit à bras ouverts chez Boeing, Lockheed , McDonnell, ou à la NASA, afin d'y concevoir des avions semblables à l'Arrow.

L'industrie aéronautique canadienne mit plus d'une génération pour se remettre de ce "vendredi noir". Mais, au Canada comme ailleurs, le triomphe des "Bomarc" et autres missiles sol-air fut de courte durée : bien moins polyvalents que les intercepteurs pilotés, les derniers exemplaires disparurent du sol canadien en 1969 pour y être remplacés par des chasseurs-bombardiers... américains (*)

(*) McDonnell-Douglas F101 Voodoo

samedi 7 mai 2005

790 - Projet Arrow

... la Seconde Guerre mondiale terminée, les nouveaux bombardiers stratégiques à réaction, bien que débarrassés des canons anti-aériens de gros calibre (devenus incapables de les suivre aux vitesses et altitudes où ils évoluaient désormais), restaient sous la menace des avions de chasse, à présent équipés de canons à tir ultra-rapide ou - mieux encore - de missiles air-air.

En 1953, le gouvernement canadien, qui craignait les bombardiers russes dont l'arrivée était considérée comme imminente, accepta de financer la création d'un intercepteur bisonique, capable de les détruire à très haute altitude, et sans l'assistance de radars au sol - immensités canadiennes obligent.

Pareil défi excédait de loin les capacités techniques de l'époque, et si l'Avro-Canada CF-105 "Arrow" parvint finalement à satisfaire au cahier des charges, ce ne fut qu'après d'innombrables retards, et au prix d'une véritable explosion du budget initialement prévu.

Cette hausse vertigineuse des coûts de production de l'Arrow, rendue inévitable par la complexité de plus en plus grande des avions modernes, n'était pas rédhibitoire en soi - tous les pays industrialisés y étant également confrontés - mais tombait d'autant plus mal que la mise en orbite du premier "Sputnik" russe, le 4 octobre 1957 - le jour même de la première présentation publique de l'Arrow ! - remit en cause l'intérêt-même des bombardiers, et donc des chasseurs conçus pour les intercepter.

A quoi bon continuer à construire des bombardiers pilotés, toujours très vulnérables et exigeant d'interminables pistes de décollage et d'atterrissage, alors que des missiles intercontinentaux à tête nucléaire, tirés depuis le fond des océans (premier lancement d'un Polaris : juin 1963), ou depuis des plate-formes spatiales, promettaient de meilleurs résultats à moindre coût ?

Et si le bombardier devenait inutile, alors l'avion destiné à l'intercepter l'était tout autant.

vendredi 6 mai 2005

789 - le ciel pour seule limite

... à la différence de leurs "petits frères" embarqués à bord des avions de chasse, les gros canons de l'artillerie anti-aérienne terrestre ne sont limités ni par leur recul, ni par leur poids ou leur encombrement.

En revanche, pour d'évidentes raisons physiques, il n'est pas possible de pointer une pièce de 128mm pesant plusieurs tonnes aussi rapidement et facilement qu'un petit canon de 20mm n'avouant que quelques centaines de kilos. Surtout, il n'est pas possible d'en obtenir les mêmes cadences de tir.

Là où un 20mm crache plusieurs centaines (voire milliers) de projectiles par minute, un 128mm ne peut guère en tirer plus de cinq ou six dans le même temps. Pour espérer atteindre, depuis le sol, un bombardier volant à 400 kms/h et à 6 000 ou 7 000 mètres d'altitude, il n'y avait donc d'autre solution que de multiplier le nombre de canons mis en batteries, ce qui se traduisait en retour par une augmentation vertigineuse de la consommation d'obus.

En 1944, les responsables allemands durent convenir que même leurs nouveaux 128mm seraient incapables de faire face à la menace des bombardiers Boeing B29 (600 kms/h et 10 000 mètres d'altitude) dont l'arrivée était considérée comme imminente. A l'évidence, il fallait trouver autre chose, et se tourner vers les missiles guidés qui, avec les V1 et V2 faisaient alors leurs premiers pas.

Hélas, la dispersion des efforts et l'irréalisme des cahiers des charges - en particulier au niveau du téléguidage - entraînèrent une nouvelle fois les ingénieurs sur des chemins certes prometteurs mais qui n'avaient aucune chance d'être convenablement défrichés avant la fin de la guerre.

Naquirent ainsi une poignée d'engins certes exotiques comme le Schmetterling, l'Enzian, le Wasserfall, ou encore le Rheintochter, mais qui, à nouveau, ne furent efficaces que bien après la guerre, aux mains des vainqueurs de l'Allemagne...

jeudi 5 mai 2005

788 - surréalisme

... la très faible durée de vie des chasseurs conventionnels, de leurs moteurs, et même de leurs pilotes, conduisit les ingénieurs allemands sur la voie des solutions radicales, pour ne pas dire surréalistes.

