samedi 30 avril 2005

783 - le retour du Gatling

... après la Seconde Guerre mondiale, pour augmenter la cadence de tir des canons embarqués, Britanniques, Français ou Russes eurent recours au barillet rotatif et électrique, laborieusement mis au point par... les Allemands de Mauser.

Les Américains héritèrent eux aussi des recherches nazies et construisirent, notamment, le Pontiac T-160 qui, monté sur les Grumman "Panther", crachait la bagatelle de 1 500 obus de 20mm à la minute.

Mais ce n'était pas encore assez à leur goût. De plus, l'usage d'un tube unique se traduisait rapidement par son usure exagérée.

Cleves Howell et Melvin M Johnson eurent alors l'idée d'exhumer une des antiques mitrailleuses Gatling à canons rotatifs de la Guerre de Sécession, précieusement conservée à l'Aberdeen Proving Ground.

En 1946, en substituant un mécanisme électrique à la simple manivelle d'entraînement, Johnson réussit à faire tirer une Gatling à 10 tubes de calibre 11.43mm à l'incroyable cadence de... 5 500 coups par minute (!)

General Electric se chargea de la mise au point de la version définitive (M61 de 20mm), laquelle entra en service en 1954 avant de se retrouver dans de multiples déclinaisons toujours actuelles, de la minigun de 5.56mm à l'énorme canon GAU-8 de 30mm des célèbres avions A10 "tueurs de chars"

vendredi 29 avril 2005

782 - les cadences infernales

... utiliser des canons de plus en plus gros et de plus en plus nombreux - mais au demeurant très conventionnels - pour détruire les bombardiers qui, jour après jour, incinéraient les villes allemandes, ne constituait qu'un pis-aller n'ayant pour seuls mérites que le faible coût et la disponibilité immédiate de ces armes dont le poids et l'encombrement handicapaient en revanche très fortement le chasseur qui en était équipé.

Sachant que la destruction d'un bombardier relevait finalement de la possibilité de mettre un maximum de coups au but dans un minimum de temps, une autre approche, plus prometteuse, résidait dans une augmentation vertigineuse de la cadence de tir de canons de petit calibre.

Il "suffisait" en quelque sorte de multiplier par trois ou quatre le rendement de canons de 20 ou de 30mm, et d'en faire des canons à tir ultra-rapide, dépassant de loin celui des mitrailleuses (!)

Les Américains avaient ouvert la voie au 19ème siècle avec la mitrailleuse Gatling à canons rotatifs, puis l'avaient abandonnée. Avec le Mk213C, les Allemands de Mauser travaillèrent pour leur part sur un barillet rotatif (et électrique), capable de cracher plus de mille projectiles de 30mm en une minute.

Mais comme la plupart des armes révolutionnaires nazies, celle-ci n'eut jamais le temps d'être au point, ni d'entrer en service avant la fin de la guerre. On la retrouva donc, comme tant d'autres, aux mains des vainqueurs de l'Allemagne, et sous de multiples appellations différentes, allant du DEFA français à l'ADEN britannique, en passant par le NK30 russe et beaucoup d'autres...

Bien que très efficace, le seul inconvénient - mais de taille - de cette arme résidait (et réside toujours) dans l'usure effroyable du tube : un DEFA de 30mm est ainsi bon à jeter après 5 000 coups, mais doit impérativement être révisé plusieurs fois entre-temps.

jeudi 28 avril 2005

781 - quand le mieux devient l'ennemi du bien

... faute de disposer de canons à tir ultra-rapide - qui n'arriveront à maturité qu'au lendemain de la guerre... et aux mains des vainqueurs de l'Allemagne - il ne restait de choix qu'entre augmenter le nombre de canons embarqués, ou accroître leur calibre.

Chacune de ces deux solutions avait ses avantages et ses inconvénients, ses partisans et ses détracteurs, mais aucune ne parvint jamais à résoudre de manière satisfaisante le problème posé par les troupeaux de gros bombardiers quadrimoteurs occupés à incinérer l'Allemagne.

Installer davantage de canons de 20mm conventionnels sur les chasseurs allemands augmentait certes la probabilité de mettre au but le nombre de projectiles requis (plus d'une dizaine) dans le trop court laps de temps (quelques secondes) que durait l'attaque, mais entraînait une telle dégradation du poids et de la traînée aérodynamique que le chasseur ainsi équipé devenait une proie facile pour les appareils d'escorte alliés, constamment en maraude à proximité des bombardiers.

Passer à un calibre de 30mm résolvait en partie le problème du nombre de coups au but nécessaires (une demi-douzaine en moyenne) pour abattre un bombardier, mais n'apportait en revanche aucune amélioration en matière de cadence de tir, et s'avérait encore plus pénalisant en poids et traînée s'il fallait installer plusieurs canons pour parvenir à ce résultat.

Opter pour un calibre encore supérieur - en l'occurrence un 50mm anti-char - solutionnait radicalement le problème des coups au but (un seul suffisait), mais imposait de telles contraintes de poids (600 kilos) et d'encombrement que l'avion qui l'emportait devenait aussi vulnérable à la chasse ennemie qu'un canard posé sur l'eau : la seule unité de Messerschmitt 410 bimoteur qui le mit en service fut littéralement effacée du ciel par la chasse alliée en moins de deux semaines.

Son installation ultérieure sur l'utra-rapide Messerschmitt 262 à réaction échoua également, quoique pour des raisons diamétralement opposées : cette fois, les performances de l'avion étaient telles - en particulier en virage - que l'arme s'enrayait très vite, souvent dès le premier obus...

mercredi 27 avril 2005

780 - l'équation impossible

"Un canon de 20mm est amplement suffisant pour abattre un bombardier lourd", estimait Ernst Udet avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. "Il suffit de s'en approcher à une vingtaine de mètres pour lui porter un coup fatal"

Mais à partir de 1942, la chasse allemande se trouva confrontée à la menace du bombardier lourd quadrimoteur, contre lequel un armement encore essentiellement composé de mitrailleuses, ou même d'un seul canon de 20mm, s'avérait d'autant plus inefficace qu'il était en vérité hors de question de s'approcher à bout portant, et donc de s'exposer durant de longues secondes aux tirs de défense du bombardier.

En portant son attaque, le chasseur devait en effet tenir compte des innombrables mitrailleuses de bombardiers se couvrant les uns les autres, mais aussi de la présence de plus en plus massive, dès la fin de 1943, de chasseurs d'escorte veillant sur leurs protégés comme chiens de bergers sur leur troupeau.

Compte tenu des vitesses de rapprochement respectives (a fortiori dans le cas d'attaques frontales), et de la portée utile des canons embarqués (qui ne dépassait pas 300 ou 400 mètres), le chasseur ne disposait en vérité que de quelques secondes pour se placer à portée de tir, viser, faire feu,... et dégager en catastrophe, avant de percuter sa proie.

Le problème, c'est qu'il fallait aussi, durant ce trop bref laps de temps, mettre plus d'une dizaine de projectiles de 20mm au but si l'on voulait abattre un B17 américain, une performance qui dépassait les capacités techniques des canons de l'époque et, surtout, celles de la majorité des pilotes allemands, en particulier des plus jeunes, ayant de moins en moins d'heures de vol à leur actif avant de se retrouver jetés dans la mêlée...

mardi 26 avril 2005

779 - la multiplication des armes
















... lorsque les Britanniques réalisèrent à leur tour que les innombrables mitrailleuses de petit calibre installées dans les ailes de leurs Hurricane et Spitfire risquaient de ne plus suffire face à des bombardiers allemands de plus en plus rapides et protégés, ils se tournèrent tout naturellement vers le canon Hispano-Suiza français.