A quoi bon effet s'échiner à perfectionner les avions et à entraîner les pilotes, si l'espérance de vie des appareils en situation de combat ne dépassait pas 50 heures; celle des moteurs, 25 heures; et celles des pilotes, une demi-douzaine de missions en moyenne ? Autant construire simple, léger et le plus économique possible. Et autant se contenter de jeunes-gens n'ayant que quelques heures d'expérience du pilotage.

Ainsi naquit le Bachem "Natter", sorte d'avion-fusée (très) vaguement piloté et lancé à la verticale le long d'une rampe de lancement, elle-même placée sur le trajet des bombardiers alliés qu'il était censé détruire avec ses 24 ou 33 roquettes placées dans le nez. Cette importante mission patriotique accomplie, le "pilote" devait actionner un levier qui, en sectionnant l'appareil en deux parties au niveau du poste de pilotage, lui permettait, du moins en principe, de s'en extraire grâce à un parachute,... aucune autre procédure d'atterrissage n'ayant été prévue. Une trentaine d'essais, quelques uns pilotés, eurent lieu jusqu'en avril 1945, lorsque l'irruption des troupes alliées dans l'usine et sur les sites de lancement renvoya définitivement l'épopée du Natter aux oubliettes de l'Histoire dont il n'aurait jamais dû sortir...

Tout aussi surréaliste fut le "planeur de chasse" Blohm Und Voss BV40. Partant du principe que la surface frontale d'un avion de chasse offrait une trop belle cible aux mitrailleuses des bombardiers, le docteur Vogt (*) eut l'idée de la réduire au minimum, en couchant le pilote dans l'habitacle, et même... en supprimant le moteur !

Planeur pur et tout en bois (à l'exception du cockpit blindé), le BV40 devait atteindre son altitude de combat à la remorque d'un Messerschmitt 109, dont il se détacherait ensuite, avant de fondre sur les bombardiers ennemis, qu'il était censé abattre grâce à ses deux canons de 30mm et un viseur simplement peint sur la verrière.

Plusieurs prototypes furent réalisés et testés... jusqu'à ce qu'on se rende compte, après 30 000 heures de travail et près d'un an de développement, que la présence permanente d'une multitude d'escorteurs alliés dans le ciel allemand empêcherait de toute manière le Messerschmitt et son planeur de se positionner à proximité des bombardiers...

Le programme fut abandonné sine die.¸

(*) outre ses travaux sur les hydravions géants, le flamboyant docteur Vogt passa pour ainsi dire toute la guerre à concevoir des avions sans aucune valeur militaire...

mercredi 4 mai 2005

787 - la quadrature du cercle


















... s'il n'était déjà pas facile, pour un chasseur allemand, d'abattre un quadrimoteur allié avec l'armement qu'il emportait sous ses ailes, encore fallait-il pouvoir s'en approcher suffisamment pour être en mesure de lui tirer dessus,... tout en évitant les tirs de défense du bombardier ainsi que ceux des chasseurs d'escorte.

Dans ces conditions, en 1944, l'espérance de vie moyenne d'un chasseur monomoteur Messerschmitt 109 ne dépassait pas la cinquantaine d'heures de vol. Celle du Focke-Wulf 190, pourtant plus performant, n'était pas meilleure. A plein régime, il fallait en effet de trop longues minutes à ces chasseurs conventionnels pour qu'ils rattrapent les bombardiers et se mettent en position de tir. Et en cas d'interception par les escorteurs alliés, leur vitesse de pointe, souvent inférieure à celle de ces derniers, ne leur permettait pas de s'échapper facilement.

En théorie, la vitesse plus élevée des nouveaux chasseurs à réaction leur permettait de rejoindre plus rapidement leurs proies, et leur offrait de meilleures chances d'échapper aux escorteurs. En revanche, elle augmentait également l'imprécision des tirs, qui s'opéraient encore à l'oeil nu.

Avec 800 kms/h, et quatre canons de 30mm, les Messerschmitt 262 à réaction semblaient l'arme absolue contre des bombardiers se traînant à la moitié de leur vitesse. Mais la consommation d'une essence par ailleurs de plus en plus rationnée était telle que leur autonomie ne dépassait pas 1 000 km. Les succès remportés par ces chasseurs étaient donc fort rares.

Ceux des Heinkel 162 à réaction, et des Messerschmitt 163 à moteur-fusée, l'étaient encore bien davantage, pour des raisons qui tenaient tantôt au manque de fiabilité des moteurs, tantôt à celui des canons ou des cellules elles-mêmes, ou encore à une autonomie dérisoire qui, dans le cas, des Me 163, ne dépassait pas une soixantaine de kilomètres,... effectués pour la plupart en vol plané (!)

mardi 3 mai 2005

786 - les limites du "tout missile"

... Contre toute attente, et faute de voir apparaître le moindre bombardier soviétique, le "tout missile" installé sur le McDonnell-Douglas "Phantom II" s'avéra si peu judicieux qu'au Vietnam, il fallut modifier profondément l'avion.

D'abord pour lui permettre de transporter des bombes - bien utiles dans son nouveau rôle de chasseur-bombardier - et ensuite pour emporter un canon Gatling que ses pilotes, lassés par le manque de fiabilité des premiers missiles "Sidewinder" face aux Mig Nord-Vietnamiens, réclamaient à corps et à cris, et qu'on dut, faute d'autre emplacement disponible, installer sous le nez, altérant le profil aérodynamique.

En laboratoire, et lors des tests, des missiles comme l'AIM-54 "Phoenix" (spécialement conçu pour détruire à grande distance les bombardiers lourds soviétiques) atteignaient pourtant une probabilité de succès proche de 90%. Mais en conditions de combat, au Vietnam, elle ne dépassait pas les 30%.

"L'arme aérienne absolue" était donc loin de satisfaire les attentes de ses utilisateurs, par ailleurs confrontés à l'augmentation vertigineuse du coût des avions et de leurs missiles embarqués.

En Israël, les pilotes de Mirage en étaient également arrivés à la même conclusion, préférant continuer à engager les appareils égyptiens au canon plutôt qu'au missile, beaucoup moins fiables et autrement plus coûteux que les bons vieux obus.

Avec les années, les capacités théoriques des missiles s'améliorèrent,... tout comme l'efficacité des leurres et contre-mesures électroniques des avions pris pour cible, rendant la "certitude de victoire" tout aussi aléatoire qu'auparavant...

lundi 2 mai 2005

785 - du "tout-canon" au "tout-missile"

... le missile air-air est bien plus performant que le simple obus. Un seul suffit en effet pour abattre n'importe quel avion ennemi, aussi robuste soit-il.

Le missile frappe à deux ou trois fois la vitesse du son, et affiche une portée allant parfois jusqu'à 200 kilomètres. Guidé à l'infrarouge ou par radar, le missile peut également modifier sa trajectoire en vol.

Pareilles performances sont évidemment inaccessibles à l'obus, qui n'a pour lui que son extrême simplicité et son faible coût d'utilisation.

Rien d'étonnant dès lors à ce que les avionneurs se soient précipités sur les recherches allemandes dès la fin du conflit, et aient petit à petit équipé leurs appareils pour l'emport de missiles air-air ou sol-air, aidés en cela par les progrès et la fiabilité de l'électronique embarquée.

Quatre missiles sous les ailes, c'était en effet quatre victoires assurées en combat aérien. A quoi quoi bon, dès lors, continuer à embarquer des canons à l'efficacité aléatoire, alimentés par des centaines d'obus par ailleurs fort lourd ?

Du "tout canon", on passa donc au "tout missile", et le McDonnell-Douglas F4 "Phantom II", apparu en 1958, devint ainsi le premier intercepteur naval (puis terrestre) conçu dès le départ pour n'emporter que des missiles, à l'exclusion de tout canon, considéré comme inutile pour détruire les bombardiers lourds soviétiques dont chacun appréhendait l'arrivée.

dimanche 1 mai 2005

784 - la faillite de l'ersatz

... les canons à tir ultra-rapide n'étant pas encore au point, et ceux de gros calibre présentant finalement plus d'inconvénients que d'avantages, les ingénieurs allemands cherchèrent donc d'autres moyens d'abattre les gros quadrimoteurs anglo-américains occupés à incinérer leurs villes.

Par rapport aux canons, les missiles et roquettes air-air offraient l'avantage de ne générer aucun recul susceptible de mettre à mal la structure-même du chasseur qui les transportait.

A tous égards, un missile guidé comme le X-4 était bien supérieur à la simple roquette libre, mais il s'en faudrait de longtemps avant qu'il ne devienne opérationnel et, là encore, uniquement entre les mains des vainqueurs de l'Allemagne.

La roquette libre n'avait pour elle que sa très grande simplicité,... et sans doute aussi le fait qu'elle était alors utilisée en quantités véritablement industrielles par les Britanniques, les Américains ou les Russes dans leur chasse aux tanks et véhicules allemands.

Mais si le tank constitue un objectif fort peu mobile, il en va tout autrement d'un avion, capable de se déplacer très rapidement dans les trois dimensions pour échapper aux roquettes tirées contre lui.

Séduisante sur le papier, l'adaptation de roquettes air-air sous les ailes des chasseurs allemands s'avéra un fiasco total. En théorie, une seule WGr 21 de 210mm - conçue pour exploser automatiquement après 800 mètres de vol - suffisait à pulvériser n'importe quel bombardier quadrimoteur allié. Dans les faits, et faute de tout système de radar et de télémesure, il était obligatoire de la tirer avec une précision inférieure à 60 mètres... impossible à mesurer à l'oeil nu et dans un chasseur volant à 600 kms/h.

Le programme tout entier se solda donc par un nouvel et colossal échec,... encore aggravé par la perte d'une multitude d'avions lanceurs qui, handicapés par le poids et la traînée aérodynamique des roquettes transportées sous leurs ailes, constituaient des proies faciles pour la chasse alliée escortant les bombardiers.