Jugeant la cadence de tir de ce dernier insuffisante, ils résolurent néanmoins d'en installer deux (et bientôt quatre) là où les Français s'étaient contentés d'un seul.

Plus question dès lors d'envisager la solution du "moteur-canon". Bien qu'en V lui aussi, le célèbre Rolls-Royce "Merlin" n'avait du reste jamais été conçu pour supporter le montage d'un canon. Il fallut donc en revenir à la solution classique du montage dans les ailes ce qui, compte tenu des contraintes très supérieures des canons par rapport aux mitrailleuses, nécessita de nombreux renforts et occasionna d'innombrables problèmes, qui ne furent réellement résolus qu'en 1941.

Le plus préoccupant était la détestable tendance des Hispano-Suiza à s'enrayer lors des virages serrés. De fait, les quelques Spitfire qui en furent dotés lors de la Bataille d'Angleterre furent si peu efficaces que l'on décida bien vite de les retirer du Front et de remplacer leurs canons par des mitrailleuses.

A mesure que les bombardiers allemands disparurent du ciel, les chasseurs britanniques se retrouvèrent quasiment sans ennemi à mettre sous leurs canons. A l'image du Hawker Typhoon, nombre d'entre-eux se transformèrent alors en chasseurs-bombardiers, écumant toute l'Europe à la recherche des moindres locomotives, tanks ou véhicules allemands contre lesquels leurs quatre canons de 20mm firent bientôt des ravages...

lundi 25 avril 2005

778 - le moteur-canon

... même s'ils ne pouvaient - du moins au début - rivaliser avec les mitrailleuses en matière de cadence de tir, les canons de bord avaient en revanche un énorme avantage en matière de punch. Là où de longues rafales de mitrailleuses n'offraient aucune garantie de succès, quelques obus de 20 ou de 30mm bien placés suffisaient généralement à détruire un bombardier, aussi lourd fut-il.

Cependant, le poids des canons et de leurs obus - très supérieurs à celui des mitrailleuses et de leurs balles - et les sévères secousses que leur recul imposait à la structure de l'avion, en compliquaient l'usage. Durant la Première Guerre mondiale, les Français avaient, à plusieurs reprises, tenté d'installer un canon de campagne sur un avion, mais les contraintes d'une pareille pièce d'artillerie - qu'il fallait par ailleurs recharger à la main, après chaque coup ! - dépassaient de loin les capacités des frêles biplans de l'époque.

Pour être réellement utilisable sur un avion, le canon se doit en effet d'être le plus léger possible et, surtout, d'être alimenté par bandes ou par chargeurs, afin de permettre le tir automatique en rafale de plusieurs dizaines (et bientôt centaines) d'obus par minute, sans intervention humaine.

Pour absorber le recul d'une pareille pièce, la meilleure solution est encore de la boulonner au moteur. L'Hispano-Suiza français se prêtait particulièrement bien à pareil montage, entre les deux bancs de ses douze cylindres en V. La masse et la rigidité du moteur compensaient sans trop de mal les contraintes de l'arme qui, tirant à travers le moyeu de l'hélice, facilitait par ailleurs la visée et favorisait la précision des tirs.

Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le "moteur-canon" était devenu très populaire en France, et se retrouvait sur les chasseurs Morane 406 et Dewoitine 520.

On le vit aussi en Allemagne, sur les Messerschmitt 109, dont les ultimes versions, dotés d'un canon de 30mm tiraient jusqu'à 600 obus à la minute, soit autant que les mitrailleuses les plus rapides.

dimanche 24 avril 2005

777 - le choix des armes

... pendant longtemps, les chasseurs disposèrent des mêmes armes que les bombardiers qu'ils étaient censés abattre, soit une (parfois deux) mitrailleuse(s) de petit calibre, tirant à moins de 400 coups par minute.

Avec l'augmentation progressive de la vitesse de pointe des bombardiers, et faute de disposer de mitrailleuses à tir vraiment rapide, il fallut petit à petit se résoudre à augmenter le nombre d'armes de bord si l'on voulait conserver la moindre chance de les atteindre en vol.

Sur des milliers de balles tirées, seules quelques unes arrivaient en effet au but. Contraints et forcés, les constructeurs d'avions de chasse n'eurent donc d'autre choix que de multiplier le nombre de mitrailleuses, qui passèrent à quatre, six, huit, voire douze dans certaines versions des Hawker "Hurricane" de la 2ème Guerre mondiale.

Face à des bombardiers qui restaient de toile et de bois, pareil traitement pouvait encore suffire, mais finit par avouer ses limites à mesure des progrès enregistrés dans la construction métallique et le blindage des appareils.

Avec davantage de moteurs, et des moteurs de plus en plus puissants, il devint en effet possible d'augmenter le poids et la charge utile des bombardiers, donc leur protection face aux armes de petit calibre. En 1940, durant la campagne de France, on vit ainsi quantités de bombardiers allemands revenir tant bien que mal à leur base bien que "poivrés" de centaines d'impacts de balles qui, faute d'avoir pu toucher un organe vraiment vital, ne leur avaient pas causé grand tort.

Face à cette réalité incontournable, la première solution était évidemment d'augmenter le calibre de mitrailleuses au demeurant fort classiques. C'est la voie que choisirent en particulier les Américains, avec leurs célèbres mitrailleuses ".50" de 12.7mm. Face aux bombardiers lourds, les "grosses" 12.7mm américaines n'étaient pourtant guère plus efficaces que les "petites" 7.62mm britanniques, mais avaient au moins le mérite d'être fiables et disponibles en quantités industrielles (on les retrouvait en effet sur tous les avions, navires, tanks ou véhicules américains)

Surtout, les chasseurs américains n'avaient rien de plus gros à affronter que les bimoteurs allemands faiblement blindés, et les japonais qui s'enflammaient souvent dès la première rafale (!) Contre ceux-là - par ailleurs relativement lents - les projectiles de 12.7mm étaient largement suffisants, ce qui explique pourquoi l'USAF y resta fidèle jusqu'à la Guerre de Corée, au début des années 1950, lorsque l'apparition des chasseurs MIG-15 entièrement métalliques, et quasiment supersoniques, convainquit les constructeurs de se tourner vers des voies plus prometteuses...

samedi 23 avril 2005

776 - "Ils voulaient leur Führer. Et ils l'ont eu"

... De la trahison, on a souvent dit qu'elle était d'abord et avant tout affaire de temps et de lieu. Mais de la résistance à la dictature, l'on pourrait tout aussi bien dire qu'elle est d'abord et avant tout affaire d'âge et de circonstances.

Figures emblématiques de la fameuse "Rose Blanche", Sophie et Hans Scholl avaient, tout comme Joseph Ratzinger - qui deviendrait un jour le Pape Benoît XVI - fait partie des non moins fameuses "Jeunesses hitlériennes", organisation rendue obligatoire par un décret du 1er décembre 1936 pour tous les jeunes-gens et jeunes-filles d'Allemagne âgés de 14 à 18 ans.

Hans Scholl avait, tout comme Joseph Ratzinger, servi au Front et dans l'armée allemande, tout simplement parce que c'était, là encore, obligatoire.

Mais, à la différence de Joseph Ratzinger, Hans et Sophie Scholl eurent l'occasion d'entrer dans l'Histoire comme symboles de la résistance à la dictature nazie, pour des raisons d'abord et avant tout liées à leur différence d'âge avec le futur Pape.

Hans Scholl naquit en effet le 22 septembre 1918, et Sophie le 9 mai 1921. Joseph Ratzinger naquit quant à lui le 16 avril 1927, soit respectivement neuf et six ans plus tard.

Dit autrement, Joseph Ratzinger n'avait pas encore 16 ans quand Hans et Sophie Scholl - quant à eux respectivement âgés de 25 et 22 ans - furent arrêtés, jugés, puis décapités le 22 février 1943 pour avoir distribué des tracts hostiles au régime nazi après la chute de Stalingrad. Et il venait à peine de fêter son 18ème anniversaire quand Adolf Hitler se suicida dans son bunker, le 30 avril 1945, mettant ainsi un terme au Troisième Reich.

Or, quand ils avaient 16 ans, ni Hans ni Sophie Scholl ne participaient activement à une quelconque "résistance allemande" : ils étaient encore à l'école et membres des Jeunesses hitlériennes. Leur "éveil" vint plus tard, avec l'arrestation de parents et d'amis plus âgés, et avec les premières défaites de l'armée allemande, préludes à l'effondrement final.

Pour l'immense majorité des Allemands, victimes de la peur, du conformisme, ou de l'ancestrale tradition d'obéissance à l'État, "l'éveil" ne vint tout simplement jamais, ce que la grande Marlène Dietrich résuma en ces termes :

"Je suis allemande et je comprends les Allemands. Ils ont tous besoin d'un guide. Nous en voulons tous un, les Allemands sont comme ça. Ils voulaient leur Führer. Et ils l'ont eu".

Jusqu'au bout.

vendredi 22 avril 2005

775 - la nature des dictatures

... Pour Trenchard, pour Douhet, pour Mitchell, pour les principaux théoriciens des années 1920, le bombardement stratégique des villes ne pouvait qu'arrêter la production de guerre et pousser les civils à exiger, et obtenir, une paix rapide.

Ainsi devait-il en être, en toute logique, dans les démocraties normales, où l'expression de la volonté des citoyens avides de Paix finirait bien par vaincre les bellicistes siégeant au gouvernement, sous peine de provoquer des insurrections comme celle qu'avait précisément connue l'Allemagne en 1918.

Mais le Japon, l'Allemagne et l'URSS de 1939 à 1945 ne sont pas des "démocraties normales", mais bien des dictatures absolues, capables de sacrifier sans sourciller des milliers de leurs soldats et des millions de leurs civils pour gagner la guerre, ou du moins ne pas la perdre.

Elles peuvent de surcroît s'appuyer sur un nombre considérable d'indicateurs et de délateurs, toujours prêts à aider une police qui, bien qu'omnipotente, ne peut surveiller tout le monde et être partout à fois.

En 1937 par exemple, la Gestapo ne dispose que de 126 officiers pour surveiller les agissements des 500 000 habitants de Düsseldorf, de 43 à Essen pour 650 000 habitants, et... de 22 à Würzburg, pour les 840 000 habitants de toute la basse Franconie (!) Impossible, dans ces conditions, de repérer les "éléments subversifs" en s'en remettant au seul flair des rares agents en place. La loi sur les "comportements malveillants" du 21 mars 1933 allait s'en charger, et être à l'origine d'une gigantesque vague de dénonciations, le plus souvent anonymes.

Partout dans le Reich, des centaines de milliers de dénonciations furent ainsi collectées. Dans les archives de la seule Gestapo de Düsseldorf, on retrouva après guerre 72 000 dossiers de dénonciation, sans compter les quelque 30 000 qui auraient disparu (!)

jeudi 21 avril 2005

774 - "Nos femmes ont été déportées dans des bordels pour nègres !"

... pour inciter les citadins à supporter leur sort et à se battre jusqu'au bout, l'État dispose de puissants moyens coercitifs ou psychologiques.

Ainsi en est-il de ce gauleiter qui, le 7 avril 1945, alors que chacun sait la guerre perdue, harangue encore la population. "Tous les hommes entre 14 et 65 ans ont été rassemblés dans des camps dans les régions occidentales du Reich asservies; ils s'y trouvent sous la surveillance de nègres et de juifs. Nos femmes ont été déportées dans des bordels pour nègres" (*)

Et lorsque la psychologie, fut-elle primitive, ne suffit pas, il reste la matraque, puis le peloton d'exécution.

De 1933 à 1941, les seuls tribunaux civils prononcent un millier de condamnations à mort. De 1941 à 1945, ils en prononceront quinze mille... de plus.

"D'après le paragraphe 5 du décret spécial applicable en temps de guerre, du 17 août 1938, était puni de mort celui qui essayait en public de paralyser la volonté du peuple allemand d'assurer sa défense ou de le démoraliser. Il s'agissait de cette volonté de défense à laquelle Churchill s'attaquait par les airs pour la démoraliser, ce dont Hitler se vengeait en décapitant les démoralisateurs" (**)

"Plus un pas en arrière !" décrète le dictateur Joseph Staline dans son ordre 227 du 28 juillet 1942, qui rappelle que quiconque se rend devient un "traître à la patrie", et qui souligne que les "lâches et les paniquards" doivent être "exécutés sur place",... ce à quoi répond le Ministère de la Justice du Reich qui, dans sa note du 26 juin 1944, affirme que des propos aussi triviaux et évidents que "la guerre est perdue" rangent désormais et automatiquement leurs auteurs dans la catégorie des opposants politiques, qui méritent donc la peine de mort.

(*) cité par Jorg Friedrich, "L'incendie", page 320
(**) idem, page 411

mercredi 20 avril 2005

773 - la chute

... Les travailleurs étrangers - et bien entendu les Juifs - sont évidemment exclus des bunkers, et doivent dès lors se contenter des tranchées et de tout ce qu'ils peuvent trouver pour se protéger des bombes, y côtoyant ceux et celles arrivés trop tard, après la fermeture des portes des abris.

A mesure que l'habitat traditionnel s'enflamme et se transforme en gravats, à mesure que les attaques croissent en nombre et en fréquence, le bunker devient logement permanent autant que creuset dans lequel se dilue la résistance de ses occupants, qui réclameraient bien la Paix - comme le souhaitent les attaquants - n'étaient les dénonciateurs et autres indicateurs de la police, lesquels notent soigneusement les propos des uns et des autres.

Le bunker protège la vie, mais l'inconfort, l'humidité, la promiscuité, la peur perpétuelle, le bruit des bombes, la rendent infernale. Le "syndrome du bunker" mine le moral de la population plus sûrement que les tracts ou les destructions elles-mêmes. C'est presque avec soulagement que l'on se précipite dehors dès la fin de l'alerte,... pour contempler les ruines de ce qui fut sa ville et sa maison.

Le Troisième Reich fait construire des milliers de bunkers pour protéger la population, mais c'est dans les bunkers que la population apprend à se détourner du Troisième Reich. Encore celle-ci pourrait-elle s'estimer heureuse si elle savait qu'à des milliers de kilomètres de là, chez l'allié japonais, rien ne protège contre les bombes, ce qui permet aux statisticiens américains d'aligner de bien meilleurs chiffres d'efficacité guerrière que leurs homologues britanniques, perpétuellement confrontés à l'incroyable résistance du béton allemand.

Pour finir, lorsque le rideau retombe, l'on se retrouve avec des millions de tonnes de béton armé devenu inutile mais impossible à détruire, et dont on peut encore apercevoir les traces, ici et là, soixante ans plus tard...

mardi 19 avril 2005

772 - le bunker

... si la cave n'a jamais été prévue pour affronter les bombardements, un bunker comme celui de l'Anhalter constitue en revanche une protection relativement efficace.

"Le programme de construction du Führer du 10 octobre 1940 (...) prévoyait que quatre millions de mètres cubes de béton devaient être construits au plus vite d'ici l'été suivant, pour pouvoir abriter un demi-million de personnes (...) Le 7 mai 1943, lors de la première bataille de la Rühr, on en était à 5.1 million de tonnes. Dans l'intervalle, en septembre 1942, on avait pris la décision de construire le Mur de l'Atlantique. (...) La construction de bunkers fut donc privée de 10.4 millions de mètres cubes. (...) Un petit bunker de 20x30x30 mètres nécessitait au maximum huit mille tonnes de béton armé (...) La construction d'un grand bunker prenait neuf mois, coûtait 700 000 marks et, selon l'US Bombing Survey, était "la grande expérience de l'Allemagne. Il n'existe aucun abri aux États-Unis ou en Angleterre comparable à ce qu'on appelle des "bunkers""

Sans surprise, les bunkers visent d'abord et avant tout à protéger la population qui travaille dans les usines d'armements puis, par extension, les usines d'armements elles-mêmes, qui s'enterrent bientôt dans les mines et les galeries souterraines. Sans surprise non plus, l'ennemi se met alors en devoir de réaliser des bombes de plus en gros grosses, capables de percer les plafonds des bunkers, ce qui, en retour, incite les constructeurs de bunkers à réaliser des plafonds de plus en plus épais.

Comme on ne peut tout de même pas bétonner l'intégralité du territoire allemand, le nombre de places disponibles dans les bunkers reste toujours inférieur à celui de la population à protéger. Il s'ensuit donc une véritable course vers les abris dès le déclenchement de l'alerte et, souvent, des piétinements qui tuent des dizaines de personnes.

Et comme le mot de la fin doit toujours rester à l'État, des fonctionnaires zélés surveillent les admissions dans les bunkers. Il faut en effet posséder un "permis de bunker", que délivre la municipalité, ce qui, on s'en doute, suscite des passe-droits - ou des soupçons de passe-droits - et provoque d'innombrables récriminations.

lundi 18 avril 2005

771 - nuit ou jour, quelle différence ?

... Hanovre n'est pas la plus célèbre, la plus grande, la plus peuplée, la plus industrielle, la plus stratégique, ni même la plus symbolique des villes allemandes.

Mais comme le souligne Jorg Friedrich : "Trois choses comptaient pour le Bomber Command. Premièrement, Hanovre occupait la cinquième place sur la liste des villes industrielles les plus importantes d'Allemagne. On y produisait les pneus Continental, les véhicules Hanomag, et du pétrole (...) on y construisait des blindés, de l'artillerie et des pièces d'avions. Deuxièmement, Hanovre était au carrefour des voies de communication nord-sud et est-ouest. Troisièmement, c'était une ville de 472 000 habitants. C'était trois fois suffisant pour détruire une ville durant la Seconde Guerre mondiale".

Hanovre est donc bombardée 125 fois, perd près de 7 000 habitants, et se retrouve avec 300 000 sans-abris. Le raid le plus dévastateur, celui de la nuit du 8 octobre 1943, pulvérise 85% de la vieille ville.

A mesure que la guerre se prolonge, même les petites villes se retrouvent plongées dans la fournaise. Ainsi en est-il de Bingen qui, le 25 novembre 1944, voit surgir plus de trois cents B24 américains. Un raid diurne, dirigé contre les citernes du port et la gare de triage, mais un raid d'une précision plus que relative.

"Les pilotes qui revinrent ne se faisaient aucune illusion sur la précision de leur raid. Quelques équipages pensaient avoir largué leurs bombes à deux kilomètre et demi au nord-est de la gare (...) Comme on le constata grâce aux photos de reconnaissance (...) une partie [des bombes] était tombée dans le Rhin. Une autre avait abattu les arbres autour du monument de la Niederwald (...) S'agissant des objectifs précis, la gare de triage de Bingerbrück avait reçu quatre des 2 473 bombes explosives, les citernes n'avaient pas été touchées"

dimanche 17 avril 2005

770 - prévenir mais pas guérir

... si les démocraties peuvent tuer autant que les dictatures, elles se doivent en revanche de justifier les morts et de tenter autant que possible de les éviter.

En 1939, ce sont d'ailleurs des tracts, et non des bombes, que l'on largue par tonnes au dessus des villes allemandes. Dès 1940, les tracts précèdent, ou suivent, les bombardements. Le tract ajoute en effet une dimension psychologique à la force brute. Lancé avant la bombe, il prévient les civils de ce qui va leur arriver s'ils ne quittent pas les villes et les usines d'armements. Lancé après le raid, il le justifie et explique les raisons qui ont poussé à s'en prendre à cette ville-ci et cette usine-là,... même si, dans les faits, tous les projectiles sont tombés à côté de la cible visée et décrite dans le tract.

"Dans un tract étrange, largué par tonnes à l'automne 1943 au dessus de Hanovre, "A la population civile des régions industrielles allemandes", Churchill évoque son appel du 10 mai 1942, au début de la guerre des bombardements. La population civile des villes ayant une production intéressant l'armement devait en partir. (...) Tant qu'il y aura une production de guerre en Allemagne, "toutes les villes industrielles allemandes constitueront un théâtre d'opérations. Un civil qui se trouve sur ce théâtre d'opérations court évidemment autant de risques de perdre la vie qu'un civil qui se trouve sans autorisation sur un champ de bataille. S'agissant des femmes et des enfants, ils n'ont rien à faire sur un champ de bataille" (*)

Naturellement, le simple fait de ramasser, de lire, de distribuer les tracts ainsi tombés du ciel constitue un délit grave qui, à la fin du conflit, vaut même la peine de mort à celui qui s'en rend coupable. Sans autorisation de l'État, il est cependant impossible de quitter les villes. C'est en effet l'État qui permet aux civils de prendre la fuite ou qui, au contraire, les force à rester sur place et dans des villes officiellement devenues "forteresses" même si dépourvues du moindre rempart.

De toute manière, le principal obstacle à l'exode est le citadin lui-même, plus que réticent à l'idée de quitter sa ville, de laisser sa maison sans surveillance, à la merci des pillards, et de partir "à la campagne", dans des régions et des villages qu'il ne connaît pas et où il est loin d'être toujours le bienvenu.

C'est ce qui explique pourquoi la plupart des habitants de Hanovre, déjà bombardée en février 1941, sont encore présents sur place le 8 octobre 1943, lorsque le Bomber Command britannique incinère 10 kilomètres carrés du centre ville, y tuant près de 1 200 personnes...

(*) Jorg Friedrich, "L'Incendie", page 209

samedi 16 avril 2005

769 - le retour au Moyen Âge



















... dans une guerre totale, les civils sont des combattants à qui l'État rend les honneurs militaires lorsqu'ils tombent sous les bombardements.

Au début de la guerre aérienne, l'Allemagne nazie n'éprouve aucune difficulté à offrir cérémonie officielle, cercueil décent et sépulture individuelle à chaque civil victime des bombes, ainsi que décorations, indemnisations et sympathies personnelles du Führer ou du gauleiter local aux survivants et héritiers.

Mais à partir de la mi-1943, à mesure que les raids se font de plus en plus massifs, et les morts de plus en plus nombreux, il faut en revenir aux fosses communes, aux boîtes en sapin, puis aux sacs de toile que l'on coud simplement autour des cadavres. Il ne s'agit plus d'honorer quelques dizaines de martyrs de la Grande Allemagne, mais bien de faire disparaître au plus vite des milliers et des milliers de corps souvent carbonisés au point d'en être rendus méconnaissables.

A Pforzheim, on doit recourir au lance-flammes pour faire disparaître les 20 000 cadavres que la municipalité est incapable d'enterrer. A Dresde, l'ampleur des destructions impose même l'usage d'une méthode directement héritée du Moyen-Âge.

"Des travailleurs et des prisonniers russes creusèrent des tombes dans les cimetières de Dresde pour dix mille tombés au champ d'honneur. Survint un radoucissement du temps (...) qui accéléra la décomposition. Il ne restait plus d'autre choix (...) que de donner l'autorisation d'incinérer les corps. Cela eut lieu sur l'Altmarkt, où l'on bâtit d'immenses grils avec des poutrelles de fer. Sur chacun d'eux, on disposa environ cinq cents corps les uns sur les autres. On les imprégna d'essence et on y mit le feu"

Par une de ces étranges ironies dont l'Histoire a le secret, les grils, qui brûlèrent pendant cinq semaines, "furent construits avec la participation d'un des commandos de Streibel [le Sturmbahnführer SS Karl Streibel], (...) qui avaient appris cette méthode de crémation à Treblinka. Là bas, on utilisait six rails de chemin de fer sur des socles en béton" (*)

(*) cité par Jorg Friedrich, "L'Incendie", page 394. Les événements de Dresde ont toujours fait l'objet d'innombrables polémiques. Celle relative au nombre de morts ne fait pas exception. On considère aujourd'hui que les pertes humaines, évaluées à bien plus de 100 000 par l'occupant russe au lendemain de la guerre, tournent plutôt aux alentours de 35 000.

vendredi 15 avril 2005

768 - une ville connue sous le nom de Dresde
















... le 13 février 1945, les Britanniques bombardent Dresde, suivis le lendemain par les Américains.

Pour les premiers, c'est évidemment une manière de venger le fait que 180 fusées V1 et V2 - le total le plus important jamais enregistré - se sont abattues sur l'Angleterre cette semaine-là. Pour les seconds, c'est aussi tenir la promesse faite à Staline, quelques jours plus tôt, de paralyser toutes les voies de communication ferroviaire acheminant des renforts allemands vers le front de l'Est.

Des dizaines de milliers de civils allemands vont payer de leur vie cette double logique,... et aussi le fait que plusieurs trains bondés et bloqués en gare centrale ne transportent pas des troupes allemandes en route vers le front - comme l'affirment pourtant les services de renseignement soviétiques - mais bien des milliers de civils allemands, fuyant dans la direction opposée.

A l'énoncé des pertes et destructions, Goebbels, Ministre de la Propagande du Reich entre dans une colère folle et jure d'exécuter autant de prisonniers de guerre anglo-américains qu'il y a de civils allemands tués dans ce bombardement.

Hitler est favorable à l'idée, qui lui permettrait de renier les Conventions de Genève sur les prisonniers de guerre et contraindrait donc les troupes allemandes à se battre jusqu'au bout, sachant le sort qui les attendrait en retour si elles cédaient à la tentation de se rendre

Ce n'est qu'à grand-peine que l'État-major de l'armée parvient à convaincre le Führer d'y renoncer.

Confronté à des soldats allemands qui se battent de plus en plus mollement contre les Anglo-américains à l'Ouest, Goebbels parvient néanmoins à imposer une autre idée, celle d'une sorte de "tourisme des cendres" : tous les soldats allemands ayant de la famille à Dresde se voient accorder des permissions exceptionnelles, dont on espère qu'elles les convaincra, au retour, de combattre avec un désir de vengeance renouvelé....

Ce sera tout le contraire...

jeudi 14 avril 2005

767 - les illusions perdues

... les partisans du bombardement stratégique sont convaincus de remporter du haut des airs une guerre qu'ils ne veulent plus mener au sol.

Mais si les villes allemandes et japonaises se transforment progressivement en cendres, c'est au sol, "comme au bon vieux temps" que la guerre continue d'être gagnée ou perdue. Pour préparer les offensives au sol, en Normandie ou à Arnhem, à Anzio ou à Okinawa, on bombarde donc encore et encore, persuadé que les bombes qui tuent derrière les lignes ennemies sauvent d'autres vies sur le Front.

Et lorsqu'on se rend compte que, contre toute attente, les bombardements ne précipitent pas la fin de la guerre, et que les offensives au sol s'enlisent les unes après les autres face à la résistance opiniâtre de l'ennemi, l'on se dit que c'est faute d'avoir suffisamment bombardé, et aussi qu'en bombardant davantage, on finira bien par emporter la décision.

Petit à petit, cependant, le doute commence à s'installer dans les esprits

"Je ne connais pas la réponse", écrit Henry Hartley Arnold, commandant en chef de l'aviation américaine. "Ou nous entretenons des idées trop optimistes sur les résultats des raids aériens, ou nous nous sommes terriblement trompés en évaluant l'effet des destructions sur la machine de guerre allemande" (...) Nous ne sommes peut-être pas en mesure de contraindre l'Allemagne à la capitulation par des raids aériens. D'un autre côté, il me semble qu'avec cette prodigieuse puissance de feu, on devrait obtenir des résultats bien meilleurs et bien plus décisifs" (*)

En décembre 1944, la contre-offensive allemande dans les Ardennes démontre pourtant que l'ennemi n'est toujours pas disposé à se soumettre.

Et comme on ne sait rien faire d'autre, comme il faut bien venger les milliers de soldats américains tués ou blessés en Belgique, comme il faut tout tenter pour empêcher d'autres soldats américains de mourir en Allemagne, on lâche à nouveaux la meute des loups, qui s'en vont rebombarder les ruines des villes allemandes...

(*) cité par Jorg Friedrich, "L'incendie", page 132

mercredi 13 avril 2005

766 - la part belge

... Comme le souligne l'historien Lambert Grailet (*), la plupart des fusées V1 et V2 ne furent pas tirées vers l'Angleterre, mais bien vers la Belgique

"Pendant la période du 21 décembre 1944 au 20 janvier 1945, sur un total de 3 293 Fi 103 [dénomination du V1 chez Fieseler], 1 724 [c-à-d 52.4%] furent tirés sur Liège et 1 569 [c-à-d 47.6%] sur Anvers. (...) Au bilan final de cette tragédie, provoquée par les bombes volantes allemandes, on constatera que 10 492 d'entre elles avaient été lancées sur l'Angleterre et 11 892 dirigées sur des objectifs belges. Parmi ces dernières, 8 696 furent envoyées sur la région anversoise, 3 141 sur le pays de Liège et 55 sur Bruxelles"

"Cependant, le nombre de bombes V par kilomètre carré a atteint 5.7 (Liège ville = 7.9) pour l'agglomération liégeoise alors qu'à Londres il est de 1.5 et dans l'agglomération anversoise de 4.2 (Anvers-ville 5.3) (...) La grande métropole et son arrondissement d'Anvers sortiraient de la mésaventure en ayant supporté 52% du terrible fléau des V1 et V2. La Cité ardente et son arrondissement de Liège subissaient en même temps les coups fatidiques de la vengeance allemande, avec une part de 28%.

Après le désastre, l'agglomération liégeoise sortira très meurtrie d'une Libération qui lui laissera un goût de cendres... 2 809 de ses maisons étaient totalement détruites, 20 588 autres ne pourraient redevenir habitables qu'après de gros travaux, et 72 000 avaient été touchées d'une façon ou d'une autre par les retombées des "robots". De l'avis unanime de ceux qui depuis lors ont rapporté cette tragédie de 1944-45, Liège vient en tête des villes belges quant au plus grand nombre d'habitats sinistrés par les engins V"

(*) Lambert Grailet, "Liège sous les V1 et V2", 1996, publication à compte d'auteur

mardi 12 avril 2005

765 - "ces satanées fusées idiotes"

... "Pour acheminer à Londres un tonnage comme celui du raid qui avait provoqué la tempête de feu sur Hambourg, il aurait fallu trois mille fusées V2. Mais durant les sept mois de leur engagement, seules 1 359 d'entre elles furent tirées sur cette ville. Comparé à ce qui se produisait chaque jour en Allemagne, tout cela maintenait les dégâts dans une limite militairement insignifiante. Dès le départ, l'arme de représailles n'étais pas en mesure de venger l'Allemagne".

Mais si elles sont incapables de gagner la guerre, et n'infligent que des dégâts finalement insignifiants, les fusées V1 et V2 n'en tuent pas moins près de 9 000 personnes en Grande-Bretagne, y alimentant un énorme ressentiment.

"Churchill et de nombreux Britanniques, dont les pilotes de bombardiers, nourrissaient une rage particulière contre les fusées", poursuit Jorg Friedrich. "C'était une arme perfide et lâche parce que ce moyen de destruction agissait sans le moindre combat. Il n'y avait à bord aucun pilote pour risquer sa vie"

(...) [Churchill] était prêt, en réponse, à intimider l'ennemi au moyen d'attaques au gaz de grande envergure si une telle politique assurait la victoire. Des officiers supérieurs de l'armée de l'air, même Portal, préconisèrent la modération. "Ces satanées fusées idiotes", comme les nommait Harris, provoquaient moins de dégâts qu'une seule mission du Bomber Command contre n'importe quelle ville allemande. Churchill ne se laissa pas démonter, quelques escadres s'entraînaient déjà prudemment à opérer avec du gaz. Le maréchal de l'air Tedder, fit valoir ses objections (...) il ne voyait pas l'avantage qu'il y aurait à employer les gaz peu de temps avant l'entrée des armées alliées en territoire allemand" (*)

De surcroît, la majorité des fusées V2 n'étaient pas tirées sur Londres, mais bien... sur les villes belges d'Antwerpen et Liège, respectivement ville portuaire essentielle à l'effort de guerre allié, et important noeud de communications.

(*) cité par Jorg Friedrich, "L'Incendie", page 119

lundi 11 avril 2005

764 - vengeance, représailles et puis vengeance

... si on ne peut empêcher l'ennemi de bombarder nos villes, il importe néanmoins d'en tirer vengeance, en bombardant ses villes à lui, ne serait-ce que pour calmer une population qui ne supporterait pas d'être la seule à souffrir de la guerre.

S'engage alors l'inévitable cycle des représailles aux bombardements, qui suscitent en retour d'autres bombardements conçus comme représailles.C'est un cercle vicieux, où seule compte la puissance industrielle des deux camps, c-à-d leur capacité respective à expédier de plus en plus de bombardiers au dessus des villes ennemies.

A ce petit jeu, les Anglais, auxquels ont fini par se joindre les Américains, sont vite devenus imbattables et capables de déverser sur les villes allemandes bien plus de bombes que les Allemands ne sont en mesure de lancer sur les villes anglaises.

L'apparition des premières fusées V1 et V2, à l'été 1944, vient pourtant bouleverser la donne. Pour la première fois, il est possible de s'en prendre aux villes ennemies sans subir de pertes dans ses propres rangs. C'est particulièrement vrai de la V2 qui, volant à plusieurs fois la vitesse du son, est tout simplement invulnérable.

"Le matin du 6 juillet [1944], Churchill indique à la Chambre des Communes que l'on déplore 2 752 morts. Un million de Londoniens, des femmes et des enfants pour la plupart, sont évacués (...) En septembre, 25 000 maisons sont détruites. Sur les 8 839 V1 mis à feu, 27% touchent des quartiers d'habitation et tuent 5 475 personnes".

Pour autant, faute d'un explosif réellement puissant - comme une charge atomique - les dommages causés par cette nouvelle arme restent bien en deçà des bombardements classiques...

dimanche 10 avril 2005

763 - la face cachée de l'Histoire

.. le 6 mars 1944, aucune des cibles visées par le premier grand raid diurne américain sur la capitale du Troisième Reich n'a été atteinte.

Pour autant, la mission n'est pas considérée comme un échec. D'abord, parce qu'elle a démontré que la capitale du Grand Reich est désormais vulnérable, de jour comme de nuit.

Ensuite, et surtout, parce qu'elle a contraint la Luftwaffe à lancer ses meilleurs pilotes à la poursuite des bombardiers américains. Des pilotes qui se sont faits étriller par la chasse américaine accompagnant les bombardiers. Lors de ces engagements, la Luftwaffe a en effet perdu 47 avions de chasse et 36 aviateurs, contre 11 avions aux Américains.

Même si ces pertes semblent faibles dans l'absolu, il est en réalité très difficile de les compenser. L'industrie allemande est certes en mesure de remplacer les avions perdus,... mais pas de fournir des pilotes ayant la même expérience que ceux tués en combat aérien.

Deux jours après leur raid sur Berlin, les Américains bombardent à nouveau la ville alors que la plupart des unités de chasse allemandes, déjà à court d'effectifs, sont quant à elles incapables de retrouver leur niveau opérationnel.

"Les pilotes quittaient l'école après 150 heures de vol", souligne Jorg Friedrich. Leurs adversaires bénéficiaient d'une formation deux fois plus longue et étaient sept fois plus nombreux. (...) Entre le début de l'année et le mois de mai, la chasse de jour avait perdu mille pilotes, les meilleurs des capitaines d'escadrilles, des commandants en chef et des commandants d'escadre. On ne pouvait plus boucher les trous. Lorsque, de surcroît, il y eut au printemps des raids massifs sur les installations d'hydrogénation et qu'en septembre il ne resta plus qu'un sixième des rations d'essence dont on disposait jusque-là, la chasse allemande devint incapable de poursuivre ses opérations.

samedi 9 avril 2005

762 - le vrai côté du "miracle"

















... Au début du conflit, l'Allemagne construisait une multitude de types et de modèles d'avions différents, allant du petit monomoteur de chasse Messerschmitt 109 aux gros avions de transport tri et quadrimoteur Junker 52 ou Focke-Wulf 200, en passant par une kyrielle de bimoteurs de reconnaissance, de transport ou de bombardement, comme le Heinkel 111.

Engagée dans une guerre de conquête, il lui fallait naturellement davantage de bombardiers (armes offensives) et d'avions de transport (armes de soutien) que de chasseurs (armes défensives), et la part de ces derniers représentait donc moins du tiers des appareils construits

En 1944, en revanche, murée dans une guerre strictement défensive, l'Allemagne ne produit pour ainsi dire plus que quelques types et modèles (10 en 1944, 8 en 1945) de petits chasseurs-bombardiers, mono ou bimoteur.

Or, il est bien évident - mais parfaitement ignoré des historiens-comptables - qu'il faut infiniment plus de temps pour construire un gros bombardier quadrimoteur qu'un petit chasseur monomoteur.

Dans les faits, un bombardier quadrimoteur comme le B17, le B24 ou le Lancaster (dont les Anglais produisirent plus de 16 000 exemplaires et les Américains, le double), nécessite 5 à 6 fois plus d'heures de travail qu'un chasseur monomoteur (*)

En matière de construction aéronautique, comme dans bien d'autres domaines, il n'y a donc pas de "miracle allemand", mais bien une concentration sur une nombre de plus réduit de modèles de plus en plus faciles à construire, et ce au détriment de tout le reste et en particulier des projets à moyen et long terme.

(*) chez Boeing, la production d'un seul B29 nécessitait pour sa part cinq à six fois plus d'heures de travail que pour un B17

vendredi 8 avril 2005

761 - entre avion et avion












... pour les historiens-comptables, puisque la production de matériel de guerre a continué à croître presque jusqu'à la fin du conflit, les bombardements massifs opérés sur les grandes villes et centres industriels allemands n'ont servi à rien,... si ce n'est bien sûr à provoquer la mort d'innombrables civils innocents.

Et à l'appui de leurs dires, de citer les chiffres officiels allemands - comme ceux relatifs à la production "d'avions", passée de moins de 10 000 par an en 1941 à 40 000 en 1944, soit au plus fort des bombardements alliés (!)

S'ils condescendent parfois à admettre que les chiffres officiels ont pu être surestimés pour différentes raisons, s'ils se désintéressent de la qualité de plus en plus exécrable des avions produits, ou s'ils restent muets sur le fait que les chiffres officiels auraient pu être encore bien plus élevés si l'Allemagne n'avait été obligée, par les bombardements, à décentraliser et délocaliser ses usines d'un bout à l'autre du pays, les historiens-comptables s'accrochent néanmoins mordicus au fait que des "avions" sont et restent nécessairement des "avions".

A priori en effet, quoi de plus logique que de soutenir que les "avions" de 1944 étaient, aux désignations et performances près, les mêmes qu'en 1941 ou en 1939 ?

Mais cette assertion est pourtant totalement erronée...

jeudi 7 avril 2005

760 - les raisons du "miracle"

... Même s'ils frappent l'imagination et forcent à s'interroger sur la simple utilité des bombardements alliés, les chiffres de production allemands de la 2ème GM sont d'abord et avant tout systématiquement gonflés de multiples manières et pour de multiples raisons, toutes plus ou moins liées à la crainte des gestionnaires de se voir gratifiés d'une mutation sur le Front de l'Est au cas où les objectifs ne seraient pas atteints.

Les avions renvoyés en usine pour réparations sont ainsi comptés comme "avions neufs", de même que ceux qui, bien qu'effectivement "neufs" sont parfaitement démodés ou carrément impropres à tout usage, en raison de malfaçons ou de sabotages.

De plus, si les bombardements alliés ne stoppent nullement la production, ils ont néanmoins pour principal effet de contraindre les industriels allemands à décentraliser les fabrications, à recourir massivement à la sous-traitance, et à délocaliser les usines d'un bout à l'autre de l'Allemagne, dans des tunnels ferroviaires, au fond de mines de sel, voire même en pleine forêt.

Cette délocalisation systématique a évidemment des effets désastreux sur la qualité de fabrication, la coordination des multiples sites de production, la régularité de leurs approvisionnements et, enfin, sur l'acheminement des avions vers le front, par des ponts, des routes ou des voies ferrées régulièrement bombardés.

De plus, nul ne sait combien d'avions *supplémentaires* l'industrie allemande aurait pu produire si elle avait été en mesure de continuer à les fabriquer dans ses usines habituelles, plutôt que de se voir contrainte de déménager celles-ci, dans des conditions souvent improvisées.

Pourtant, ces diverses nuances passent encore, comme le font trop d'historiens-comptables, à côté de l'essentiel, parce qu'elles éludent une question finalement toute simple : qu'est-ce qu'un "avion" ?

mercredi 6 avril 2005

759 - le "miracle allemand"















... fin février 1944, désireux d'en finir avec la production allemande d'avions de chasse, les anglo-américains lancent plus de 6 000 bombardiers sur Augsburg, Schweinfurth, Ratisbonne ou Stuttgart, faisant des milliers de victimes et détruisant des kilomètres carrés de bâtiments et de maisons.

Le 6 mars, c'est au tour de Berlin de connaître son premier grand raid diurne. Un raid hautement symbolique mais dans lequel la 8ème Air Force américaine perd tout de même 70 quadrimoteurs B17 et B24, ainsi que 701 aviateurs, dont 411 sont faits prisonniers. A lui seul, le 13th Combat Wing y a laissé onze B17 sur quinze (!)

Pour autant, aucun des objectifs que les Américains se sont promis de détruire à Berlin n'est atteint. Pire encore : un instant ralentie, la production allemande d'avions repart de plus belle.

Moins de 10 000 appareils en 1941, 16 000 en 1942, 26 000 en 1943, 40 000 en 1944 : la production aéronautique nazie vole littéralement de records en records alors que, dans le même temps, les villes et centres industriels de la Grande Allemagne sont soumis à des bombardements de plus en plus intensifs.

Sur base de ces chiffres bruts, la condamnation du bombardement stratégique s'imposerait d'elle-même si, dans les faits, la réalité ne s'avérait beaucoup plus contrastée.

mardi 5 avril 2005

758 - les Dambusters

...dans la nuit du 16 au 17 mai 1943, l'ordre est enfin donné de recourir aux "Dambusters" et de s'en prendre aux barrages qui régulent et alimentent le bassin industriel de la Rühr.

Due au génial Barnes Walis - également auteur des bombes Tallboy et Grand Slam - et accrochée sous le ventre d'un bombardier Lancaster spécialement modifié, la Dambuster est un cylindre rempli de quatre tonnes d'explosifs, qu'un moteur électrique entraîne à 450 tours/minutes avant son lancement au dessus du plan d'eau, sur lequel elle ricoche à plusieurs reprises, ce qui lui permet de "sauter" les filets de protection qui protègent le barrage contre toute attaque à la torpille. Parvenue au but, la bombe coule ensuite le long du mur, contre lequel elle explose à une profondeur d'environ dix mètres.

L'escadrille qui s'en prend au barrage de la Sorpe échoue dans sa mission, et est presque entièrement anéantie. Celle destinée aux ouvrages de la Möhne et de l'Eder a plus de chance. La destruction du barrage de l'Eder provoque un gigantesque raz-de-marée de neuf mètres de haut et de cent-soixante millions de mètres cubes d'eau, qui tue 1 300 civils et engloutit des villages entiers sur son passage.

Les dégâts matériels et humains sont énormes mais restent pourtant bien en deçà des espérances britanniques. Seule la destruction simultanée du barrage de la Sorpe aurait en effet pu provoquer la paralysie totale de la Rühr. Au lieu de cela, et en quelques semaines, des dizaines de milliers d'ouvriers vont réparer les ponts et les infrastructures. Fin septembre, le barrage de l'Eder est rebâti. Puis vient le tour de celui de la Möhne.

Demi-succès ou demi-échec, la destruction des barrages de la Rühr ouvre néanmoins de nouvelles perspectives au bombardement stratégique en démontrant qu'à la condition d'y consacrer suffisamment de temps et d'argent, il est désormais possible de frapper des cibles précises, au mètre-près, très loin derrière les lignes ennemies, plutôt que de les ensevelir sous des centaines de bombes conventionnelles, en espérant que l'une d'elles finisse par faire mouche.

Confrontés des années plus tard au problème des grands ponts vietnamiens en treillis, les Américains retiendront la leçon britannique, et finiront eux aussi par développer des bombes spécialisées - les premières bombes à guidage laser - qui, bien qu'extraordinairement coûteuses, s'avéreront infiniment plus efficaces et économes en vies humaines que la traditionnelle force brute de milliers de tonnes d'explosifs...

lundi 4 avril 2005

757 - l'imagination au pouvoir

... dans cette guerre où les scientifiques des deux camps disposent de "ressources à un degré dont on ne peut que rêver en temps de paix", la science prend un essor fabuleux, et les innovations technologiques se font quasi quotidiennes.

Simples rêves d'ingénieurs ou innocentes curiosités de laboratoires, les moteurs à réaction, les fusées, les bombes atomiques, les radars, les calculateurs, les ailes en flèche, ou les systèmes à infrarouges, parviennent rapidement à maturité et stupéfient leurs utilisateurs comme leurs concepteurs.

Plus rien ne semble impossible, pas même la destruction de barrages cyclopéens, qui permettra aux flots vengeurs d'inonder le territoire ennemi, et de priver d'eau son industrie et sa population.

De l'inondation de la Rühr et, plus tard, de la déforestation des forêts vietnamiennes à l'agent orange, on dira qu'il s'agissait de "crimes écologiques". Mais à l'époque, chacun les voit comme autant de moyens pratiques de parvenir à une fin justifiée.

"Le barrage de la vallée de la Möhne et celui de la Sorpe (...) constituaient un ensemble hydraulique extrêmement important (...) fournissaient 70% des besoins en eau de l'industrie de la Rühr et assuraient de l'eau potable à 4.5 millions d'habitants. Le barrage de la vallée de l'Eder (...) était encore plus grand et contenait 202 millions de mètres cubes d'eau. Les économistes (...) avaient calculé que supprimer les réserves de la Möhne et de la Sorpe (...) paralyserait toute l'industrie de la Rühr durant l'été et placerait les civils dans une immense détresse en les privant d'eau potable".

Pendant des semaines, scientifiques et ingénieurs britanniques, menés par le génial Barnes Wallis, s'affairèrent donc à concevoir une bombe qui, après son largage, pourrait ricocher sur l'eau et couler juste contre la paroi du barrage, avant d'exploser à une profondeur soigneusement calculée pour y ouvrir une brèche.

Une vingtaine de bombardiers Lancaster furent spécialement modifiés pour la transporter, et leurs équipages soigneusement entraînés au dessus d'un lac anglais et d'un vieux barrage, qui servirent à tester les différentes configurations et réglages possibles.

dimanche 3 avril 2005

756 - la faute de l'autre

... en l'absence de bombe nucléaire, et quelles que soient la puissance des bombes explosives et le nombre de bombes incendiaires conventionnelles, il n'est pas possible d'annihiler une grande ville en une seule fois.

Il faut donc bombarder et rebombarder sans cesse, procéder méthodiquement par zones, par quartiers, étudier les photographies aériennes que ramènent les avions de reconnaissance après chaque raid, décider des endroits qu'il convient de "traiter" à nouveau, déterminer une nouvelle proportion de bombes incendiaires et explosives.

C'est ainsi que Cologne sera bombardée 262 fois tout au long de la guerre, Essen 272 fois, Duisbourg 299 fois,...

Dans ce monde de flammes, les militaires se contentent d'obéir aux ordres des politiciens (qui leur disent ce qu'ils doivent bombarder), de suivre les conseils des scientifiques (qui leur expliquent comment le faire) et d'utiliser les armes que les industriels mettent à leur disposition.

Le remords, quand il existe, est tardif et ne se manifeste que des années plus tard, dans des biographies et des interviews où l'on s'efforce de minimiser, sinon de nier, sa propre responsabilité et de se donner le "beau rôle".

"Ce que je savais me rendait malade", écrivit ainsi le physicien Freeman Dyson quarante ans après la guerre. "Je me suis dit maintes fois que j'avais le devoir moral de descendre dans la rue pour dire au peuple anglais les bêtises que l'on commettait en son nom. Mais je n'en avais pas le courage. Je suis resté jusqu'à la fin dans mon bureau à calculer comment tuer 100 000 personnes de la manière la plus économique possible"

A l'inverse, la plupart ne regrettent rien, ou se réfugient derrière la faute des "autres", la faute de ceux qui leur ont ordonné de faire comme ceci, ou conseillé de s'y prendre comme cela

"Le physicien réalise une possibilité scientifique, on ne l'interroge pas sur la licéité de sa mise en oeuvre. "L'état de guerre, écrit [le professeur Solly] Zuckerman, incite le scientifique à de grands élans d'imagination. Le monde à sa disposition s'élargit soudain dans des proportions insoupçonnées. Cela se traduit notamment par la possibilité de disposer de "ressources à un degré dont on ne peut que rêver en temps de paix"".

samedi 2 avril 2005

755 - submergé par le nombre

... Prenant exemple sur son homologue britannique - qui a sauvé l'Angleterre durant le Blitz de 1940 - le contrôle aérien allemand, s'il ne parvient pas à interdire tout bombardement des villes du Troisième Reich, est néanmoins en mesure d'infliger des pertes sévères à l'adversaire.

Mais on ne peut hérisser l'Allemagne de canons, ni multiplier les pilotes de chasse à l'infini. L'entrée en scène des bombardiers américains, à partir de 1943, épuise les défenses allemandes déjà fort affaiblies par les bombardements britanniques. Désormais frappées de jour comme de nuit, les villes allemandes agonisent à mesure que le contrôle aérien peine à mobiliser les défenses indispensables.

La consommation d'obus antiaériens, estimée à 500 000 par mois en 1941/42 est passée à plus de 3 millions par mois en 1944, alors que plus de deux millions de soldats et de civils sont maintenant liés directement ou indirectement à cette arme, qui absorbe 30% de tous les canons et 20% de tous les obus produits durant l'année.

La situation est bien pire pour la chasse. Car si l'industrie allemande est encore en mesure de construire des avions, elle ne peut remplacer les pilotes expérimentés, qui succombent sous l'effet de l'épuisement et des balles des chasseurs d'escorte alliés - et en particulier des nouveaux P51 "Mustang" - qui ont acquis la maîtrise du ciel.

Le rapatriement en catastrophe des "as" qui se sont illustrés sur le front russe n'y change rien. Confrontés à des adversaires numériquement et techniquement très supérieurs à ceux qu'ils affrontaient en Russie, les "experten" de la Luftwaffe sont descendus les uns après les autres.

L'introduction des systèmes de brouillage radar puis, surtout, le débarquement de Normandie, porte le coup de grâce à la défense aérienne allemande. En effet, à mesure que les troupes alliées avancent, les radars de détection allemands sont forcés de reculer.

Bientôt, on n'observe plus les bombardiers ennemis qu'une fois ceux-ci déjà au dessus de l'Allemagne, c-à-d lorsqu'il est trop tard pour prévenir la population et la chasse de leur arrivée...

vendredi 1 avril 2005

754 - identifier l'ennemi

... si le bombardier cherche la ville sur laquelle déverser ses bombes, la défense antiaérienne, de son coté, tente de repérer le bombardier et de le détruire avant qu'il n'y parvienne.

Les radars à longue portée - comme les Freya allemands - ont observé la venue des appareils ennemis quelques minutes à peine après leur décollage. L'information a été aussitôt transmise aux responsables de la défense antiaérienne, qui se relayent 24 heures sur 24 dans leurs PC souterrains.

Les yeux rivés sur les cartes de leurs secteurs d'intervention, constellées d'une multitude de points représentant les avions amis et ennemis, leur emplacement et leur situation opérationnelle, les officiers s'efforcent de deviner les intentions de l'adversaire, et la ville vers laquelle il se dirige.

Il importe en effet de prévenir la population locale, afin qu'elle puisse se mettre à l'abri, mais aussi d'alerter les différentes batteries de DCA qui s'intercalent entre l'ennemi et la cible qu'il vise. Il faut aussi coordonner l'action de ces batteries avec celle de la chasse, pour éviter que celles-ci ne tirent sur celle-là, et tenir compte non seulement des effectifs de chasse dont on dispose, mais aussi de leurs réserves en carburant et munitions.

C'est un travail difficile, où la moindre erreur de jugement peut se traduire par la perte de milliers de vies humaines. Malheur au contrôleur qui, se méprenant sur les intentions de l'adversaire, expédie la chasse dans la mauvaise direction, et livre ainsi une ville sans défense aux bombardiers d'un ennemi qui, de son côté, tente par tous les moyens de leurrer les contrôleurs de la défense antiaérienne.